Présentation : 

Stellantis N.V., le mastodonte né de la fusion de PSA et FCA, chapeaute désormais 14 marques (contre 5 pour Renault). Avec ce regroupement, Stellantis oscille entre la 4ème et la 6ème place dans les plus grands constructeurs automobiles mondiaux. La société réalise plus des trois quarts de son chiffre d'affaires en Europe. L’ajout de marques comme Jeep, Chrysler ou Dodge lui permet d’accéder à un marché américain sur lequel Stellantis peut se positionner légitimement. PSA a réalisé un plan de restructuration de 13.000 suppressions de postes chez Peugeot (sans compter ceux de la marque Opel) pour redresser des marques en perte de vitesse. Depuis PSA se porte très bien : bonne croissance, nouveaux positionnements vers le premium avec DS Automobiles et la revalorisation récente de Peugeot. FCA, plus à la traîne, cherchait depuis plusieurs années un compagnon de route pour survivre dans un secteur très compétitif. FCA affiche de beaux succès comme le lancement de la Fiat 500 mais accuse un retard en recherche et développement (voiture autonome, électrification). La synergie de cette fusion permettra aux marques de partager les plateformes, les compétences, les budgets R&D et de réduire les coûts de production. 

Renault se place au 5ème rang des constructeurs automobiles mondiaux à travers l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Renault réalise une bonne partie de ses ventes en Asie-Afrique (25%), bien plus que Stellantis (à 12%). La marque a subi plusieurs revers avec l’affaire Carlos Ghosn en 2019 et sort de deux années compliquées qui ont fait passer les bénéfices dans le rouge. Bien loin de l’année record de ventes de 2016, le groupe a présenté sa Renaulution pour retrouver de sa superbe. Renault espère avec ce plan : 

  • Produire moins en volume et réduire les coûts pour redresser les marges ; 
  • Moderniser l’offre avec une nouvelle vague de 24 modèles d’ici 5 ans ; 
  • Créer une nouvelle marque Mobilize pour promouvoir les nouvelles mobilités ;
  • Rapprocher Dacia et Lada et élargir leur gamme de SUV (Dacia Bigster, Lada Niva). 

Les marques qui composent les deux groupes : 

Source : Zonebourse

Le défi de l'électrique : 

L’industrie automobile fortement capitalistique est aussi ingrate que hyper-compétitive. Avec des marges faibles et une forte cyclicité, les acteurs du secteur n’ont pas trente-six possibilités d’améliorer leur rentabilité : Développer leur gamme premium pour augmenter les marges de chaque véhicule ou augmenter le volume de ventes pour réduire les coûts avec l'effet d’échelle. Même si historiquement, les deux groupes ont choisi la seconde stratégie, ils s’orientent de plus en plus vers la premiumisassion de leurs marques et le développement d’une identité du segment supérieur (DS Automobile, Renault Gamme Initiale Paris). L’électrique peut leur permettre d’améliorer leurs marges avec la réduction des coûts de production des batteries dans les années à venir. 

Source : Bloomberg & TE 

“L’électrification, c'est le défi numéro un de toute l'industrie automobile dans le monde”. Carlos Tavares n'y va pas de main morte. Il le sait. Certains acteurs du secteur, à l’image de Tesla avec la model S, ont bousculé les envies des consommateurs en quête de moyens de mobilité plus verts et plus économiques à l’usage (d’autant plus que les politiques gouvernementales soutiennent financièrement l’achat de véhicules électriques). 

Pourtant, ces deux mastodontes se sont lancés il y a déjà quelques années sur le marché de l'électrique avec la Renault Zoé 100% électrique sortie en 2013 et la Peugeot 3008 Hybrid4 sortie en 2011. Aujourd’hui, les constructeurs ont étendu leurs gammes de véhicules électriques. Stellantis souhaite atteindre le 100% électrique d’ici 2030 et développer des véhicules avec une automobile comparable aux véhicules thermiques (800 km dans ses projections).  

Renault présentera sa feuille de route le 30 juin prochain tandis que Stellantis dévoilera son plan d’électrification la semaine suivante lors de son Electric day au mois de juillet. Les investisseurs attendent beaucoup de ces présentations, d’autant plus que les deux constructeurs ne se placent pas en pôle position pour arriver à l’objectif européen de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). En effet, dans le milieu automobile, Volkswagen et Volvo Cars sont dans une meilleure voie pour électrifier leur parc à cette échéance (en savoir plus dans cet article). 

