La séance de mardi s'est avérée un peu aigre pour les investisseurs français, qui ont été confrontés à un vif recul de 0,9% du CAC40, trahi par ses valeurs du luxe et par ses industriels de l'aéronautique et de la défense. LVMH, Hermès et compagnie ont en effet été chahutées après la montée du bruit sur les craintes de déception sur le marché chinois, crucial pour la spécialité. Je pense notamment à un article signé de Reuters hier matin, titré "L'incertitude sur la Chine assombrit les prévisions du secteur du luxe". Sa portée a été accrue par la proximité de la publication des performances trimestrielles de LVMH (le 16 avril) et de L'Oréal (le 18 avril). Quant aux entreprises liées à la défense, elles ont subi un retour de flamme généralisé et paneuropéen (Thales, Leonardo, Rheinmetall ou BAE Systems ont chuté de plus de 4%) après que Goldman Sachs a publié un note sectorielle jugeant les valorisations élevées. Bernstein a aussi publié dans le même sens, renforçant la chute et la rendant probablement excessive au regard de l'état du monde et de la lame de fond du réarmement. Les indices plus riches en valeurs défensives ou liées aux matières premières, comme le SMI suisse ou le FTSE100, ont bien mieux tenu la distance hier en limitant leurs pertes.

Aux Etats-Unis, Wall Street a connu une seconde séance attentiste, dans une actualité de plus en plus réduite du côté des sociétés. A tel point que j'ai eu du mal à trouver des informations intéressantes pour garnir la seconde partie de la chronique d'annonces d'entreprises nord-américaines. Cela s'explique aussi par la quiet period qui précède les annonces de résultats trimestriels, durant laquelle les sociétés cotées s'abstiennent généralement de publier des informations importantes, qu'elles réservent pour leur communiqué de résultats. Le S&P500 et le Nasdaq 100 ont repris un peu de terrain, pendant que le Dow Jones perdait 0,02% après avoir cédé 0,03% la veille.

Comme promis, je vais essayer de vous fournir une grille de lecture de l'inflation américaine qui doit être publiée cet après-midi, ce qui n'est pas l'exercice le plus simple puisque les relations de cause à effet ne sont pas toujours évidentes sur les marchés financiers. Pour planter le décor, les investisseurs attendent avec impatience la prochaine salve de résultats trimestriels pour alimenter leur optimisme, mais l'évolution des taux directeurs américains reste l'éléphant dans la pièce, pour employer une expression anglosaxonne typique. Pour que l'éléphant reste invisible, il faut que les investisseurs gardent un espoir raisonnable d'assouplissement monétaire, c’est-à-dire de baisse de taux.

La configuration moisie que tout le monde espère éviter serait que la Fed annonce explicitement que les taux ne pourront pas baisser cette année ou, pire, qu'ils pourraient remonter. Pour le moment, le scénario des prophètes de malheur a peu de chances de se produire. Mais s'il devait prendre du poids, ce serait à n'en pas douter à cause de l'inflation. Et pourquoi l'inflation se renforcerait-elle ? Parce que l'économie américaine parvient à fonctionner en dépit de taux élevés, qu'il n'y a pas tant de casse que ça liée au surendettement et que le marché du travail ne faiblit pas vraiment.

Ce qui a changé depuis quelques semaines, et qui a poussé les investisseurs à renoncer à voir les taux baisser à grande vitesse cette année, c'est que la réduction de l'inflation a marqué le pas par rapport à 2023. Aux Etats-Unis, la hausse des prix sur un an est passée de 9% en juillet 2022 à 3,2% en février. C'est (nettement) mieux, mais c'est encore insuffisant par rapport à l'objectif de la Fed de ramener cette variation autour de 2%. Maintenir des taux élevés est censé être le meilleur outil monétaire pour courber l'inflation, mais la banque centrale a du mal à la faire passer sous la barre de 3%. En mars, à cause d'un effet de base défavorable, l'inflation devrait remonter à 3,4% sur un an.

Ça c'est pour l'inflation brute. Les économistes et la Fed préfèrent en général regarder l'inflation de base, ou "core inflation", ou encore "core CPI", qui exclut les éléments les plus volatils comme l'énergie et les aliments. Cette inflation de base est attendue à 3,7% en mars sur un an. C'est davantage que l'inflation brute, mais sa dynamique est plutôt baissière : elle était de 3,8% en février. C'est probablement ce chiffre qu'il faudra scruter. Si l'inflation de base se comporte comme prévu, la perspective de voir la Fed réduire ses taux en juin va remonter. Si elle est plus robuste que ce qui est attendu, la baisse de juin aura du plomb dans l'aile et les marchés devront une fois de plus réajuster leurs paris d'évolution des taux sur l'année, ce qui pourrait finir par déstabiliser des marchés actions qui vivent dans une agréable insouciance depuis plusieurs mois.

