Je me demande depuis longtemps si les marchés financiers ne sont pas en train de devenir un super-divertissement. Une sorte de télé-réalité suivie avec un certain détachement par des hordes de gens qui espèrent avoir tiré le gros lot en achetant et en vendant des bouts de trucs par le biais d'un effleurement pollicial sur un plan phototactile recouvert de résidus dermiques non identifiés. Des gens qui achètent des fractions de bitcoins en promenant leur pouce sur la vitre un peu crade d'un smartphone, quoi. Les Américains appellent ça la "gamification", un terme qui sonne assez bien, genre "prends ça comme un jeu" (mes lectrices / teurs les plus pointus auront reconnu une expression contenue dans cet ONVI musical).

Si j'écris ça, c'est parce que plein de médias traditionnels ont fait des "live" cette semaine sur les convulsions des bourses mondiales à cause de la guerre commerciale. Comme pour un match de foot, l'Eurovision ou les JO de Paris. La fusion entre Jim Cramer et Grégoire Margotton, si vous voulez. Oui, c'est ça, Jim Margotton. Et je n’ai aucun mal à dire que c’était souvent assez réussi. Un peu fourre-tout mais assez rythmé, vu la densité de news qui tombent à la minute en ce moment. Comme dans tout bon divertissement, il y a des twists.

Celui d’hier était une vraie dinguerie : Donald Trump annonce en pleine séance à Wall Street qu’il renonce pour 90 jours à la majeure partie des droits de douane annoncés une semaine plus tôt, tout en relevant ceux qui frappent la Chine à 125%. Cette bombe a provoqué une orgie haussière à Wall Street. Le Nasdaq a terminé en hausse de 12% et le S&P 500 de 9,5%. De la porn-bourse. Pour une fois, l’adage est inversé : la baisse a pris l’escalier en ratant quelques marches, mais la hausse a pris un ascenseur sous stéroïdes.

L’administration Trump a tenté de faire passer ça pour un truc organisé, une sorte de plan machiavélique destiné à piéger la Chine. Mais pour une fois, Donald himself s’est montré moins prêt à réécrire l’histoire que ses ouailles : il a expliqué avoir fait preuve de pragmatisme parce que les gens commençaient à paniquer. Il a quand même clamé une victoire, on ne se refait pas. "Dans la mesure où le Mexique et le Canada, les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, mais aussi la Chine et l'Union européenne, n'ont pas entamé de négociations, cette victoire ressemble à une grande fête organisée alors que votre équipe nationale de football préférée vient de gagner contre Saint-Marin. Sans vouloir offenser Saint-Marin, vous voyez ce que je veux dire", ironise l'économiste en chef d'ING, Carsten Brzeski.

Plus sérieusement, il y a des centaines de papiers ce matin dans la presse financière et généraliste sur les raisons de ce revirement. Personnellement, je n'ai aucune information particulière, mais il semble raisonnable de penser que la pression des milieux d'affaires, les dissensions internes et la rapide dégradation de certains pans du marché ont conduit la Maison Blanche à faire machine arrière. Le fait que l'annonce ait eu lieu en pleine séance boursière est un indice de l'urgence de la réponse. Mais je crois que l'éléphant dans la pièce est rapidement devenu le marché obligataire, qui est très, très rapidement monté en tension cette semaine. D'ailleurs, Donald Trump a déclaré en conférence de presse hier qu'il avait gardé un œil sur le "très délicat" marché obligataire, qui est "à nouveau splendide" après ses annonces. Il existait donc bien un "put" de marché, un plancher sous lequel l'administration Trump ne pouvait se permettre d'aller, mais il s'agissait du marché obligataire et pas du marché action. Les aficionados des titres à revenus fixe ne doivent pas être vraiment surpris : ils savent que tout part du marché obligataire.

Concrètement, faut-il jeter à la poubelle les stratégies prudentes qui ont rempli les réseaux, le web et la presse papier depuis deux mois ? Probablement pas. Après tout, la tension reste forte et le bras de fer avec la Chine s'est singulièrement durci. Même en cas de négociations tous azimuts, l'ordre économique et politique mondial est déjà profondément bouleversé et des surtaxes douanières persistent : 10% pour tout le monde et 25% sur l'automobile, l'acier et l'aluminium. Les Etats-Unis ont perdu quelques points de stabilité dans la bataille (ou gagné quelques points d'instabilité, ça dépend du point de vue) ce que les investisseurs ne vont pas oublier tout de suite, même s'ils sont enivrés par le rebond. L'avenir de la relation avec la Chine redevient un point central et peut tendre vers deux extrêmes : on peut tout imaginer, d'un compromis commercial à des conséquences néfastes pour l'avenir de Taiwan.