Finances et prévisions : 

Stellantis se démarque de ses concurrents par une croissance de son bénéfice net par action plus élevée que la moyenne du secteur. Stellantis profite d’un bon retour sur capital investi de 30,6% pour 2021 et une croissance attendue de 11% par an jusqu'en 2025. La synergie de 5 milliards d’euros d’ici 2025 permettra de diminuer les coûts par la fusion des compétences et des plateformes au sein du groupe. Lorsque l’on regarde un peu en arrière, l’équipe dirigeante a réussi de belles intégrations (Opel avec PSA, Fiat et Chrysler, etc). Autre point fort, la qualité du management. Carlos Tavares et son équipe ont su remettre à flot des marques en perdition comme Opel et Vauxhall en quelques années seulement, un véritable exploit dans le secteur. FCA apportera au groupe une position solide aux Etats-Unis (2ème plus grand marché mondial). Avec un rendement des Free-Cash-Flow évalué à 7% pour 2021 pour un PER ajusté de sept fois ses bénéfices prévisionnels pour l’année en cours, le titre porte en lui encore une certaine décote au regard du secteur. Dans les points faibles, Stellantis pêche sur son retard en matière de véhicule électrique (Carlos Tavares croit davantage à l’hybride pour l'instant). Le groupe peine également à pénétrer le marché asiatique sur lequel il se positionne difficilement et est encore déficitaire. Beaucoup d’attente donc sur la synergie suite à la fusion, mais un comblement de gap qui se fait attendre sur sa stratégie d'électrification très porteuse dans le secteur. 

Prévision des parts des véhicules hybrides et électriques dans les ventes du groupe Stellantis au travers de ses filiales : 

Source : UBS Global Research 

Du côté du losange, Renault se concentre sur la refonte du groupe : Nouvelle identité, nouveau directeur général, nouvelles équipes, nouveaux projets. Luca de Meo souhaite réorienter Renault vers plus de rentabilité en augmentant les marges des véhicules, notamment des futures gammes électriques. Le groupe s’est enfermé depuis pas mal d'années déjà sur le segment des petites citadines, et souhaite au contraire davantage développer les SUV hybrides et électriques, y compris sur les marques bas de gamme comme Dacia. Luca de Meo souhaite reproduire le succès de la Fiat 500 chez Renault (comme en témoigne le prototype Renault 5). Le plan de Renaulution, pas si révolutionnaire ni ambitieux que ça, propose de stabiliser le bilan, restaurer les bénéfices après deux années compliquées (2019 et 2020) et lancer 24 nouveaux modèles d’ici 2025. L’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi encore affaiblie depuis l’affaire Carlos Ghosn pêche, mais le développement de nouveaux partenariats redore l’image. Renault est largement présent sur les marchés émergents, notamment asiatique, sur lequel il bat à plate couture son homologue européen, notamment grâce à son alliance. Renault Group se paye 17,3 fois ses bénéfices prévisionnels pour 2021 et 0,21% son chiffre d’affaires, soit une marge nette minuscule de 1,34%. (contre 4,53% pour Stellantis). Renault nous paraît être une valeur largement décotée à juste titre. La Renaulution pourrait lui être cependant profitable pour renouer avec des marges et une croissance bien supérieures qu’actuellement. Il va cependant falloir du temps au groupe pour redorer l'image de Renault et effacer les séquelles de la stratégie de masse adoptée par Carlos Ghosn. 

Comparatif des marges et des valorisations prévisionnelles de 2021 des deux groupes : 

Source : Zonebourse 

Stellantis, au-delà d’avoir une meilleure croissance prévisionnelle pour les années à venir, se paye moins cher par rapport à ses bénéfices 2021 et réalise de meilleures marges, retour sur capitaux investis et retour sur actifs. Les analystes sont d’ailleurs plus optimistes sur les prochaines exercices de Stellantis que sur Renault où le calme plat règne en maître. 

Source : Zonebourse 

Récapitulatif des points forts/points faibles :

Source : Zonebourse

Suite à cet éclairage sur les stratégies des deux groupes et de leurs perspectives futures, nous pouvons noter que Stellantis va jouir de la synergie du groupe (réduction des coûts notamment) mais devra faire attention à la cannibalisation des marques positionnées sur le même segment. Avec une bonne santé financière, une meilleure croissance et une valorisation attractive, Stellantis est notre gagnant de ce match. Renault doit encore prouver son redressement avec le plan Renaulution. Le groupe peut néanmoins s’avérer être un bon choix pour profiter de son positionnement sur les marchés asiatiques en pleine croissance et d’un nouveau management motivé et compétent.