Donc le rendez-vous principal de la journée est pour 14h30 avec ces chiffres de l'inflation aux Etats-Unis. En attendant, la Chine n'est pas très contente parce que l'agence Fitch a abaissé la perspective de sa notation souveraine de stable à négative. Le pays reste noté "A+". Il faudrait peut-être leur prêter notre magicien Bruno Le Maire, qui a manifestement le pouvoir de geler les notations crédit. Pour autant, les places boursières chinoises n'ont pas l'air de s'alarmer de cette fitcherie ce matin. En Europe, les investisseurs fourbissent leurs armes avant la décision que la BCE doit rendre sur ses taux demain. Un statu quo est probable, mais la banque centrale pourrait paver le terrain en vue d'une baisse en juin. La BCE, à l'inverse de la Fed, peut s'appuyer sur la poursuite de la décrue de l'inflation dans la zone euro pour agir. Si le décalage entre les deux banques centrales se confirme, il y aura des arbitrages de flux financiers entre les deux rives de l'Atlantique. Les gros fonds obligataires américains ont d'ailleurs déjà commencé à en tenir compte en revenant sur le vieux continent pour anticiper un différentiel de politique monétaire. Nous en reparlerons probablement dans les semaines à venir.

En Asie Pacifique ce matin, ça part dans tous les sens. Le Nikkei 225 perd 0,5% au Japon en clôture, pendant que Hong Kong flambe de 2%. Ce qui n'empêche pas la Chine continentale de reculer de 0,3% côté CSI300. Le KOSPI coréen recule de 0,6% alors que le SENSEX indien gagne 0,3%, comme l'ASX200 à Sydney. Les indicateurs avancés européens devraient rebondir à l'ouverture après la gueule de bois de la veille.

Le CAC40 et le Bel20 gagnent 0,5% à l'ouverture. Le SMI est en hausse de 0,3%.

Les temps forts économiques du jour

Aux Etats-Unis l'Indice des Prix à la Consommation (14h30), les Stocks de Grossistes (16h00) et les Stocks de Brut DOE (16h30) occuperont l'après-midi. Tout l'agenda ici.

L'euro se négocie à 1,085 USD. L'once d'or est ferme à 2351 USD. Le pétrole recul un peu, avec un Brent de Mer du Nord à 89,40 USD le baril et un brut léger américain WTI à 84,76 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans baisse à 4,35%. Le bitcoin se négocie 69 150 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Alstom : Bernstein démarre le suivi avec une recommandation de performance de marché et un objectif de cours de 13 EUR.
  • Banca Ifis : Equita passe de conserver à acheter à en visant 24 EUR.
  • Bossard Holding : Research Partners AG passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 200 CHF à 250 CHF.
  • Brunello Cucinelli : Oddo BHF démarre le suivi à surperformance avec un objectif de cours de 110 EUR.
  • Danube Ag : JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours relevé de 70 à 75 EUR.
  • Edenred Se : Jefferies démarre le suivi à sousperformance avec un objectif de cours de 40 EUR.
  • HelloFresh : Goldman Sachs maintient sa recommandation de vente et réduit l'objectif de cours de 12,20 à 6 EUR.
  • Hermès International : HSBC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 1900 à 2250 EUR.
  • Kering : Bernstein maintient sa recommandation de performance de marché et réduit l'objectif de cours de 456 à 414 EUR.
  • Kone Oyj : Bernstein démarre le suivi à surperformance avec un objectif de cours de 52 EUR.
  • Merlin Properties : JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 10,25 EUR à 12 EUR.
  • Roche Holding : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 250 à 240 CHF.
  • Rémy Cointreau : Morgan Stanley maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours réduit de 87 à 86 EUR.
  • Saint-Gobain : AlphaValue/Baader Europe maintient sa recommandation à accumuler avec un objectif de cours relevé de 81,80 à 85,50 EUR.
  • Schindler Holding : Bernstein démarre le suivi avec une recommandation de performance de marché et un objectif de cours de 250 CHF.
  • SIG Group : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 24 à 25 CHF.
  • Sulzer : Research Partners AG maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 120 CHF à 150 CHF.
  • Ypsomed Holding : Research Partners AG maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 330 à 400 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Airbus a livré 142 appareils sur le 1er trimestre, contre 83 pour Boeing.
  • Arkema confirme des perquisitions sur plusieurs de ses sites.
  • Euroapi annonce un resserrement du Comité exécutif autour des fonctions opérationnelles.
  • Le jeu "Star Wars Outlaws" d'Ubisoft sera lancé le 30 août prochain.
  • Roche Bobois se renforce en Chine.
  • Groupe Pizzorno Environnement remporte le contrat de délégation de Service Public de prévention et de gestion des déchets ménagers de la Communauté de Communes Lacs et Gorges du Verdon.
  • Sercel (CGG) vend son nouveau système d'acquisition terrestre à câble 528, à TPIC (Turkish Petroleum International Corporation).
  • Innate Pharma présente des données d’efficacité précliniques pour IPH45, son conjugué anticorps-médicament innovant ciblant nectine-4 a l’AACR 2024.
  • Transgene et NEC présentent les premiers signes de bénéfice clinique de leur vaccin individualisé contre le cancer, TG4050, dans les cancers de la tête et du cou.
  • Sirius Media dévoile sa stratégie et s'emploie à renégocier sa dette, tout en prévoyant une émission obligataire pour financer son BFR et le lancement de son prochain film.
  • Hopium va fabriquer des prototypes de sa pile à combustible et cherche de l'argent.
  • Les principales publications du jour : Kaufman, Fleury Michon, Theravet, Implanet, Ecomiam

