(Actualisé avec déclarations, précisions, contexte)

par Michel Rose et Michael Holden

CARBIS BAY, Angleterre, 13 juin (Reuters) - Les tensions liées au Brexit entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ont dégénéré dimanche en affrontement verbal impliquant notamment Emmanuel Macron, chaque camp accusant l'autre de briser l'harmonie du sommet du G7 en Angleterre.

D'après le journal The Daily Telegraph, le président français a provoqué la colère du Premier ministre britannique en laissant entendre lors de leur entretien bilatéral samedi que l'Irlande du Nord ne faisait pas pleinement partie du Royaume-Uni.

Tout semble parti d'une question de Boris Johnson, qui a demandé à Emmanuel Macron ce qu'il penserait s'il n'était pas possible pour les Français d'expédier librement des saucisses de Toulouse vers Paris.

Le chef du gouvernement britannique faisait ainsi référence aux contrôles censés être établis en mer d'Irlande sur certaines marchandises, notamment la viande transformée, envoyées de Grande-Bretagne en Irlande du Nord.

Boris Johnson a unilatéralement suspendu en mars ces contrôles prévus par le "protocole nord-irlandais" de l'accord de Brexit, en affirmant qu'ils perturbaient les approvisionnements de la province britannique, les médias en Grande-Bretagne parlant de "guerre de la saucisse".

Emmanuel Macron lui a répondu que la comparaison n'était pas bonne, Toulouse et Paris faisant partie d'un même pays, ce à quoi le chef du gouvernement britannique a répliqué, frappé par ces propos, qu'il en allait de même pour l'Irlande du Nord, selon le Daily Telegraph.

"Diverses personnalités européennes ici à Carbis Bay, mais honnêtement depuis des mois maintenant et des années, caractérisent l'Irlande du Nord comme une sorte de pays distinct et c'est faux", a dit le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, à la BBC.

"C'est une incapacité à comprendre les faits. Nous ne parlerions pas de cette manière de la Catalogne et de Barcelone ou de la Corse en France", a-t-il ajouté.

TENTATIVE DE DIVERSION, SELON LA FRANCE

De source diplomatique française, on déclare qu'Emmanuel Macron a été surpris que Boris Johnson parle soudainement de ce problème de saucisses en Irlande du Nord au lieu d'évoquer les grands thèmes du G7. Le président français a alors simplement répondu que la comparaison avec Toulouse et Paris n'était pas pertinente en raison de différences géographiques, dit-on de même source.

"Cet accord a été négocié quatre ans", a dit cette source. "On ne peut pas nous dire que le Royaume-Uni ne savait pas ce qu'il signait au moment de l'accord. Soit ce n'est pas du tout professionnel, soit c'est faire diversion sur les vrais sujets."

Le protocole nord-irlandais est destiné à préserver le marché unique européen tout en évitant le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande, toujours membre de l'UE, et l'Irlande du Nord.

Cette solution a cependant contribué à raviver les tensions entre les différentes communautés d'Irlande du Nord, les unionistes refusant tout différence de traitement avec le reste du Royaume-Uni. Ce réveil des tensions communautaires fait craindre une remise en cause de l'accord de paix dit du "Vendredi saint", qui a mis fin à plusieurs décennies de violences dans la province entre unionistes protestants et nationalistes catholiques, partisans d'une unification de l'Irlande et de l'Irlande du Nord.

Boris Johnson a déclaré samedi qu'il ferait "tout ce qui est nécessaire" pour préserver l'intégrité territoriale du Royaume-Uni.

Le Parti unioniste démocrate (DUP) réclame pour sa part la suppression de ce protocole nord-irlandais.

"Le moment est venu pour le gouvernement d'arrêter de parler de corrections à apporter au protocole et de prendre les mesures nécessaires pour le supprimer", a dit son chef de file, Edwin Poots.

Le patron du DUP, principale formation politique d'Irlande du Nord, a dit avoir écrit à Emmanuel Macron, dont il a jugé les propos offensants et témoignant de sa méconnaissance du sujet. (Avec Mathieu Rosemain à Paris version française Bertrand Boucey)