FRANCFORT (Agefi-Dow Jones)--La Banque centrale européenne (BCE) a dévoilé dans la nuit de mercredi à jeudi un nouveau programme d'achat d'obligations d'un montant de 750 milliards d'euros, visant à protéger l'économie de la zone euro contre les répercussions de la pandémie de coronavirus. La BCE a ainsi mis de côté des tabous de longue date pour envoyer aux investisseurs un signal fort sur sa détermination à soutenir les gouvernements en difficulté de la zone euro.

Cette initiative inattendue, annoncée peu de jours après la dernière réunion du conseil des gouverneurs et après une série de messages contradictoires, illustre l'urgence de la situation en Europe, nouvel épicentre de la crise sanitaire mondiale.

Les coûts d'emprunt des pays du sud d'Europe ont bondi ces derniers jours, reflétant la crainte que les gouvernements de la région peinent à remplir leurs obligations face au besoin accru de dépenses publiques. Cette situation a ravivé les souvenirs de la crise de la dette de la zone euro il y a près de dix ans.

Si les analystes ont salué la décision de la BCE, l'ampleur des mesures annoncées pourrait susciter de nouvelles inquiétudes dans la première économie de la zone euro, l'Allemagne, où les responsables s'inquiètent depuis longtemps de la politique ultra-accommodante de la BCE.

Dans un communiqué, la BCE a déclaré qu'elle achèterait 750 milliards d'euros d'actifs des secteurs public et privé au moins jusqu'à la fin de l'année, et peut-être au-delà. Ces achats - baptisés "Programme d'achat d'urgence pandémique" - porteront notamment sur la dette souveraine grecque, qui était exclue des précédents programmes d'achat d'obligations de la BCE.

La décision a été prise lors d'une conférence téléphonique imprévue entre les responsables de la BCE, qui s'est tenue tard dans la soirée, un jour où les coûts d'emprunt d'Etats comme l'Italie ou l'Espagne ont grimpé en flèche.

Un plan qui change la donne

Ce nouveau programme "semble changer la donne pour l'économie et les marchés de la zone euro", souligne Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management à Genève.

La BCE pourra acheter près de 120 milliards d'euros par mois de dette de la zone euro jusqu'à la fin de l'année - le montant le plus élevé jamais atteint. Selon les règles du programme, la BCE pourrait concentrer ses achats à court terme sur l'Italie et d'autres Etats en difficulté.

"Cela envoie un signal très, très fort aux marchés", selon Torsten Slok, économiste en chef de Deutsche Bank Securities à New York. "Voilà le bazooka."

Cette décision marque un revirement pour la BCE, qui a traîné les pieds pendant des semaines quant à la nécessité d'une relance monétaire énergique, alors même que d'autres grandes banques centrales comme la Réserve fédérale (Fed) américaine ont annoncé d'importantes baisses des taux d'intérêt et d'autres mesures pour lutter contre les retombées du virus.

Dans son communiqué de mercredi soir, la BCE a suggéré qu'elle pourrait modifier les limites qu'elle s'est elle-même imposées pour son programme d'achat d'obligations, brisant ainsi un tabou de longue date. Cela pourrait lui donner la possibilité d'acheter plus d'un tiers de l'encours de dette d'Etats comme l'Italie. Cependant, une telle mesure pourrait également soulever des problèmes juridiques en Allemagne, où la BCE a fait l'objet de multiples poursuites en justice pour ses achats d'obligations.

- Tom Fairless, Anna Hirtenstein et Giovanni Legorano, The Wall Street Journal

(Version française Valérie Venck) ed: JXM

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