Les conversations avec plusieurs participants de haut rang au Forum de la BCE à Sintra, au Portugal, traduisent cette montée progressive de l'inquiétude face à la politique commerciale de l'administration américaine.

"Le protectionnisme aura un impact plus important qu'estimé jusqu'à présent", a ainsi déclaré l'un de ces interlocuteurs.

"Le débouclage de la politique accommodante de la BCE constitue également un risque. Je ne pense pas que cela soit pleinement intégré dans les cours; les marchés finiront par se réveiller un jour."

La BCE a refusé de commenter ces déclarations mais au cours d'un débat dans le cadre du Forum, son président, Mario Draghi, a reconnu que le sujet n'incitait pas à l'optimisme.

"Mesurer ce que peuvent être les conséquences de tout cela sur la politique monétaire n'est pas facile et il n'est pas encore temps de le faire mais il n'y a aucune raison d'être optimiste à ce sujet", a-t-il dit.

DES PRÉVISIONS PEUT-ÊTRE DÉJÀ DÉPASSÉES

Mardi, Mario Draghi, avait assuré que la banque centrale serait "prudente" avant de décider de sa première hausse de taux d'intérêt depuis près de huit ans, sans doute à l'automne 2019, et que le resserrement de sa politique se ferait selon une approche "graduelle".

Plusieurs des interlocuteurs rencontrés à Sintra estiment d'ores et déjà que les nouvelles prévisions économiques de la BCE présentées jeudi dernier pourraient se révéler trop optimistes, les indicateurs disponibles sur les perspectives d'activité restant décevants.

"Regardez simplement les indicateurs avancés: ils continuent de surprendre à la baisse", a dit l'un d'eux. "Il y a une façade d'optimisme dans les prévisions."

La BCE prévoit une croissance économique de 2,1% dans la zone euro cette année, de 1,9% l'an prochain et de 1,7% en 2020.

Mario Draghi a précisé la semaine dernière que ces chiffres n'intégraient pas "les effets de mesures commerciales qui n'ont pas encore été mises en oeuvre", sans doute en référence aux droits de douane annoncés par Donald Trump sur l'acier et l'aluminium importés de l'Union européenne vers les Etats-Unis, entrés en vigueur après l'arrêt des prévisions.

"Le risque de guerre commerciale ne peut pas être quantifié et quand les banquiers centraux sont incapables de mesurer un quelque chose, ils préfèrent ne pas en parler", a dit une troisième source.

(Marc Angrand, édité par Véronique Tison)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa