Le décrochage de 1,4% du yuan fait suite à la décision surprise du président Donald Trump, jeudi, d'imposer à compter du 1er septembre des droits de douane de 10% sur 300 milliards de dollars (270 milliards d'euros) d'importations chinoises jusqu'ici épargnées.

Cette annonce a de fait mis fin à la trêve que les deux pays respectaient depuis la fin juin dans leur conflit commercial.

La Banque populaire de Chine a donné le ton dès avant le début des échanges en fixant le taux pivot de la devise à 6,9225 pour un dollar, son plus bas niveau depuis décembre 2018.

"Le fixing a levé le dernier obstacle. La BPC a pleinement donné le feu vert à la dépréciation du yuan", dit Ken Cheung, stratège changes chez Mizuho Bank à Hong Kong.

Après avoir débuté la séance onshore à 6,9999 pour un dollar, le yuan a rapidement cassé la barre de 7,0 et s'inscrivait vers 05h00 GMT à 7,0300, en baisse de 1,25%, après avoir perdu jusqu'à 1,4%.

Le seuil des 7,00 pour un dollar n'avait plus été enfoncé depuis le 9 mai 2008.

Jusqu'ici, la BPC avait pris garde de contenir le niveau du yuan afin de ne pas faire dérailler les négociations commerciales avec les Etats-Unis, pense Julian Evans-Pritchard, économiste pour la Chine chez Capital Economics.

"Le fait qu'ils aient cessé de défendre le seuil de 7,00 pour un dollar montre qu'ils ont pour ainsi dire abandonné tout espoir d'un accord commercial avec les Etats-Unis", ajoute-t-il.

UNE ARME DANS LA GUERRE COMMERCIALE ?

La BPC a livré peu de détails sur ses intentions. Dans un communiqué publiée lundi, la banque centrale établit un lien en la faiblesse de la devise et les retombées de la guerre commerciale, mais elle ajoute que les fluctuations du yuan dans les deux sens sont normales et dit qu'elle n'a pas de raison de modifier sa politique.

"Sous l'influence de facteurs comme l'unilatéralisme, les mesures commerciales protectionnistes et l'anticipation de tarifs douaniers contre la Chine, le yuan s'est déprécié face au dollar aujourd'hui, franchissant le seuil de sept yuans pour un dollar", a déclaré la BPC.

La faiblesse de la devise n'est pas limitée au marché onshore, contrôlé par les autorités. Le yuan offshore a aussi cédé du terrain, touchant un plus bas record de 7,1094 pour un dollar avant de revenir à 7,0840 vers 5h00 GMT.

Avec le regain de tension dans le conflit commercial, les investisseurs se demandent si la Chine ne va pas laisser filer plus encore sa devise pour défendre ses exportateurs.

"Avec de nouveaux tarifs douaniers à venir, la BPC va probablement appuyer sur la détente pour soutenir la croissance", dit Frances Cheung, responsable de la stratégie macro pour l'Asie chez Westpac à Singapour.

Les autorités avaient jusqu'ici freiné la dépréciation de la devise pour prévenir des fuites de capitaux.

En 2015, la Chine avait ébranlé les marchés financiers en dévaluant le yuan de 2% en réponse au ralentissement de son économie. Elle avait alors puisé plus de 1.000 milliards de dollars dans ses réserves pour stabiliser sa devise.

Le franchissement de la barre des sept pour un dollar pourrait encore durcir le conflit entre Washington et Pékin. Donald Trump accuse depuis longtemps la Chine de manipuler sa devise pour en tirer un avantage commercial et le lien qu'a établi lundi la BPC entre la baisse du yuan et l'annonce de nouveaux droits de douane a toutes les chances de déclencher de nouveaux accès de colère du président américain, dit Julian Evans-Pritchard.

Zhang Yi, chef économiste chez Zhonghai Shengrong Capital Management à Pékin, voit le yuan s'installer durablement à plus de sept pour un dollar. "A court terme, le niveau du yuan dépendra pour une large part de l'économie chinoise, estime-t-il. "Si la croissance économique se stabilise, le yuan pourrait rester autour de 7,2 ou 7,3".

(avec les contributions de Luoyan Liu à Shanghai, Noah Sin à Hong Kong et Stella Qiu à Pékin, Véronique Tison pour le service français)

par Andrew Galbraith et Winni Zhou