par Guy Faulconbridge et John Chalmers

LONDRES/BRUXELLES, 6 décembre (Reuters) - La Grande-Bretagne et l'Union européenne tentaient dimanche de conclure un accord commercial dans le cadre de négociations sur l'après-Brexit tendues qui, si elles échouaient, se traduiraient par de sérieuses difficultés économiques et commerciales.

Voici quelques-unes des conséquences potentielles d'une absence d'accord au terme de cinq ans de crise du Brexit.

LA LIVRE STERLING

Les investisseurs et les banques ayant misé sur la conclusion d'un accord, les principaux négociants en devises estiment qu'un échec des négociations affecterait la livre sterling.

Le résultat du référendum choc du 24 juin 2016 avait fait chuter la monnaie de 8% par rapport au dollar américain, provoquant sa plus forte baisse en une journée depuis le début de l'ère des taux de change flottants, dans les années 1970.

C'était presque le double de la baisse de 4,3% du 16 septembre 1992, lorsque le financier George Soros avait "cassé la Banque d'Angleterre" en pariant contre la livre, jouant un rôle déterminant dans la sortie de la monnaie du mécanisme de change européen.

LE COMMERCE

Du jour au lendemain, la Grande-Bretagne perdrait son accès à un marché unique européen de 450 millions de consommateurs sans tarifs ni quotas.

Le pays appliquerait par défaut les conditions de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans ses échanges avec le bloc des 27 États, ce qui le rendrait dans le faits aussi éloignée de l'Union européenne que de son plus grand partenaire commercial, à savoir l'Australie.

La Grande-Bretagne imposerait un nouveau tarif global (UKGT) sur les importations de l'UE tandis que cette dernière appliquerait son tarif extérieur commun aux importations britanniques. Des barrières non tarifaires pourraient aussi entraver le commerce et les prix devraient augmenter pour les consommateurs et les entreprises.

Les frontières risquent en outre d'être perturbées, en particulier les principaux points de passage, avec des pénuries de certains aliments possibles dans la mesure où la Grande-Bretagne importe 60% de ses aliments frais.

Toute perturbation serait ressentie le plus vivement par les secteurs qui dépendent des chaînes d'approvisionnement à flux tendus, dont l'automobile et l'agroalimentaire. Les autres secteurs susceptibles d'être touchés incluent le textile, les produits pharmaceutiques et les produits chimiques et pétroliers.

L'UE est le plus grand partenaire commercial de la Grande-Bretagne et représentait 47% de son commerce en 2019. Le pays accusait alors un déficit commercial de 79 milliards de livres (106 milliards de dollars) avec l'UE, son excédent de 18 milliards dans les services étant loin de compenser un déficit de 97 milliards dans les marchandises.

Même en cas d'accord, la Grande-Bretagne risque de voir quelque 7.000 camions à destination du continent s'entasser dans le comté de Kent, au sud de l'Angleterre.

L'ÉCONOMIE

Une absence d'accord réduirait de 2% la production économique britannique en 2021 tout en faisant grimper l'inflation, le chômage et les emprunts publics, a prévu l'Office britannique de la responsabilité budgétaire (OBR).

L'OBR a déclaré que les droits de douane en vertu des règles de l'OMC et les perturbations aux frontières toucheraient des pans de l'économie tels que le secteur manufacturier, qui sortaient relativement indemnes de la pandémie de COVID-19.

A long terme, le coût risque d'être élevé à la fois pour la Grande-Bretagne et pour les 27 membres de l'UE. L'Allemagne, la première économie d'Europe, est le premier partenaire commercial de la Grande-Bretagne au sein de l'Union.

Le choc se ferait sentir de manière inégale dans toute l'Europe continentale, les pays les plus touchés étant probablement l'Irlande, les Pays-Bas, la Belgique, la France, le Luxembourg, Malte et la Pologne.

Le Halle Institute for Economic Research a prévu que les entreprises de l'UE exportant vers la Grande-Bretagne pourraient perdre plus de 700.000 emplois si aucun accord commercial n'est conclu.

IRLANDE DU NORD

Les deux parties veulent éviter une frontière étanche entre l'Irlande du Nord du Royaume-Uni et la République d'Irlande. La mise en œuvre du protocole d'Irlande du Nord du traité de Brexit 2020 sera toutefois compliquée sans accord commercial.

En vertu du traité, l'Irlande du Nord reste au sein du marché unique des marchandises de l'UE et alignée sur ses règles douanières après le 31 décembre, contrairement au reste du Royaume-Uni.

La façon exacte dont les contrôles, les réglementations et les procédures administratives fonctionneront entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord n'est pas encore claire. Mais sans accord commercial, le fossé entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord se creuserait un peu plus.

Un Brexit sans accord commercial risque en outre de faire de l'Irlande du Nord une porte dérobée vers le marché unique de l'UE, soulevant ainsi le spectre d'une frontière dure sur l'île pour la première fois depuis l'accord de paix de 1998.

GÉOPOLITIQUE

Les deux parties se rejetteraient probablement la responsabilité du désordre qui naîtrait d'un Brexit sans accord et l'Europe serait divisée au moment même où elle ferait face à la montée en puissance de la Chine, aux velléités de la Russie et à l'onde de choc du COVID-19.

L'UE perdrait l'une des principales puissances militaires et de renseignement d'Europe, sa deuxième économie et la seule capitale financière en mesure de rivaliser avec New York. La Grande-Bretagne, seule, serait de son côté beaucoup plus dépendante de son alliance avec les États-Unis.

LONDRES

La capitale financière internationale est en grande partie prête au Brexit dans la mesure où aucun accord commercial n'a jamais été envisagé pour réguler l'industrie la plus compétitive de Grande-Bretagne.

Alors que la plupart des banques et des investisseurs ont trouvé des moyens de gérer la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, l'impact à long terme d'un Brexit conflictuel est imprévisible et l'UE essaierait probablement de conquérir des parts de marché à la City de Londres.

La capitale britannique est également le centre mondial du commerce de l'euro, un casse-tête potentiel pour la Banque centrale européenne. (Version française Benjamin Mallet)