Francfort (awp/afp) - Face à une accumulation de risques pesant sur la croissance en zone euro, la Banque centrale européenne devrait s'accorder un sursis jeudi avant d'amorcer la fin de son vaste soutien à l'économie.

Sauf coup de tonnerre, les taux directeurs devraient être maintenus au plus bas et le programme de rachats de dette publique et privée, le "QE", confirmé jusqu'en septembre à un rythme diminué de moitié depuis janvier, soit 30 milliards d'euros par mois.

"Cette réunion est juste une réunion de transition. Cela ne veut pas dire qu'elle sera facile", résume Louis Harreau, économiste au Crédit Agricole, contacté par l'AFP.

Face à la presse à partir de 12H30 GMT, le patron de l'institution, Mario Draghi, devrait brosser un tableau nuancé de la situation économique, qui reste favorable mais sous la menace d'une escalade des tensions commerciales entre Washington et ses principaux partenaires.

Par ailleurs, la récente série d'indicateurs décevants en zone euro semble suggérer un possible coup de mou conjoncturel, d'autant que le gouvernement allemand a légèrement abaissé mercredi sa prévision de croissance pour cette année.

DIVISIONS

Dans ce contexte, la BCE devrait reporter les annonces concrètes au prochain rendez-vous de juin, voire à celui de juillet, et se contenter "d'ancrer les anticipations" de normalisation de sa politique monétaire et "éviter des réactions de marché trop brutales", ajoute M. Harreau.

La question la plus brûlante pour les banquiers centraux de la zone euro est de savoir comment concilier leurs projets de tour de vis monétaire avec une inflation encore languissante.

L'évolution des prix a légèrement repris de la vigueur, à 1,3% en mars, mais elle est restée calée à +1% en excluant les matières premières et l'énergie, soit les composantes les plus instables de cet indicateur.

Le score idéal aux yeux de la BCE, soit une inflation proche mais inférieure à 2%, ne devrait être approché qu'en 2020, à 1,7%, selon ses dernières prévisions de mars.

Or l'institution de Francfort a toujours conditionné la fin du QE au constat que l'inflation pouvait désormais se passer de béquille monétaire, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Un des membres de son directoire, Yves Mersch, a néanmoins réaffirmé mercredi que la BCE était "confiante" dans les chances de voir l'évolution des prix rentrer dans les clous, lors d'un forum économique à Sofia.

COMMUNICATION 'ACROBATIQUE'

Mais pendant que les "faucons" de Francfort laissent présager un resserrement des vannes du crédit, les "colombes" emmenées par Mario Draghi insistent sur les risques, donnant l'image d'une institution divisée.

"Les incertitudes restantes" justifient "encore la patience, la persistance et la prudence en matière de politique monétaire", a ainsi répété M. Draghi vendredi lors d'un discours à Washington.

La communication de la BCE, clé de sa crédibilité et de l'efficacité de ses mesures, promet de devenir "plus acrobatique" quand viendront les réunions de juin et de juillet, estime Gilles Moec, économiste chez Bank of America-Merrill Lynch.

L'institut monétaire ne pourra pas éternellement tergiverser et devra mettre fin au QE d'ici la fin de l'année "pour des raisons à la fois opérationnelles et politiques", précise le spécialiste.

Si la situation le permet, la BCE pourra annoncer au tournant de l'été la sortie graduelle de son programme de rachat de dettes, mais aussi préciser à quel moment elle relèvera ses taux, ce qu'elle n'a plus fait depuis 2011.

L'institution s'est jusqu'ici bornée à dire que cela se ferait "bien après" l'arrêt des rachats de dette, une échéance interprétée par les économistes comme renvoyant à mi-2019 au plus tôt.

afp/fr