Paris (awp/afp) - La demande en électricité va exploser, en particulier dans les pays en développement, une tendance positive pour l'environnement grâce à la croissance des énergies renouvelables mais qui demandera de gros efforts d'adaptation, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

"Le secteur de l'électricité est en train de vivre sa transformation la plus spectaculaire depuis sa création il y a plus d'un siècle", souligne l'AIE, qui consacre au sujet une partie de son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales, dévoilé mardi.

Dans un scénario qui prend en compte les engagements des différents pays et les évolutions technologiques en cours, l'institution table sur une croissance de plus de 25% de la demande d'énergie totale d'ici à 2040, tirée notamment par l'Inde.

La demande mondiale d'électricité doit en particulier bondir de 60% et atteindre près d'un quart de la demande finale d'énergie à cet horizon (contre 19% aujourd'hui), aux dépens du charbon et du pétrole.

"La consommation d'électricité croit deux fois plus vite que la consommation globale d'énergie", a souligné Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE, lors d'une conférence de présentation du rapport à Londres.

"Elle provient de la multiplication des appareils numériques, mais également des bus électriques dans les pays émergents et des voitures électriques dans les autres marchés", a-t-il détaillé.

Près de 90% de la croissance de la demande d'électricité provient ainsi des pays en développement, avec l'explosion de la demande pour les voitures électriques en Chine mais aussi pour la climatisation dans les pays chauds.

Parmi les sources de production d'électricité, l'éolien et le solaire photovoltaïque doivent connaître la plus forte croissance. L'ensemble des énergies renouvelables (y compris l'hydroélectricité) représentent 70% de l'augmentation des capacité de production.

Cela s'explique par le soutien politique et le développement technologique qui entraîne une forte baisse des coûts. Ces derniers doivent en particulier reculer de plus de 40% dans le solaire d'ici à 2040.

A cet horizon, la part du charbon dans la production d'électricité devrait avoir chuté à un quart environ contre 40% aujourd'hui. Les énergies renouvelables connaîtraient pour leur part un destin exactement inverse en prenant la place du charbon, très polluant.

Les parts respectives du gaz (20%) et du nucléaire (10%) devraient pour leur part rester à peu près stables.

Flexibilité

L'explosion des renouvelables se traduit par des bénéfices environnementaux mais pose aussi des défis, souligne l'AIE. Ces énergies sont en effet par nature intermittentes car elles dépendent du soleil et du vent.

"Avec une plus grande variabilité de l'offre, les systèmes électriques vont devoir faire de la flexibilité la base des futurs marchés de l'électricité pour que les lumières restent allumées", met en garde l'AIE.

"De nombreux pays en Europe mais aussi le Mexique, l'Inde et la Chine auront besoin d'un niveau de flexibilité qui n'a jamais existé auparavant à une telle échelle", insiste le rapport.

L'AIE avance un série de pistes: réforme des marchés, investissements dans le réseau et les interconnexions, améliorations technologiques avec les compteurs intelligents et le stockage par batteries...

Ce dernier jouera ainsi un rôle de plus en plus important avec la baisse de ses coûts, même si la flexibilité du système devrait toujours être majoritairement assurée par des centrales conventionnelles.

L'AIE énonce aussi un scénario appelé "le futur est électrique" et imaginant un développement beaucoup plus volontariste des usages de l'électricité pour la mobilité et le chauffage, ainsi qu'une progression beaucoup plus rapide de l'accès à travers le monde.

La demande d'électricité augmenterait alors de 90% (au lieu de 60%) d'ici à 2040, soit un niveau additionnel équivalent à deux fois la demande électrique actuelle des États-Unis.

Avec la moitié de la flotte de voitures devenue électrique, les avantages se feraient sentir localement au niveau de la qualité de l'air, indique l'AIE.

"Mais cela aurait un effet négligeable sur les émissions de gaz carbonique sans des efforts plus importants pour augmenter la part des renouvelables et des sources d'électricité faiblement carbonées": sinon le problème risque d'être simplement déplacé en amont, met-elle en garde.

Or, "les émissions de carbone sont à leur plus haut historique en 2018", affirme M. Birol, qui déplore "une déconnexion entre les objectifs de lutte contre le changement climatique et la réalité sur le terrain".

afp/buc