par Francois Murphy et John Irish

VIENNE/PARIS, 9 avril (Reuters) - L'agence de surveillance atomique de l'ONU a signalé vendredi une nouvelle violation par l'Iran de l'accord sur le nucléaire conclu avec les grandes puissances, le jour où ces dernières se réunissent pour relancer l'accord de Vienne, selon un rapport de l'agence consulté par Reuters, ce qui risque d'accroître les tensions avec les puissances occidentales.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) évite de dire que l'Iran a violé l'accord. En même temps, elle ne publie généralement de tels rapports ad hoc aux États membres qu'en cas de violation. Deux diplomates ont déclaré à Reuters que ce que le rapport décrit équivaut à une nouvelle violation.

La violation concerne ce qui est officiellement comptabilisé dans le stock d'uranium enrichi de l'Iran, une question extrêmement sensible puisque ce stock pourrait être enrichi davantage pour devenir une matière de qualité militaire adaptée aux bombes nucléaires si l'Iran décidait de le faire. L'Iran nie vouloir se doter de telles armes et affirme que ses objectifs sont entièrement pacifiques.

Après la conclusion de l'accord en 2015, les parties ont défini ce qui devait être pris en compte dans le stock, et ont exclu des éléments tels que les plaques de combustible usagées contenant de l'uranium enrichi à près de 20 % de pureté fissile, qui ont été jugés "irrécupérables". Le rapport de vendredi indique toutefois que l'Iran a récupéré une partie de ce matériel.

"Le 7 avril 2021, l'Agence a vérifié à l'usine de fabrication de plaques de combustible d'Ispahan que l'Iran avait dissous six plaques de combustible de rebut non irradiées pour le TRR (réacteur de recherche de Téhéran) contenant 0,43 kg d'uranium enrichi jusqu'à 20% d'U-235", indique le rapport.

"Une solution de nitrate d'uranyle a été extraite et transformée en carbonate d'uranyle d'ammonium", indique le rapport, ajoutant que l'Iran entendait poursuivre le traitement de cette solution pour produire du molybdène, qui a de nombreuses utilisations civiles, notamment en imagerie médicale.

Bien que la quantité d'uranium enrichi extraite soit faible, il s'agit d'une nouvelle violation à un stade délicat, puisque Téhéran et les États-Unis mènent des discussions indirectes à Vienne sur la manière dont ils pourraient revenir pleinement à l'accord.

Après la fin des discussions entre les parties restantes de l'accord vendredi, le ministère français des Affaires étrangères a déclaré qu'une première semaine de négociation "positive" ne devait pas être compromise par de nouvelles provocations iraniennes.

"Dans ce contexte, il est d'autant plus important que l'Iran s'abstienne de toute nouvelle violation de ses engagements nucléaires qui pourrait compromettre la dynamique actuelle", a déclaré à la presse Agnès von der Muhll, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

David Albright, ancien inspecteur en désarmement de l'ONU et partisan d'une approche radicale de l'Iran, a déclaré que cette dernière violation soulève également des questions sur ce que les grandes puissances ont exclu du stock d'uranium enrichi.

"Avec le recul, exempter ces déchets d'uranium enrichi à près de 20% n'était probablement pas une bonne idée", a-t-il dit, expliquant ce que signifie "déchets" dans ce cas : "Lorsque l'uranium enrichi est transformé en plaques de combustible, une partie n'est pas utilisée." (version française Camille Raynaud)