Francfort (awp/afp) - Après avoir refermé une page historique en cessant ses rachats de dette, la Banque centrale européenne (BCE) devrait prêcher la patience jeudi, à l'entame d'une année trop incertaine pour renchérir de sitôt le coût du crédit.

Sauf cataclysme, les gardiens de l'euro vont maintenir les taux directeurs au plus bas et continuer à réinvestir à échéance les 2.600 milliards d'euros d'obligations accumulés via le "QE", la puissante arme de soutien à l'économie qu'elle a remisée fin décembre.

Le suspense porte sur l'évolution future des taux, pour l'heure censés ne pas bouger "jusqu'à l'été 2019 au moins", avant ce qui serait le premier tour de vis monétaire depuis juillet 2011.

L'institution de Francfort pourrait repousser cette échéance "de quelques mois" au cours du printemps, mais "cela ne servira à rien", prévient Gilles Moec, économiste de la Bank of America Merrill Lynch, "car le marché se projette déjà plus loin".

"Pour créer un choc, il faudrait donner un horizon de temps encore plus lointain" , ajoute-t-il, au risque de susciter un âpre débat à la BCE entre les "colombes" promptes à soutenir l'économie, et les "faucons" adeptes d'une politique monétaire restrictive.

Somnambulisme?

"Ni la faiblesse de l'inflation, ni l'incertitude sur le panorama économique européen, ni le +wait-and-see+ de la Réserve fédérale américaine (Fed) n'invitent à précipiter le débat sur la première hausse des taux en zone euro", temporise de son côté Bruno Cavalier, économiste d'Oddo BHF.

Si les choses en restaient là, Mario Draghi serait le premier président dans la courte histoire de la BCE à n'avoir jamais relevé les taux, au moment de quitter ses fonctions fin octobre après huit ans de mandat.

La "bonne stratégie" du banquier central, en ce moment, reste de "jouer le type cool quoique sur ses gardes", plutôt que de "mener une action impulsive" face au ralentissement de l'économie, l'arsenal étant de toute façon limité, estime Carsten Brzeski, de la banque ING Diba.

Mais à trop temporiser, le risque est que la BCE "s'avance en somnambule vers la prochaine crise", avertit l'économiste.

M. Draghi avait reconnu le 15 janvier devant le Parlement européen que l'économie progressait moins bien que prévu en zone euro. Il devrait le réitérer jeudi, en insistant sur les risques de dégradation de la conjoncture.

Un indice supplémentaire sera fourni jeudi par les indices PMI d'activité en zone euro pour le mois de janvier, alors que décembre avait déjà témoigné d'une baisse de régime généralisée.

Nouvel assouplissement ?

L'inflation, seul objectif officiellement fixé à la BCE, a ralenti, comme attendu. De 1,9% en novembre, elle est passée à 1,6% en décembre dans la zone euro, surtout en raison d'un recul des prix d'énergie.

Sans cette donnée et en excluant les prix de l'alimentation, l'inflation dite "sous-jacente" est restée inchangée à 1,0%, déjouant les attentes de ceux qui, notamment à la BCE, espéraient voir la hausse des salaires entraîner les prix à sa suite.

"La +confiance+ affichée par le Conseil des gouverneurs, selon laquelle l'inflation convergera vers l'objectif +inférieur, mais proche de 2%+ ressemble de plus en plus à un voeu pieux", constate Andrew Kenningham, économiste de Capital economics.

Aussi, plutôt que de préciser le calendrier de ses futurs tours de vis, le conseil des gouverneurs "pourrait devoir bientôt dépoussiérer son discours passé en lançant les signaux d'un assouplissement supplémentaire de la politique monétaire", ajoute-t-il.

En direction des banques, la BCE pourrait discuter jeudi des modalités d'une prochaine vague de prêts géants ("TLTRO") pour éloigner le risque de manque de liquidités, laissant entrevoir des décisions prises au cours du printemps.

afp/al