* Madrid renouvelle ses avertissements

* L'opposition derrière Rajoy

* Le PSOE ne croit pas à une proclamation d'indépendance mardi (Actualisé avec annonce du transfert d'autres sièges de groupes)

par Sam Edwards et Jose Elías Rodríguez

BARCELONE/MADRID, 9 octobre (Reuters) - L'exécutif catalan fait l'objet de pressions de plus en plus intenses, au lendemain de la manifestation qui a réuni plusieurs centaines de milliers d'opposants à l'indépendance de la région autonome, dimanche.

Huit jours après le référendum sur l'indépendance, la tension se fait aussi sentir sur le climat des affaires de la Catalogne, la région la plus riche d'Espagne.

Dans le sillage des décisions prises par les banques Caixabank et Sabadell, le groupe immobilier Inmobiliaria Colonial et le groupe du BTP Abertis ont choisi lundi de transférer leurs sièges à Madrid.

L'entreprise des télécommunications Cellnex a indiqué qu'elle ferait de même si l'incertitude politique persistait en Catalogne. Quant au groupe éditorial Planeta, il transférera son siège social de Barcelone à Madrid si le parlement catalan proclame unilatéralement l'indépendance.

Le ministre espagnol des Finances, Cristóbal Montoro, a estimé que c'était la faute du gouvernement régional catalan si les entreprises partaient.

Carles Puigdemont, président de l'exécutif catalan, qui doit prendre la parole mardi devant le Parlement régional, pourrait l'inviter à proclamer l'indépendance de la Catalogne en s'appuyant sur les résultats du référendum du 1er octobre.

Selon la loi référendaire adoptée début septembre, un vote du Parlement en faveur de l'indépendance ouvrirait la voie à six mois de négociations avec Madrid et à la tenue d'élections locales, qui seraient le dernier acte de la rupture.

Signe des pressions contradictoires qui s'exercent sur Carles Puigdemont, le petit parti Unité populaire (CUP, anti-capitaliste), qui exerce une influence considérable sur le gouvernement régional, a réaffirmé lundi qu'il fallait appliquer le résultat du référendum.

"Nous ne voulons pas remettre à plus tard la proclamation de la République de Catalogne", a dit un député du CUP, Benet Salellas, lors d'une conférence de presse.

La vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, a lancé un appel inverse.

"J'en appelle aux gens sensés au sein du gouvernement catalan (...): ne sautez pas dans le vide, parce que vous emporterez le peuple avec vous", a-t-elle déclaré au micro de la station de radio COPE.

"En cas de proclamation unilatérale d'indépendance, des décisions seront prises pour restaurer la loi et la démocratie", a-t-elle averti.

Mariano Rajoy, chef du gouvernement conservateur, n'exclut pas de dissoudre l'exécutif catalan et d'ordonner la tenue d'élections anticipées, si le Parlement catalan proclame l'indépendance.

PARIS NE RECONNAÎTRA PAS UNE INDEPENDANCE

Pedro Sanchez, secrétaire général du Parti socialiste (Psoe) et chef de file de l'opposition, lui a apporté son soutien lundi. "Nous appuierons la réponse de l'état de droit face à toute tentative visant à rompre l'harmonie sociale", a-t-il promis, ajoutant ne pas s'attendre à un vote du Parlement mardi.

Un porte-parole du Parti populaire (PP, conservateurs, au pouvoir) a évoqué la figure de l'ancien leader catalan Lluis Companys, qui fut arrêté pour avoir proclamé l'indépendance de la Catalogne en 1934 puis exécuté.

"Nous espérons qu'ils ne proclameront rien demain, parce que ceux qui le feraient pourraient finir comme lui voici 83 ans, en prison", a averti Pablo Casado lors d'une conférence de presse à Madrid.

En France, la ministre des Affaires européennes a quant à elle annoncé que l'indépendance de la Catalogne ne serait pas reconnue si elle devait être proclamée.

"S'il devait y avoir une déclaration d'indépendance, elle serait unilatérale, elle ne serait pas reconnue. On ne peut pas résumer la Catalogne à la consultation que les indépendantistes (ont) organisée", a estimé déclaré Nathalie Loiseau sur CNEWS.

Et dans une interview à paraître mardi dans le journal Ouest-France, son collègue aux Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dit lui aussi l'attachement des autorités françaises à l'unité de l'Espagne.

"Les principes de la France sont très clairs. Elle soutient l'Espagne comme une amie et un partenaire essentiel de l'Union européenne. Nous sommes très attachés à l'unité espagnole", dit-il.

"Nous pensons que les revendications catalanes doivent s'inscrire dans le cadre de la légalité et de l’unité constitutionnelle espagnole. Toute autre hypothèse serait dramatique. Nous avons fait savoir notre soutien dans ce cadre aux autorités espagnoles de manière très claire, tout en déplorant les violences", a-t-il ajouté.

Carles Puigdemont a quant à lui promis d'appliquer "ce que dit la loi" référendaire, c'est à dire d'ouvrir la voie à la rupture, conformément aux résultats du scrutin du 1er octobre. Le "oui" à l'indépendance l'a emporté avec 90,18% des voix, avec 43% de participation, selon les chiffres communiqués vendredi. Dimanche, 950.000 partisans de l'unité de l'Espagne ont défilé à Barcelone, selon les organisateurs. La police parle, elle, de 350.000 manifestants. (Avec Raquel Castillo et Robert Hetz in Madrid, Jean-Philippe Lefief et Eric Faye pour le service français)