La Commission européenne a exhorté vendredi les États-Unis à privilégier le respect plutôt que les menaces dans les discussions commerciales, après que le président Donald Trump a plaidé pour l'instauration d'un tarif douanier de 50% sur les produits européens.
Insistant sur l'engagement de l'Union européenne à parvenir à un accord équilibré pour les deux parties, le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, s'est entretenu avec le représentant américain au Commerce, Jamieson Greer, et le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick. Trump avait recommandé une augmentation des droits de douane sur les produits européens à compter du 1er juin.
La Commission européenne, qui supervise la politique commerciale des 27 pays membres, reste prête à négocier de bonne foi, a affirmé Maros Sefcovic.
« Le commerce UE-États-Unis est sans égal et doit être guidé par le respect mutuel, non par les menaces. Nous sommes prêts à défendre nos intérêts », a-t-il écrit dans un message publié sur X.
Les principaux indices boursiers ont dévissé, le dollar a reculé face aux principales devises et l'euro a effacé une partie de ses gains après l'annonce de Trump sur les tarifs européens et la possible instauration d'une taxe de 25% sur les iPhones d'Apple fabriqués hors des États-Unis.
« Avec Trump, on ne sait jamais, mais ce serait une escalade majeure », estime Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg. « L'UE serait obligée de réagir et cela nuirait vraiment aux économies américaine et européenne. »
La menace tarifaire intervient alors que les négociations sont dans l'impasse, Washington exigeant des concessions unilatérales de Bruxelles pour ouvrir son marché aux entreprises américaines, tandis que l'UE cherche un accord profitable aux deux parties, selon des sources proches des discussions.
Les dirigeants et ministres européens ayant réagi à l'annonce de Trump ont largement soutenu la position de la Commission européenne.
Le vice-ministre polonais de l'Économie, Michal Baranowski, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a estimé que la menace tarifaire s'apparentait à une tactique de négociation.
« L'Union européenne et les États-Unis négocient », a-t-il déclaré à la presse en marge d'une réunion à Bruxelles, ajoutant que les discussions pourraient se poursuivre jusqu'au début du mois de juillet.
« Le fait que des déclarations importantes soient rendues publiques ne signifie pas qu'elles se traduiront par des actes de l'administration américaine », a-t-il précisé.
Le Premier ministre néerlandais, Dick Schoof, a affirmé que l'UE maintiendrait la voie qu'elle s'est fixée.
« Nous avons vu que les tarifs peuvent monter et descendre lors des discussions avec les États-Unis », a-t-il indiqué à la presse à La Haye.
L'UE fait déjà face à des droits de douane américains de 25% sur son acier, son aluminium et ses automobiles, ainsi qu'à des tarifs dits « réciproques » de 10% sur la quasi-totalité des autres produits, une taxe qui devait passer à 20% après l'expiration de la suspension de 90 jours décidée par Trump, le 8 juillet.
Le ministre français du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a estimé que les nouvelles menaces de Trump ne facilitaient en rien les négociations.
« Nous restons sur la même ligne : désescalade, mais nous sommes prêts à répondre », a-t-il écrit sur X.
Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré à l'agence italienne ANSA que l'objectif restait d'atteindre des « droits de douane zéro pour zéro ».
DES LISTES DE SOUHAITS DIVERGENTES
Au cours de la semaine écoulée, Washington a transmis à Bruxelles une liste d'exigences visant à réduire le déficit commercial américain sur les biens, incluant la suppression de barrières non tarifaires, comme l'adoption des normes sanitaires américaines pour les aliments ou la suppression des taxes nationales sur les services numériques, selon des sources proches du dossier.
L'UE a répondu en proposant un accord mutuellement bénéfique pouvant inclure la suppression des droits de douane sur les produits industriels, l'achat accru de gaz naturel liquéfié et de soja américains, ainsi qu'une coopération sur des sujets comme la surcapacité de l'acier, que les deux parties imputent à la Chine.
L'appel entre Sefcovic et les responsables américains devait faire suite à ces échanges et précéder une possible réunion début juin à Paris.
Robert Sockin, économiste mondial senior chez Citigroup, estime que Trump cherche à pousser l'UE à la table des négociations.
« Avec un tarif de 50%, on pourrait prévoir une récession en Europe, mais je doute qu'il soit effectivement appliqué », a-t-il déclaré.
Washington affirme que ces droits de douane visent à corriger le déficit commercial américain sur les biens avec l'Union européenne, qui s'élevait à près de 200 milliards d'euros (226,48 milliards de dollars) l'an dernier, selon l'agence européenne de statistiques Eurostat. Mais les États-Unis bénéficient d'un excédent important dans les échanges de services avec l'UE.
La Commission européenne a répété à plusieurs reprises qu'elle privilégiait une solution négociée, mais se tenait prête à prendre des mesures de rétorsion si les négociations échouaient.
L'Union a ainsi préparé, puis suspendu, des droits de douane sur 21 milliards d'euros d'importations américaines annuelles en réponse aux taxes américaines sur les métaux, et a dressé une liste de 95 milliards d'euros de produits américains susceptibles d'être taxés en réponse aux droits « réciproques » et sur les voitures.
($1 = 0,8831 euro)