Ce matin, les marchés d'Asie Pacifique montent fort, dans le sillage de Wall Street. L'Europe va prendre le même chemin. Les variations des actions européennes cotées sur le marché libre (OTC) américain hier soir montrent que les gains vont être spectaculaires. Je vois 10,3% de hausse sur LVMH, +12,8% pour Schneider Electric, +15% pour ASML et même +18,6% sur Stellantis, malgré le maintien des surtaxes et l'avertissement de Volkswagen sur ses résultats. On notera le rebond anecdotique du secteur européen de la santé aux Etats-Unis hier soir, car l'industrie pharmaceutique reste sous la menace de surtaxes spécifiques : les plus fortes hausses du jour ne seront probablement pas à chercher dans la spécialité.

Le Nikkei 225 prend 8,4% à Tokyo. Le TAIEX est en hausse de 9,2% à Taipei. L'ASX200 de Sydney progresse de 4% et le KOSPI s'adjuge 5,5% à Séoul. L'Inde est fermée pour un jour férié. Côté Chine, les mauvais chiffres de l'inflation et des prix à la production en mars et la surenchère douanière de Trump n'ont pas envoyé les indices au tapis. Le CSI300 affiche des gains légers et le Hang Seng de Hong Kong prend 1,8%. Les autorités chinoises ont prévu une rencontre au sommet aujourd'hui pour examiner les suites à donner à l'escalade de la guerre commerciale.

Le CAC40 démarre la séance en hausse de 6,3% à 7298 points. Le SMI bondit de 9% à 11 865 points.

Les temps forts économiques du jour

L'inflation américaine de mars sera au centre des débats à 14h30. Tout l'agenda ici.

Les cotations sont celles du jour autour de 7h00 :

Les principaux changements de recommandations

  • ABB : Carnegie Group passe de conserver à acheter avec un objectif de cours de 575 SEK.
  • Adecco Group : JP Morgan maintient sa recommandation de sous-pondérer avec un objectif de cours réduit de 20,70 à 20,50 CHF.
  • Air France-KLM : JP Morgan passe de surpondérer à neutre avec un objectif de cours réduit de 15 à 8 EUR.
  • Amundi : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 85 à 73 EUR. Morgan Stanley dégrade de pondération de marché à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 76,60 EUR à 65,90 EUR.
  • Anheuser-Busch Inbev : AlphaValue/Baader Europe déclasse d'acheter à accumuler avec un objectif de cours réduit de 73,70 EUR à 69 EUR.
  • Antin Infrastructure Partners : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 15 EUR à 14 EUR.
  • BNP Paribas : Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 90 à 87 EUR.
  • Compagnie Financière Richemont : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance et réduit l'objectif de cours de 190 à 155 CHF.
  • Crédit Agricole : Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 19 à 18 EUR. RBC Capital maintient sa recommandation de performance de secteur avec un objectif de cours réduit de 17,50 à 16,50 EUR.
  • EssilorLuxottica : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 305 à 290 EUR.
  • Hermès International : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 2850 à 2600 EUR.
  • Hikma Pharmaceuticals : Jefferies passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 2090 GBX à 2400 GBX.
  • Hoist Finance : SEB Bank passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 86 SEK à 96 SEK.
  • Iberdrola : Renta 4 SAB dégrade de surperformance à performance de marché avec un objectif de cours relevé de 16,30 EUR à 16,60 EUR.
  • Julius Bär : Morgan Stanley reste à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 67 CHF à 54 CHF.
  • KBC Groupe : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer et réduit l'objectif de cours de 100 à 94 EUR.
  • Kering : Bernstein maintient sa recommandation de performance de marché avec un objectif de cours réduit de 200 à 150 EUR. Goldman Sachs maintient sa recommandation de vente avec un objectif de cours réduit de 205 à 180 EUR.
  • LVMH : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 800 à 625 EUR.
  • ProSiebenSat : JP Morgan passe de surpondérer à neutre avec un objectif de cours réduit de 9,30 EUR à 5,70 EUR.
  • Publicis Groupe : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer et réduit l'objectif de cours de 122 à 116 EUR.
  • Rémy Cointreau : HSBC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours réduit de 50 à 46 EUR.
  • Saint-Gobain : Berenberg passe de conserver à acheter avec un objectif de cours de 94 EUR.
  • Sandoz Group : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 43,20 à 44,70 CHF.
  • SGS : BNP Paribas Exane maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 94 à 92 CHF.
  • Société Générale : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 51 à 49 EUR.
  • Swatch Group : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 190 CHF à 160 CHF.
  • Thule Group : Pareto Securities améliore sa recommandation de conserver à acheter avec un objectif de cours réduit de 360 SEK à 325 SEK.
  • Tikehau Capital : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 32 à 27 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)

