Les marchés actions occidentaux ont donc pris un beau retour de manivelle hier, avec la plus mauvaise séance enregistrée par le S&P500 depuis le rebond entamé mi-juin. L'indice large américain a chuté de 2,14%. Pour être un peu plus parlant, je précise que la seule hausse parmi les 50 plus grosses capitalisations de l'indice américain est le laboratoire Eli Lilly, par la plus petite des marges, 0,1%. L'indice technologique Nasdaq 100 a pour sa part cédé 2,66% avec 5 hausses pour 95 baisses. En Europe, les places les plus cycliques ont payé le plus lourd tribut – à l'image du -1,8% du CAC40 français et du -2,32% du DAX allemand – tandis que les plus défensives s'en sortaient mieux (-0,6% pour le SMI suisse et un curieux -0,2% pour le Footsie, "sauvé" par ses valeurs santé et énergie).

Ce revirement, après grosso modo deux mois de rebond, marque une nouvelle période charnière pour les actions et coïncide avec le retour des doutes sur les conséquences de l'inflation. Ces dernières semaines, la nonchalance des investisseurs à l'égard des signaux extérieurs de tension avait quelque chose d'un peu louche. Depuis quelques jours, ils se reprennent à douter : après une première inflexion sur les prix en juillet, la Fed a peut-être simplement gagné une bataille et pas la guerre. D'ailleurs, les pronostics sur la décision de politique monétaire du 21 septembre prochain sont repassés en faveur d'une hausse de 75 points de base. Ils sont à 58,5% contre 41,5% à un tour de vis de 50 points. Il y a une semaine, les probabilités étaient peu ou prou inversées.

Ça me force à radoter, mais on reste sur le schéma habituel des financiers : les taux élevés, c'est le mal parce qu'il y a moins d'argent en circulation. Mais je nuance quand même : en temps normal, les phases de hausse de taux ne sont pas forcément synonymes de baisse des actions. Historiquement, c'est même tout à fait le contraire, parce que les cycles boursiers et économiques sont décalés. Le problème, c'est quand la visibilité est faible sur les efforts qui doivent être consentis. En d'autres termes, quand le niveau d'incertitude est élevé sur le niveau que doivent atteindre les taux d'intérêt pour que la banque centrale, en l'occurrence la Fed, reprenne le contrôle de l'économie et puisse songer à inverser la vapeur. C'est le cas actuellement : le marché a des doutes sur les efforts à fournir.

L'anxiété des milieux d'affaires américains est accentuée par ce qui se passe en Europe. Personne n'a envie de se retrouver dans une économie à la dérive comme celle du Royaume-Uni. Une étude de Citigroup, qui a eu pas mal de résonnance médiatique hier, anticipe une inflation annuelle de 18,6% outre-Manche au début de l'année 2023. C'est délirant, en tout cas pour des gens comme nous qui avons vécu dans un environnement bénin d'inflation pendant le plus clair de notre vie. Le père d'un ami me rappelait qu'il avait acheté sa première maison au début des années 1980 avec un prêt à …14% !  L'explosion des prix de l'énergie et ses répercussions sur toute l'économie aura des conséquences dramatiques. En particulier celles de mettre en précarité énergétique près de la moitié de la population britannique dès l'hiver prochain, selon une étude universitaire. Ne nous leurrons pas, en dépit des amortisseurs existants (et du parc nucléaire pour ce qui concerne la France), l'Europe continentale n'échappera pas au raz-de-marée. Et la dépense publique, déjà fortement sollicitée depuis la crise sanitaire, ne pourra pas combler toutes les failles.

En attendant, l'Europe reste le jouet de Moscou, qui s'emploie à faire flamber les prix du gaz en ouvrant et en fermant les vannes énergétiques. A ce petit jeu-là, l'OPEP ne veut pas être en reste. Le ministre saoudien de l'énergie s'est ému hier d'une déconnection entre le marché à terme et le marché physique du pétrole en suggérant qu'il faudrait peut-être baisser la production pour y remédier. Résultat, l'or noir a rebondi. Pas besoin d'être un grand oracle pour deviner que l'organisation cherche à protéger le seuil des 90 USD le baril, menacé dernièrement par le ralentissement économique et l'hypothétique retour du brut iranien sur le marché mondial. Pourquoi s'en priver ? Après tout, l'OPEP est probablement le plus grand manipulateur de cours légal du monde.

Pour le vieux continent, qui avait déjà perdu sa souveraineté géopolitique, la découverte de sa perte d'autonomie énergétique est brutale mais pas forcément cruelle : on récolte ce que l'on sème. La découverte du vrai prix des choses est toujours plus difficile quand elle a été retardée. J'imagine que c'est une excellente mise en garde pour la question du climat. Mais je crois qu'on préfèrera attendre le dernier moment pour en être sûr.

