L'institution dirigée par Christine Lagarde a annoncé la semaine dernière une série de mesures pour soutenir le crédit et les banques mais certains investisseurs craignent qu'elle ait épuisé tous les moyens à sa disposition et qu'elle se révèle impuissante à endiguer une aggravation de la crise liée à la pandémie de coronavirus.

Ces interrogations ont été relayées par le gouverneur de la banque centrale autrichienne, Robert Holzmann, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, qui laisse entendre dans un entretien publié mercredi que la politique monétaire a atteint ses limites et que la BCE pourrait être incapable de répondre aux attentes des marchés.

La BCE a publié un communiqué réfutant cette idée et Robert Holzmann est revenu sur ses déclarations en déclarant dans un bref communiqué que "la politique monétaire est loin, très loin d'avoir atteint ses limites".

"La boîte à outils de la politique monétaire est encore bien dotée", a-t-il ajouté.

De son côté, la BCE a rappelé que les décisions prises jeudi dernier l'avaient été à l'unanimité et qu'elle restait "prête à ajuster toutes ses mesures de manière appropriée si cela était nécessaire pour préserver les conditions de liquidité dans le système bancaire et pour assurer une transmission fluide de sa politique monétaire".

DE GUINDOS PLAIDE POUR UN MÉCANISME BUDGÉTAIRE COMMUN

A l'appui de ce message, le vice-président Luis de Guindos a déclaré que la banque centrale pourrait prendre de nouvelles mesures, tout en rappelant que la crise était d'abord sanitaire avant d'être financière et que les gouvernements avaient un rôle à jouer.

Les déclarations de Robert Holzmann et leur réfutation risquent en tout cas d'ajouter aux difficultés de communication de la banque centrale. La semaine dernière déjà, elle avait dû corriger des propos de Christine Lagarde selon lesquels l'institution n'avait pas pour mission de "réduire les spreads" sur le marché des dettes souveraines dans la zone euro, qui avaient favorisé un écartement accru entre les rendements, faisant monter entre autres les taux italiens.

Luis de Guindos a rappelé que le Mécanisme européen de stabilité (MES) disposait d'une capacité d'intervention de 410 milliards d'euros mais il a ajouté que la création d'un mécanisme d'intervention budgétaire à l'échelle de la zone euro, prôné depuis longtemps déjà par la BCE, serait utile.

"Il serait important qu'il y ait une réponse commune, une réponse paneuropéenne (...) Un instrument budgétaire unique pour la zone euro aurait été capital", a-t-il expliqué sur la radio espagnole RNE.

La BCE risque d'être confrontée rapidement aux conséquences de l'envolée ces derniers jours des coûts de financement des pays les plus endettés de la zone euro.

Le rendement à dix ans italien est désormais supérieur de plus de 300 points de base au rendement allemand, l'espagnol de plus de 160 points.

(Balazs Koranyi and Jesus Aguado, version française Henri-Pierre André et Marc Angrand, édité par Blandine Hénault)