Genève (awp) - Le marché immobilier en Suisse va connaître une vague de régulation similaire à celle qu'ont connu les domaines bancaire et financier, selon le promoteur genevois Abdallah Chatila. "Le principal changement s'effectuera au niveau des lois sur le blanchiment d'argent" a-t-il indiqué à AWP lors du salon Invest16 qui se tient encore jeudi dans la Ville du bout du lac.

Ces changements interviendront dans un horizon d'un à cinq ans, estime le Libano-Suisse, président de la société immobilière M3 Real Estate. Ce dernier craint l'éclatement d'affaires analogues au cas Cahuzac, qui vaut à la banque Reyl et son patron François Reyl un risque de condamnation devant la justice française.

Les investissements immobiliers réalisés avec des fonds non déclarés devraient faire l'objet d'un serrage de vis. Pour M. Chatila, la probable rétroactivité législative posera problème. "Tous les promoteurs possèdent potentiellement des clients qui ont acheté des immeubles avec de l'argent non déclaré. Peut-on pour autant nous accuser de blanchiment? Je ne crois pas."

Le Genevois exhorte donc les autorités à faire preuve de discernement au moment d'énoncer les nouveaux principes qui régiront le marché immobilier en Suisse. "Il ne faut pas cracher dans la soupe alors que tout le monde a profité de ce système."

Hasard du calendrier, le Grand Conseil genevois se prononce jeudi sur la nouvelle loi destinée à juguler la spéculation immobilière dans le canton. Le texte a été élaboré suite à plusieurs affaires qui ont défrayé la chronique, impliquant de riches familles qui ont acheté des lots d'appartements sans les occuper ou pour en faire profiter des proches.

UNE "CIBLE FACILE"

Initié par Abdallah Chatila, le projet immobilier de La Tulette à Cologny est devenu le symbole de ces pratiques. Le principal intéressé dénonce une inégalité de traitement et des motivations politiques. "Les gens qui ont lancé cette bataille (.) s'en sont pris à la cible la plus facile: un étranger actif dans le bâtiment et qui favorise ses amis, ce dont je ne me suis jamais caché."

M. Chatila conteste également le terme "spéculation", qui, selon lui, ne concerne que les actifs liquides. L'immobilier n'en ferait pas partie car, dans les cas concernés par la nouvelle loi, un délai de dix ans est toujours imposé entre l'acte d'achat et la vente.

La solution idéale, selon le promoteur, consisterait à mettre en place un système qui donnerait la priorité absolue à l'accession à la propriété de personnes qui ne possèdent aucun bien. Dans la mouture présentée au Grand Conseil, le texte n'empêchera pas la pénurie de logements à Genève et les pratiques controversées dénoncées par les défenseurs de la loi, affirme le président de M3 Real Estate.

Abdallah Chatila est également le directeur général (CEO) de la holding Rachaya, dont les deux tiers des activités relèvent de l'immobilier. L'investissement dans les sociétés technologiques est toutefois appelé à devenir le domaine principal dans quelques années. Le groupe évolue également dans les secteurs de l'art et du diamant. Il dégage un chiffre d'affaires annuel entre 200 et 250 mio CHF.

M3 Real Estate, filiale de Rachaya, va par ailleurs ouvrir début octobre un bureau à Zurich, afin de se rapprocher de sa nombreuse clientèle institutionnelle. Cette antenne va occuper deux personnes dans un premier temps et quatre à terme.

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