Dans le vaste monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres, sauf pour les échanges post-séance aux Etats-Unis, qui reflètent normalement bien la tendance)

  • Barry Callebaut subit une chute de 40% de son bénéfice d'exploitation en raison de l'explosion des coûts de transformation.
  • Taiwan Semiconductor (TSMC) affiche un chiffre d'affaires du T1 qui dépasse les attentes du marché grâce à l'essor de l'intelligence artificielle.
  • Tesco prévoit une hausse de ses bénéfices pour l'exercice 2024/2025.

Annonces importantes (et moins importantes)                                                                                                                                                                                

En Europe

  • Perquisitions chez Nestlé dans les Vosges autour de décharges de bouteilles plastiques.
  • Orange déploie l'IA dans ses opérations via un accord élargi avec Google Cloud.
  • Frasers Group et Next PLC envisagent l'achat de la branche européenne de Ted Baker.
  • Novartis va supprimer 680 emplois dans le domaine du développement de produits, dont 440 en Suisse et 240 aux Etats-Unis.
  • Roche annonce le marquage CE pour son premier diagnostic compagnon du cancer du sein.
  • Julius Bär doit combler des lacunes en Allemagne, selon la BaFin.
  • Les grèves à la Postbank de la Deutsche Bank s'intensifient : les travailleurs réclament une augmentation de salaire de 15,5%.
  • Italgas aurait fait une offre de 4 à 5 milliards d'euros pour 2i Rete Gas, selon la presse.
  • DocMorris obtient l'approbation de l'Allemagne pour le remboursement numérique des ordonnances électroniques.
  • BMW et Rimac signent un accord de partenariat pour la technologie des batteries de véhicules électriques.

Aux Etats-Unis / Canada

  • Intel lance au T3 une nouvelle version de sa puce d'intelligence artificielle, Gaudi 3, pour concurrencer Nvidia.
  • Apple double ses investissements en Inde à 14 Mds$.
  • Boeing fait l'objet d'une enquête de la FAA après qu'un dénonciateur ait identifié des défauts dans le fuselage du 787 Dreamliner.
  • Microsoft va investir près de 3 Mds$ dans l'IA au Japon. Par ailleurs, Microsoft et Netease relancent le jeu Warcraft en Chine, mettant fin à leur querelle.
  • Diamondback Energy émet 5,5 Mds$ d'obligations pour le rachat d'Endeavor.

En Asie Pacifique

  • Jack Ma, fondateur d'Alibaba, sort de l'ombre avec un long message aux employés sur la restructuration du groupe, signe qu'il revient peut-être aux affaires.
  • Hyundai Motor et Kia concluent un accord pour avec Exide Energy Solutions qui les fournira en batteries depuis l'Inde.

Les principales publications du jour : Costco, Delta Air Lines, Tesco, Exor, Aeon, Seven & ITout l’agenda ici.

Lectures