Genève (awp/afp) - Nouvelle victoire de la Chine face aux États-Unis à l'OMC. Même si les montants ne sont pas comparables, Pékin a une nouvelle fois obtenu le droit de prendre des sanctions tarifaires à l'encontre de produits américains.

En novembre 2019, dans une affaire portant comme cette fois sur des mesures antidumping, l'Organisation mondiale du commerce avait pour la première fois autorisé la Chine à sanctionner pour 3,6 milliards de dollars de produits américains.

Cette fois, le gendarme du commerce mondiale a estimé mercredi que Pékin pouvait appliquer des sanctions annuelles sur 645 millions de dollars de produits américains, dans un dossier qui remonte à 2012.

La Chine avait dans un premier temps réclamé la possibilité d'aller jusqu'à 2,4 milliards de dollars par an, puis réduit ses attentes à 788,75 millions. Les États-Unis quant à eux ne voulaient pas dépasser les 106 millions par an.

Washington ne peut pas faire appel de la décision, mais ce feu vert de l'OMC ne préjuge pas de la décision de la Chine d'imposer ou non ces sanctions, en totalité ou en partie, sous la forme de surtaxes sur une gamme de produits américains.

"La décision profondément décevante rendue aujourd'hui par l'arbitre de l'OMC reflète des interprétations erronées de l'organe d'appel qui nuisent à la capacité des membres de l'OMC de défendre nos travailleurs et nos entreprises contre les subventions chinoises qui faussent les échanges", a réagi Adam Hodge, porte-parole de la représentante américaine au Commerce dans un communiqué.

Il estime que celle-ci "renforce la nécessité de réformer les règles de l'OMC et le règlement des différends".

"L'administration Biden continuera d'utiliser tous ses outils pour défendre les intérêts des travailleurs, des entreprises, des agriculteurs et des producteurs américains", a-t-il ajouté.

La décision de l'arbitre de l'OMC ne risque pas d'apaiser les relations commerciales entre les deux grandes puissances qui restent tendues malgré un accord noué en janvier 2020 qui avait suspendu leur guerre commerciale.

Dès son arrivée il y a un an, l'administration Biden avait clairement signalé qu'elle ne comptait pas retirer les tarifs douaniers punitifs imposés sous l'ère de Donald Trump, tant que la Chine ne respecterait pas ses engagements pris dans le cadre de ce traité bilatéral.

Longue bataille

La décision du jour de l'OMC s'inscrit dans le cadre d'un vieux contentieux entre les deux grandes puissances économiques concernant des mesures antidumping appliquées par Washington sur de multiples produits chinois : des produits en acier, des mâts d'éoliennes, des papiers, ou encore des tubes et des tuyaux.

En 2012, l'OMC avait mis en place un groupe d'experts à la demande de Pékin.

Les États-Unis avaient justifié ces mesures en invoquant le besoin de compenser les subventions versées par la Chine à certains secteurs industriels.

En 2014, l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC avait donné raison à la Chine, en première instance et en appel, et avait demandé aux États-Unis de modifier ces mesures pour les mettre en conformité avec l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (Accord SMC). Les mesures antidumping sont en effet autorisées par l'OMC, mais uniquement à certaines conditions.

En 2015, les États-Unis avaient informé l'ORD qu'ils avaient l'intention de mettre oeuvre ses recommandations et ses décisions, mais qu'ils auraient besoin d'un délai raisonnable pour ce faire. Ce délai avait été fixé à début avril 2016.

Passé ce délai, la Chine avait entamé une nouvelle procédure devant l'OMC pour déterminer si les États-Unis s'étaient conformés à la décision de 2014, Pékin estimant que ce n'était pas le cas.

En 2018, lors d'un jugement en première instance, un groupe spécial de l'ORD avait donné raison à la Chine. L'organe d'appel de l'ORD, saisi alors par Washington, avait à son tour donné raison en juillet 2019 à Pékin, qui a ensuite demandé à l'OMC de fixer un montant des sanctions.

Ce qu'elle a obtenu mercredi. Si la Chine entend mettre en oeuvre ces sanctions, elle doit désormais en aviser l'OMC, qui donnera son dernier feu vert, mais il s'agit-là d'une formalité.

afp/rp