* L'indice euro pondéré des échanges commerciaux reste vigoureux

* Hausse attendue face au yuan, au yen et au sterling

* L'excédent courant soutient la monnaie unique

par Jemina Kelly

LONDRES, 29 décembre (Reuters) - Les investisseurs tablent sur une nouvelle dépréciation de l'euro face au dollar l'an prochain mais la monnaie unique pourrait se raffermir face aux autres grandes devises, au risque de pénaliser la reprise dans la zone euro.

Avec la perspective de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire de la Banque centrale européenne, certains économistes voient l'euro/dollar tomber au niveau de la parité d'ici la fin 2015 à comparer à un taux d'environ 1,22 actuellement.

Mais le dollar n'est plus la composante la plus importante de l'indice euro pondéré des échanges commerciaux, qui permet de mesurer la vigueur structurelle de la monnaie unique. Cette position est à présent détenue par le yuan et, face à la devise chinoise comme d'ailleurs face au sterling, au franc suisse ou au yen, les perspectives de l'euro sont bien plus floues.

L'euro a perdu environ 3% face au dollar depuis début octobre quand la BCE a annoncé des rachats de dettes structurées pour tenter d'éloigner les menaces de déflation.

Les marchés s'attendent à présent à ce que la banque centrale passe à la vitesse supérieure en 2015 en annonçant des rachats de dette souveraine, ce qui impliquerait de recourir à la planche à billets et ferait mécaniquement baisser l'euro.

La BCE, qui vise un taux d'inflation proche de 2%, estime qu'une baisse de 10% du taux de change effectif de l'euro apporterait 0,4 à 0,5 point d'inflation.

Mais le taux de change de l'euro pondéré des échanges commerciaux s'est dans les faits apprécié d'environ 0,3% depuis le mois d'octobre.

Alors que la Chine est devenue le plus important partenaire commercial de la zone euro, l'euro est resté stable contre le yuan sur le mois écoulé, ce qui limite quelque peu l'impact de son recul de 1,5% face au dollar dans le même temps.

Toute appréciation de l'euro face au yuan reviendrait à importer de la désinflation de Chine, compromettant ainsi les efforts de la BCE pour écarter le spectre de la déflation.

Si le dollar est bien parti pour poursuivre sa remontée en 2015, sous l'effet du raffermissement de l'économie qui amènera la Réserve fédérale à amorcer un cycle de hausse de taux, les perspectives sont bien moins claires pour la Chine et le yuan.

"Le yuan risque fort de devenir plus volatil l'an prochain et le scénario d'un affaiblissement existe assurément", avertit Paul Lambert, responsable des changes chez Insight Investment.

Steen Jakobsen, chez Saxo Bank, voit le yuan reculer d'au moins 5% face au dollar en 2015 sous le coup du ralentissement de la croissance en Chine.

ANNÉE AGITÉE EN VUE POUR LE STERLING

Le sterling, troisième pondération plus forte de l'indice euro, risque lui aussi de connaître une année agitée avec les élections législatives prévues en mai qui s'annoncent comme les plus incertaines au Royaume-Uni depuis des dizaines d'années.

L'euro pourrait aussi avoir du mal à faiblir face au yen japonais et au franc suisse, respectivement quatrième et cinquième du panier.

La Banque du Japon a récemment pris de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire et la Banque nationale suisse veille depuis trois ans à maintenir le franc au-dessus de 1,20 pour un euro. Le 18 décembre, la BNS a instauré des taux négatifs sur certains dépôts, pour la première fois depuis les années 1970, dans l'espoir d'alléger les pressions sur sa devise.

Pour Stephen Gallo, responsable de la stratégie forex européenne chez BMO Capital Markets, l'euro restera structurellement vigoureux, aidé par l'excédent des comptes courants de la zone euro. La politique de la BCE visant à revitaliser le marché des obligations adossées à des actifs (ABS, asset-backed securities) pourrait par exemple susciter l'intérêt d'investisseurs étrangers, ce qui serait un facteur de soutien pour l'euro.

"Plutôt que d'assister à des sorties de capitaux à cause des conditions de financement pas chères de la BCE (...) on risque en fait d'avoir un regain d'intérêt pour les marchés d'actifs en euros", dit-il. "Libérer les marchés de capitaux dans la zone euro devrait être un élément positif pour l'euro."

La plupart des autres composantes de l'indice euro sont des devises du reste de l'Europe, fortement exposées à l'économie de la zone euro ou provenant de pays à très faible inflation. Savvas Savouri, économiste chez Toscafund, s'attend à ce qu'elles baissent fortement face à la monnaie unique en 2015.

"Il n'y pas que le dollar qui compte face à l'euro. C'est aussi le zloty, la couronne tchèque, la kuna croate", affirme-t-il. (Véronique Tison pour le service français, édité par Bertrand Boucey)