Retour en bourse avec une phase de regain de tension donc, en amont aujourd'hui de la publication des indicateurs PMI d'août, qui vont probablement confirmer le coup de frein à l'activité en Europe. Et en attendant le symposium des banquiers centraux de Jackson Hole à la fin de la semaine, qui sera l'occasion pour les grands argentiers du monde de faire passer leurs messages de politique monétaire.

En Asie Pacifique, on réplique le trou d'air de Wall Street : les baisses vont de 1,2% pour le Nikkei à Tokyo à -0,3% pour le Sensex en Inde. Les indicateurs avancés européens sont baissiers. Les "futures" américains, qui avaient fit mine de se redresser, sont repassés dans le rouge au moment où j'écris, mais la route est encore longue jusqu'à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

C'est la journée des indicateurs PMI du mois d'août, avec notamment ceux de la zone euro (10h00) et des Etats-Unis (15h45). Outre-Atlantique, place aussi aux chiffres de l'immobilier neuf et à l'indice manufacturier de la Fed de Richmond (16h00). Tout l'agenda macro ici.

L'euro évolue sous la parité avec le dollar, à 0,9944 USD. L'once d'or baisse à 1737 USD. Le pétrole reprend de la hauteur, avec un Brent de Mer du Nord à 97,39 USD le baril et un brut léger américain WTI à 91,30 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans se tend à 3,01%. Le bitcoin est relativement stable à 21 300 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Admiral : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 1525 à 1625 GBp.
  • AP Moller Maersk : Citigroup passe de neutre à vendre.
  • Emmi : UBS reste à la vente avec un objectif réduit de 835 à 820 CHF.
  • Essentra : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 350 à 310 GBp.
  • Evotec : RBC reste à surperformance avec un objectif réduit de 43 à 35 EUR.
  • FD Technologies : Berenberg passe de vendre à conserver en visant 1900 GBp.
  • Hapag-Lloyd : Citigroup passe de neutre à vendre.
  • Montea : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 135 à 120 EUR.
  • NFON : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 20 à 15 EUR.
  • Schweiter : Research Partners reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 1700 à 1500 CHF.
  • U-Blox : Research Partners reste à la vente avec un objectif de cours relevé de 70 à 80 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Les usines automobiles françaises devraient redémarrer cette année avec une activité normale après la coupure estivale, ont indiqué des porte-parole de Renault et Stellantis.
  • Engie et EDP Renovaveis remportent un appel d'offres dans l'éolien offshore en Ecosse.
  • TotalEnergies et SSE Renewables démarrent le parc éolien Seagreen en Ecosse.
  • Chargeurs rachète la marque britannique Satchel.
  • Vergnet met un terme prématurément à son programme de BEOCEANE-BSA avec Alpha Blue Ocean et prévoit d'annoncer son nouveau mode de financement en septembre.
  • Visiomed émet 3,6 M€ d'obligation participative à 10,5%.
  • Néovacs tire 2 M€ sur sa ligne de financement dilutive.
  • Capelli acquiert un site de recyclage urbain avec Novaxia au Luxembourg.
  • Graines Voltz simplifie sa structure interne.
  • Wallix renforce ses équipes en Amérique du Nord.
  • Affluent Medical dissocie les fonctions de président et de directeur général.
  • Metalliance (Gaussin) reçoit une commande à Singapour pour trois engins.
  • Les Agences de Papa a publié son chiffre d'affaires.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Le Royaume-Uni ne prendra pas de mesures concernant la participation d'Altice dans BT Group.
  • Alcon va racheter Aerie Pharma pour 770 M$.
  • L'entrepreneur allemand en logistique Klaus-Michael Kuehne ne prévoit pas d'augmenter sa participation dans Deutsche Lufthansa au-delà de 15%.
  • Uniper va relancer une centrale électrique au charbon.
  • Zoom Video Communications chute de 8% post-séance après ses trimestriels.
  • British Airways (International Consolidated Airlines) supprime 10 000 vols avec les limites instaurées à Heathrow.
  • Ford confirme la suppression de 3 000 postes administratifs.
  • ISS soutient la direction de la Compagnie Financière Richemont contre le fonds activiste Bluebell.
  • Un ex-ingénieur automobile d'Apple coupable de vol de secrets commerciaux.
  • Les autorités américaines accusent un fournisseur de Hyundai de violations du travail des enfants.
  • Selon Bloomberg, Musk demanderait au juge de rejeter la plainte des actionnaires de Twitter. Il a en outre demandé au fondateur du réseau social, Jack Dorsey, de communiquer des documents.
  • Palo Alto Networks gagne 8% après ses comptes et l'annonce d'un fractionnement d'actions.
  • La Grande-Bretagne va déployer une dose plus faible du vaccin contre la variole du singe de Bavarian Nordic.
  • Pfizer demande à la FDA d'autoriser une nouvelle version de son vaccin anti-Covid.
  • Principales publications du jour : Intuit, Medtronic, Ping An Insurance, com, Grieg Seafood, Arbonia, FeintoolTout l'agenda ici.

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