WASHINGTON, 21 novembre (Reuters) - Donald Trump a déclaré mardi vouloir rester un "partenaire fiable" de l'Arabie saoudite tout en admettant que son prince héritier Mohamed ben Salman, dit "MbS", pourrait avoir été au courant du projet d'assassinat contre l'opposant Jamal Khashoggi, tué le mois dernier au consulat saoudien d'Istanbul.

Le président américain a expliqué devant la presse qu'il n'entendait pas annuler les contrats d'armements conclus avec le royaume wahhabite, malgré les appels en ce sens de parlementaires démocrates et républicains, soulignant l'importance de Ryad pour préserver les intérêts américains au Moyen-Orient et la stabilité dans la région.

Mettre fin aux contrats d'armements passés avec Ryad serait une démarche "stupide" qui aurait pour effet de profiter à la Russie et la Chine, concurrents des Etats-Unis sur ce marché, a dit le président américain.

Pour justifier son attitude, Donald Trump a expliqué que les agences du renseignement américain examinaient toujours les preuves liées au meurtre de Jamal Khashoggi et cherchaient à en déterminer les commanditaires.

La CIA n'a, selon lui, pas établi avec une certitude absolue la responsabilité de Mohamed ben Salman dans cet assassinat perpétré le 2 octobre dernier à l'intérieur du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul (Turquie).

"Il se pourrait très bien que le prince héritier ait été au courant de cet événement tragique - peut-être est-ce le cas, peut-être pas !", a déclaré Donald Trump dans un communiqué diffusé mardi par la Maison blanche.

Cette déclaration est en contradiction avec les conclusions de la CIA selon lesquelles Mohamed ben Salman a ordonné le meurtre de Jamal Khashoggi, qui vivait en exil aux Etats-Unis et écrivait régulièrement dans le Washington Post des tribunes très critiques envers "MbS".

Le mois dernier, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que le meurtre du journaliste avait été planifié, contrairement aux versions successives des événements livrées par l'Arabie saoudite, et que l'ordre avait été donné par "les plus hauts niveaux" du gouvernement saoudien.

En visite à Washington, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a dit que la Turquie n'était pas satisfaite du niveau de coopération de l'Arabie saoudite dans l'enquête sur le meurtre de Jamal Khashoggi et qu'elle pourrait demander une intervention des Nations unies.

A Ryad, où les autorités ont longtemps démenti la mort de Jamal Khashoggi, on rejetait les conclusions de la CIA sur l'implication de Mohamed ben Salman dans cet assassinat.

"NE PAS DÉTRUIRE L'ÉCONOMIE MONDIALE"

Dans le communiqué diffusé par la Maison blanche, Donald Trump rappelé que le roi Salman d'Arabie saoudite et "MbS" avaient "vigoureusement démenti avoir eu connaissance de la préparation et de l'exécution du meurtre".

Puis le président américain a expliqué que la vérité ne serait peut-être jamais connue dans cette affaire.

La commission sénatoriale des Affaires étrangères, via une lettre adressée mardi à Donald Trump, a demandé à l'administration américaine d'ouvrir une deuxième enquête pour déterminer si Mohamed ben Salman était coupable de violations des droits de l'homme en lien avec l'affaire Khashoggi.

Donald Trump a souligné que l'Arabie saoudite aidait les Etats-Unis à maintenir les prix du pétrole à un bas niveau et était un allié majeur dans la lutte contre l'influence de l'Iran au Moyen-Orient.

Le communiqué du président américain commence par ce sujet, l'Iran étant qualifié de "principal soutien mondial du terrorisme".

"Les Etats-Unis entendent demeurer un partenaire fiable de l'Arabie saoudite pour garantir les intérêts de notre pays, d'Israël et de tous les autres partenaires dans la région", est-il écrit dans le texte.

Donald Trump a rappelé que les Etats-Unis avaient adopté des sanctions contre 17 ressortissants saoudiens impliqués dans l'assassinat de Jamal Khashoggi.

Plusieurs représentants, démocrates comme républicains, ont appelé à des sanctions plus sévères contre l'Arabie saoudite.

Adam Schiff, élu démocrate qui devrait prendre la présidence de la commission du Renseignement à la Chambre des représentants, a plaidé en faveur d'un arrêt de l'aide américaine à l'Arabie saoudite.

Interrogé sur l'éventualité que ses affaires et intérêts personnels primaient sur ceux des Etats-Unis, Donald Trump a répondu par la négative. "Je ne passe aucun contrat avec l'Arabie saoudite. (...) Je ne reçois aucun argent de l'Arabie saoudite", a-t-il dit aux journalistes.

Chaque fois que le président américain cite le méga contrat de vente d'armes à Ryad conclu l'an dernier pour 110 milliards de dollars, il ajoute que "c'est 500.000 emplois", un chiffre accueilli avec scepticisme.

"Pour moi, c'est simple, c'est l'Amérique d'abord (America First)", a dit Donald Trump mardi soir. "Je ne vais pas détruire l'économie mondiale et l'économie de notre pays en me comportant de manière insensée avec l'Arabie saoudite". (Mike Stone, avec David Alexander, Susan Heavey, Mohammad Zargham, Patricia Zengerle et Richard Cowan; Pierre Sérisier et Jean Terzian pour le service français)