  • Le gouvernement italien retire son soutien au patron de STMicroelectronics, Jean-Marc Chéry, après le rejet par le conseil de surveillance de la nomination d'un des deux candidats proposés par Rome pour cette instance.
  • Airbus a livré 71 avions en mars, pour 136 livraison au T1 et 204 commandes nettes.
  • LVMH trouve que la fabrication des sacs Louis Vuitton n'est pas facile au Texas.
  • Air France réduit ses tarifs en classe économique pour favoriser les voyages transatlantiques, a indiqué son PDG à Bloomberg.
  • Rémy Cointreau annonce le départ de son directeur général Eric Vallat dans quelques mois et recherche son successeur.
  • Scor place une obligation catastrophe de 240 M$ à 7,25%, destinée à couvrir certains risques naturels jusque fin mai 2028.
  • Maxime Laurent-Bellue devient directeur général adjoint de Tikehau Capital.
  • Plastivaloire réduit son objectif annuel.
  • Atland s'offre Stam Europe.
  • Spineguard va céder sa filiale US à Omnia Medical.
  • Europlasma pourrait reporter la publication de ses comptes annuels en raison du second examen de son projet de reprise de la Fonderie de Bretagne par le TC de Rennes.
  • Les principales publications du jour : Carmat, Cogelec, Forsee Power, Mastrad, Entreparticuliers, Gevelot, Patrimoine et CommerceLe reste ici.

Dans le vaste monde

Annonces importantes (et moins importantes)

D'Europe

  • Volkswagen a subi une contraction marquée de son résultat d'exploitation au T1, à 2,8 Mds€ contre 4,6 Mds€ un an avant, et 4 Mds€ espérés par le consensus. La filiale camions Traton annonce aussi un bénéfice d'exploitation trimestriel inférieur aux prévisions après une chute des ventes de 10%.
  • Barry Callebaut revoit à la baisse ses perspectives de volume en raison de la forte volatilité des prix du cacao.
  • Givaudan dépasse légèrement les attentes avec une croissance robuste au T1.
  • Tesco signale une augmentation de "l'intensité concurrentielle" du marché et renforce son rachat d'actions après les chiffres du T1.
  • BAE Systems va livrer des obusiers à la Suède.
  • Eni attend des investisseurs intéressés par une part minoritaire une valorisation de Plenitude supérieure à 10 Mds€.
  • Skanska va remplacer le pont Clifton dans le nord de l'Angleterre.
  • Glass Lewis soutient un nouveau mandat du CEO de Generali.
  • Equinor intègre les activités liées aux énergies renouvelables et à l'énergie flexible dans une nouvelle division.
  • Les droits de douane de Trump auront un impact sur le coût des projets américains d'Orsted, selon son directeur général au FT.
  • ThyssenKrupp explore les possibilités de cession de sa filiale de négoce de matériaux, selon Bloomberg.
  • Les principales publications du jour : GivaudanTescoBarry Callebaut

D'Amérique du Nord

  • Walmart confirme ses prévisions annuelles et s'engage à maintenir des prix bas malgré les droits de douane.
  • Alphabet confirme son plan d’investissement de 75 milliards de dollars pour 2025.
  • Constellation Brands perd 3,5% hors séance après ses trimestriels.
  • Les principales publications du jour : Carmax

D'Asie Pacifique et d'ailleurs

  • Le CA de TSMC dépasse les attentes au 1er trimestre, porté par le demande d'IA.
  • CATL devrait obtenir le feu vert de la Bourse de Hong Kong pour une introduction en bourse de 5 milliards de dollars, selon Reuters.
  • Trump suggère finalement qu’il ne veut pas que United States Steel soit racheté par Nippon Steel.
  • Nintendo retarde le lancement de la Switch 2 en Chine en raison d'obstacles réglementaires.
  • Fast Retailing a dépassé les attentes avec ses résultats.
  • Les principales publications du jour :  Tata Consultancy ServicesFast Retailing

Le reste de l'agenda mondial des publications ici.

Lectures