Francfort (awp/afp) - La Banque centrale européenne va de nouveau relever ses taux d'intérêt jeudi et laisser entrevoir d'autres hausses face à une inflation restant trop élevée, d'autant que l'amélioration du climat économique lui enlève des scrupules à durcir le cap monétaire.

Après de longues années d'argent pas cher, l'institution présidée par Christine Lagarde mène depuis l'été une politique choc de taux d'intérêt destinée à refroidir l'activité économique, dans l'espoir de dompter l'envolée des prix déclenchée par la guerre russe en Ukraine.

Le retour d'un calme relatif sur les marchés de l'énergie a permis à l'inflation de reculer pour le deuxième mois consécutif en décembre, à 9,2%, en restant cependant très au-dessus de l'objectif de 2%.

Une ombre au tableau : l'inflation "sous-jacente" - hors énergie, alimentation, alcool et tabac - a de nouveau augmenté en décembre, à 5,2%. La hausse des tarifs d'énergie contamine toute l'économie, tandis que des hausses sensibles des salaires, pour combler les pertes de pouvoir d'achat, sont attendues cette année.

Côté bonnes surprises, des indicateurs récents apaisent les craintes pour l'économie européenne, qui pourrait échapper cet hiver à une récession pourtant jugée inévitable il y a peu.

Grâce à une amélioration des chaînes d'approvisionnement, la réouverture de la Chine après les restrictions sanitaires et les aides gouvernementales en zone euro, l'activité s'est reprise en janvier après six mois de contraction, selon le dernier indice PMI de S&P Global.

Engagement de décembre

Entre résilience de l'économie et persistance de l'inflation sous-jacente, Christine Lagarde "n'a pas d'autre choix que de réaffirmer", lors de la politique monétaire de jeudi, "son engagement du mois de décembre à délivrer une hausse de taux de 0,5 point de pourcentage, qui devrait se poursuivre au mois de mars", déclare à l'AFP Frederik Ducrozet, chef économiste chez Pictet.

Cette nouvelle hausse portera le taux rémunérant les liquidités bancaires non distribuées en crédit à 2,5% et celui sur les opérations de refinancement à court terme à 3,0%, au plus haut depuis novembre 2008.

"La raison d'une hausse des taux de 0,50 point est claire: le travail de la BCE est loin d'être terminé" pour faire baisser l'inflation, résume Carsten Brzeski, économiste chez ING.

A la Réserve fédérale américaine (Fed), plus avancée dans le cycle de resserrement monétaire, les responsables anticipent des hausses plus modestes de 25 points de pourcentage à l'issue de la réunion de cette semaine, puis en mars.

Les signes de récession se renforcent outre-Atlantique et l'inflation ralentit, laissant augurer de "baisses de taux plus tard dans l'année", croient les économistes d'ING.

La BCE devra, elle, augmenter ses taux "à un rythme soutenu" pour atteindre "des niveaux suffisamment restrictifs", c'est-à-dire pénalisants pour l'activité, et "y rester aussi longtemps que nécessaire" pour vaincre la forte inflation, a récemment prévenu Mme Lagarde.

La consommation se maintenant à haut niveau, l'institut voudra "suppléer l'absence de correction spontanée de la demande", élément clé pour le recul des prix, explique à l'AFP Gilles Moec, chef économiste chez Axa.

L'inflation comme boussole

Si la hausse des taux de 0,5 point jeudi ne fait aucun doute, "le principal sujet d'intérêt sera tout message sur la manière dont les taux augmenteront au-delà", selon Andrew Kenningham, chez Capital Economics.

Les avis en la matière divergent entre membres du conseil des gouverneurs de la BCE.

Parmi les "faucons" adeptes d'un cours monétaire restrictif, le président de la Banque fédérale d'Allemagne Joachim Nagel ne serait pas "surpris" si les taux d'intérêt poursuivaient leur remontée après mars, a-t-il déclaré au magazine Der Spiegel.

Chez les "colombes" prônant une approche plus souple, Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, s'est dit opposé à "toute orientation inconditionnelle" sur les taux au-delà de février.

Le rythme et le calendrier du resserrement monétaire après mars "dépendront de la conjoncture mondiale, entre ralentissement aux Etats-Unis et réouverture en Chine", conclut M. Ducrozet.

afp/jh