par Joseph Nasr et Paul Carrel

L'économie allemande a basculé dans la récession au premier trimestre et subi sa plus violente contraction depuis la crise financière mondiale en 2009, en raison de la fermeture des entreprises et des commerces décidée pour freiner l'épidémie de coronavirus, montre vendredi la première estimation officielle du produit intérieur brut.

Le PIB de la première économie d'Europe a reculé de 2,2% sur les trois premiers mois de l'année par rapport au trimestre précédent, un chiffre conforme au consensus Reuters. Et les économistes s'attendent à ce que sa chute s'accentue au deuxième trimestre, le confinement ayant surtout concerné les mois d'avril et mai, mettant à l'arrêt complet de nombreux secteurs, comme la restauration et le tourisme.

L'Allemagne semble toutefois souffrir moins que la France et l'Italie, dont les économies se sont contractées de 5,8% et 4,7% respectivement sur janvier-mars.

Cet avantage s'explique en partie par la décision des 16 Länder allemands d'autoriser la poursuite de l'activité dans certaines entreprises industrielles et sur les chantiers de construction.

Le secteur de la construction, qui représente près de 10% du PIB, affiche ainsi une croissance de 1,8% en mars.

Les chiffres du quatrième trimestre 2019 ont été révisés en légère baisse et montrent désormais une contraction de 0,1% au lieu de la stagnation annoncée auparavant. L'Allemagne est donc déjà en récession, une situation définie en effet par deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.

LA CHUTE DU PIB DEVRAIT AVOISINER 10% AU 2E TRIMESTRE

Pour tenter de limiter l'impact de la pandémie, le gouvernement d'Angela Merkel a lancé un premier plan de soutien à l'économie de plus de 750 milliards d'euros au total, qui se soldera par la première augmentation de la dette publique du pays depuis 2013. Et il devrait annoncer de nouvelles mesures le mois prochain afin d'aider les entreprises à reprendre leur activité après la levée du confinement.

"La situation n'a pas fini de se détériorer", explique Carsten Brzeski, économiste de la banque ING. "Pour être plus précis, les statistiques publiées vont empirer même si le pire est peut-être déjà derrière nous."

"Si les chiffres d'aujourd'hui sont le résultat de deux semaines de confinement, trois semaines de confinement supplémentaires et la levée très graduelle de certaines mesures ne sont pas de bon augure pour le deuxième trimestre", dit-il.

Par rapport aux trois premiers mois de 2019, le PIB de la première économie d'Europe s'est contracté de 2,3% après une croissance de 0,4% sur octobre-décembre, selon les données corrigées des variations saisonnières (CVS) publiées par Destatis, l'institut fédéral de la statistique.

Les économistes interrogés par Reuters attendaient en moyenne une contraction de 2,2% d'un trimestre sur l'autre, leurs estimations s'échelonnant entre -1,2% et -3,4%, et une baisse de 2% du PIB en rythme annuel.

La reprise de l'activité économique après la levée des mesures de confinement dépendra en partie de l'évolution de la situation dans le reste de la zone euro.

"Le confinement sera assoupli en mai et en juin mais seulement progressivement et la reprise allemande sera limitée par les problèmes ailleurs en Europe", estime Jack Allen-Reynolds, de Capital Economics, qui table sur une contraction de 10% du PIB au deuxième trimestre, une prévision proche de celles de beaucoup d'autres économistes.

(Paul Carrel et Rene Wagner, version française Marc Angrand, édité par Blandine Hénault)