Francfort (awp/afp) - La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde a déclaré mercredi que l'institution allait chercher à définir un nouvel objectif d'inflation facile à comprendre et reposant sur une mesure reflétant mieux le quotidien des gens.

"Nous devrions avoir un objectif d'inflation que le public peut facilement comprendre", a déclaré la Française en ouverture d'une conférence à Francfort consacrée à la BCE et ses observateurs.

La BCE axe à ce jour toute son action sur l'objectif d'une hausse des prix "proche mais inférieure à 2% sur le moyen terme", une définition qui date de 2003, à une époque où la peur dominante était celle d'une inflation trop forte en zone euro.

L'institution vient de relancer un chantier sur sa stratégie, avec des résultats qui ne sont pas attendus avant septembre 2021 en raison d'un retard lié à la pandémie de Covid-19.

La future définition d'un nouvel objectif d'inflation se fera donc attendre, mais selon Mme Lagarde il faudra s'assurer qu'il soit "perçu comme symétrique par le public", pouvant donc tolérer des taux au-dessus de la barre des 2%.

Ceci pour que les anticipations d'inflation des acteurs de marché, très surveillées par la BCE au moment de calibrer ses interventions, collent davantage à son objectif alors qu'elles campent actuellement à un niveau bien inférieur à 2%.

Fin août, la Banque centrale américaine avait annoncé qu'elle laisserait l'inflation augmenter un certain temps au-dessus de l'objectif de 2% pour permettre à l'économie de créer plus d'emplois.

Pour Carsten Brzeski, économiste chez ING, les propos de Mme Lagarde suggèrent que "tout ce qui ressemble à un ciblage d'inflation moyen pourrait être trop compliqué et qu'elle préfère quelque chose comme +environ 2%+".

Si la BCE n'est pas en mesure de changer la mesure proprement dite de l'inflation, ses concepts généraux devront "saisir les coûts auxquels les gens sont confrontés dans leur vie quotidienne et refléter leurs perceptions", y compris le coût de l'immobilier, a plaidé Mme Lagarde.

Cela vaut aussi pour le changement climatique, "qui pourrait avoir un impact sur l'inflation avec des changements progressifs dans le mix énergétique, alors que nous passons à une économie neutre en carbone".

La BCE a engagé depuis des années un arsenal de mesures anticrise, face à une croissance et une inflation atones, la pandémie l'ayant contrainte à encore les renforcer.

Ce contexte pouvant être appelé à durer, "nous devons avoir un consensus clair - convenu au sein du Conseil des gouverneurs et compris par le public - sur les outils dont nous disposons lorsque l'inflation est trop faible, et comment ils devraient être systématiquement déployés en réponse à différents types de chocs", a expliqué Mme Lagarde.

Elle a souligné que la BCE devrait réfléchir à ses outils si "les taux naturels restent bas et si l'inflation reste modérée".

Ces propos ont fait réagir le président de la Banque fédérale allemande Jens Weidmann, gardien de l'orthodoxie monétaire, qui a mis en garde contre un élargissement du mandat de la BCE, synonyme selon lui de perte d'indépendance.

"Plus nous interprétons notre mandat largement, plus le risque sera grand que nous nous mêlions de politique" et ainsi "notre indépendance pourrait être remise en question", a-t-il déclaré.

afp/lk