San Francisco (awp/afp) - Sam Bankman-Fried, la star déchue des cryptomonnaies et ancien patron de la platforme FTX, va être présenté mardi devant la justice aux Bahamas. Surnommé de ses initiales "SBF", M. Bankman-Fried a été arrêté lundi dans l'archipel à la demande des autorités américaines.

"Nous devrions déposer la mise en accusation dans la matinée et nous aurons plus d'informations à donner à ce moment", a annoncé Damian Williams, un procureur de New York, dans un tweet, sans plus de précisions sur la nature des charges. "SBF" enchaînait les apparitions médiatiques depuis un mois, malgré le risque de procès pour fraude après la spectaculaire implosion de la société, valorisée 32 milliards de dollars en début d'année.

Les Etats-Unis ont "porté plainte" contre le trentenaire, qui réside aux Bahamas, et "vont probablement demander son extradition", a expliqué le procureur général des Bahamas, Ryan Pinder, dans un communiqué relayé sur Twitter. "SBF" va comparaître mardi dans un cour de la capitale, Nassau.

Les deux pays "ont intérêt à ce que les individus associés à FTX, qui ont peut-être trahi la confiance du public et enfreint la loi, rendent des comptes", a indiqué Philip Davis, le Premier ministre de l'archipel situé au nord-est de Cuba. Les Bahamas vont mener leur propre "enquête criminelle sur l'effondrement de FTX", a-t-il ajouté, cité dans le communiqué.

Aux Etats-Unis, "s'il est condamné pour fraude, il pourrait passer le reste de sa vie en prison, étant donné le montant", estime Jacob Frenkel, du cabinet Dickinson Wright. "Il n'y aurait pas d'acte accusation si les procureurs n'étaient pas absolument convaincus qu'ils vont obtenir une condamnation", a ajouté ce spécialiste des enquêtes fédérales, qui a travaillé pour le gendarme boursier américain (SEC).

"Pas très calés"

Sam Bankman-Fried était censé s'exprimer mardi devant une commission parlementaire de la Chambre des représentants, tout comme John Ray, le nouveau patron de FTX. Les ex-dirigeants de la plateforme en faillite ont fait preuve d'une "défaillance complète" à tous les niveaux de contrôle, dépensant sans vraiment compter l'argent de leurs clients, a affirmé lundi John Ray, dans un document publié à la veille de l'audition au Congrès.

A première vue, "l'effondrement du groupe FTX semble résulter de la concentration absolue du contrôle entre les mains d'un très petit groupe d'individus grossièrement inexpérimentés et pas très calés, qui n'ont mis en oeuvre aucun des systèmes ou des contrôles requis pour une société à laquelle sont confiés l'argent ou les actifs d'autres personnes", a souligné le responsable. Considérée comme l'une des principales plateformes d'échange de cryptomonnaies au monde, FTX n'a soudainement plus été en mesure début novembre de reverser à ses clients l'argent qu'ils y avaient déposé.

Le groupe a annoncé son dépôt de bilan le 11 novembre. "Je n'ai jamais essayé d'escroquer qui que ce soit", a assuré Sam Bankman-Fried fin novembre lors d'une conférence organisée par le New York Times. "J'ai clairement fait beaucoup d'erreurs et je donnerais tout pour pouvoir refaire certaines choses."

L'ancienne égérie des cryptos a choisi de multiplier les interviews et les prises de paroles sur Twitter, malgré la gravité des accusations qui pèsent sur lui. Diplômé du Massachusetts Institute of Technology, fils de professeurs de droit à l'université Stanford, il était parvenu à légitimer les cryptomonnaies auprès du grand public et de la classe politique.

Mais son air contrit et son ton hésitant lors de ses récentes interventions offrent un contraste saisissant avec l'image rassurante qu'il s'était forgée ces dernières années. "C'était une stratégie très risquée", remarque Jacob Frenkel. Au final, c'est "comme s'il avait admis qu'il s'est comporté de façon criminelle".

"Frénésie de dépenses"

L'enquête a déjà démontré que les actifs déposés par les clients sur FTX étaient mélangés à ceux de la société de courtage et d'investissements dans les cryptos Alameda, également fondée par Sam Bankman-Fried. Et Alameda a allègrement pioché dans les fonds des clients de FTX pour faire des paris risqués. Une telle utilisation de ces fonds constituerait une fraude si elle bafouait les termes de l'accord entre FTX et ses clients, estiment de nombreux juristes.

FTX s'est aussi lancée dans une "frénésie de dépenses" à partir de fin 2021, avec 5 milliards de dollars dans des entreprises et investissements "qui ne valent peut-être qu'une portion" de cela, d'après John Ray. La plateforme a par ailleurs déboursé, en prêts ou en paiements, plus d'un milliard de dollars destinés à des personnes au sein de l'entreprise.

Pour le nouveau dirigeant, qui a supervisé plusieurs procédures de faillite, dont celle de l'ancien géant énergétique américain Enron, l'objectif est désormais de "maximiser la valeur" des actifs encore détenus par FTX pour rembourser autant que possible les clients et créanciers du groupe.

afp/vj