* Le budget de la zone euro sera au service de la compétitivité et de la convergence, pas de la stabilisation

* Ses détails sont renvoyés à juin 2019

* Profondément divisés, les dirigeants européens n'ont pas évoqué directement le système de garantie des dépôts bancaires (Actualisé avec conférence de presse, déclaration § 2-5-11-15-17)

par Jan Strupczewski

BRUXELLES, 14 décembre (Reuters) - Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont progressé vendredi dans le sens d'une plus grande intégration de la zone euro pour prévenir de futures crises mais des dossiers importants, à commencer par l'idée d'un budget de la zone euro, sont renvoyés à plus tard.

Les conclusions https://www.consilium.europa.eu/media/37598/14-eurosummit-statement-fr.pdf du conseil européen vont nettement moins loin que les propositions portées par Emmanuel Macron, depuis son élection il y a 18 mois, et qui se sont heurtées à l'opposition de pays nordique alliés aux Pays-Bas et souvent à la tiédeur de Berlin.

Profondément divisés, les dirigeants des Vingt-Sept ont déclaré qu'ils se décideraient plus tard sur le montant de ce budget spécifique, mais ont noté qu'il s'insérerait dans le budget global de l'Union européenne, limité à 1% du revenu national brut européen.

On sera donc loin des plusieurs centaines de milliards d'euros, financés par des taxes spéciales et des contributions des pays membres, évoqués par le président français.

"C'est un compromis avec des éléments des propositions de la France et d'autres. Oui, ils auraient aimé que cela aille beaucoup plus loin", a constaté devant la presse le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, l'un des plus farouches opposants à l'idée d'un budget de la zone euro.

Le Conseil européen, sans la participation de la Grande-Bretagne qui doit quitter l'UE en mars, a endossé un accord auquel les ministres des Finances étaient parvenus voici 10 jours en vue d'accorder de nouvelles prérogatives au Mécanisme européen de stabilité (MES), le fonds de renflouement de la zone euro.

Mais les ministres attendaient des présidents et Premiers ministres qu'ils clarifient leur position sur deux questions particulièrement épineuses, celle d'un budget de la zone euro, sa taille, son objet, son financement ou encore sa durée, et celle d'un mécanisme de garantie des dépôts dans la zone euro destiné à empêcher toute ruée au guichet et donc à stabiliser le système bancaire.

Pour ce qui concerne la taille d'un budget communautaire, le Conseil décidera plus tard, observant cependant qu'il devra être intégré au budget plus large de l'UE, lequel représente 1% du Revenu national brut, alors qu'Emmanuel Macron ambitionnait de lui faire atteindre plusieurs points du Produit intérieur brut (PIB) de la zone euro.

Alors que le ministre des Finances allemand, le social-démocrate Olaf Scholz, souhaitait que ce budget ait pour objet de stabiliser les économies de la zone euro par le biais d'un système d'assurance chômage commun, les chefs de l'Union ont décidé que son but serait de les rendre plus convergentes et plus compétitives.

L'exclusion de la fonction de stabilisation du budget commun est également un revers pour la Commission européenne, qui voulait en faire un soutien à l'investissement en période de crise, ce dernier étant habituellement le premier à être sacrifié lorsque les Etats veulent faire des économies.

"J'ai eu l'impression que nous avançions, mais nous ne progressons pas suffisamment vite", a déclaré le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de la conférence de presse de clôture du sommet de Bruxelles.

Le MES avait dit pour sa part que la zone euro devrait constituer des réserves distinctes destinées à aider des pays qui auraient subi un choc externe indépendant de leur volonté, d'autant que dans un tel cas la Banque centrale européenne (BCE) n'était d'aucun secours.

OPPOSITION DU NORD DE L'EUROPE

Les Pays-Bas, avec le soutien de plusieurs pays du nord de l'Europe et des conservateurs allemands, ne voulaient pas entendre parler d'un budget commun qui aurait la stabilisation pour mandat, ne voulant pas financer un "pot commun" qui serait utilisé par d'autres Etats, ont fait valoir des responsables européens. Certains remettent même en question le principe d'un budget pour la zone euro.

Les chefs d'Etat et de gouvernement ont demandé aux ministres des Finances de creuser la question budgétaire et de fournir des précisions d'ici juin 2019, soit immédiatement après les législatives européennes fixées entre les 23 et 26 mai.

"Cet instrument (budgétaire) sera adopté (...) sur la base de la proposition pertinente de la Commission, à modifier si nécessaire", ont-ils fait ajouter au projet de déclaration préparé en amont du sommet.

Les Vingt-Sept ont également pris soin d'éviter toute référence directe à un autre sujet très controversé: le système européen de garantie des dépôts bancaires (SEGD, ou Edis en anglais), qui est remis à plus tard.

Permettant de rembourser les déposants (dans la limite d'un montant défini) en cas de défaillance de leur banque et d'indisponibilité de leurs dépôts, ce système serait la dernière pierre à l'édifice d'une union bancaire de la zone euro, lequel comporte déjà un superviseur unique pour toutes les banques et un mécanisme de résolution unique pour les banques faillies.

Là encore les pays du nord de l'Europe craignent, avec un tel système, de devoir assurer le remboursement des dépôts dans des pays tels que l'Italie, la Grèce ou le Portugal dont les systèmes bancaires portent encore les stigmates de la crise de la dette souveraine de 2010-2015.

Au terme d'un an de débats, les ministres des Finances n'avaient pas même pu se mettre d'accord sur un calendrier de discussion de l'Edis et, comme dans le cas du budget, attendaient des dirigeants de l'UE qu'ils tranchent la question.

Ce qu'ils n'ont pas fait, se contentant de souligner la nécessité de réduire le risque bancaire et de souhaiter que les travaux progressent sur l'union bancaire en général, sans aucune référence directe à l'Edis. (Wilfrid Exbrayat pour le service français édité par Marc Joanny et Henri-Pierre André)