Les statistiques de la Fédération nationale des agents immobiliers (NAR) de février, qui seront publiées vendredi, devraient confirmer ces anticipations d'un redressement de ventes de logements existants par rapport à leur plus bas de plus de trois ans touché au mois de janvier.

"La marché s'est fait très peur, mais aujourd'hui on peut attendre une petite amélioration", dit Christophe Barraud, chef économiste et stratège de Market Securities, qui table sur une progression de 9,9% des ventes dans l'ancien en février, une prévision nettement supérieure au consensus qui ressort à +3,2%.

Les promesses de ventes de janvier, annoncées fin février, ont déjà montré les premiers signes d'une amélioration du marché avec une hausse bien plus forte que prévu, de 4,6%.

Ce rebond attendu, accentué par les effets négatifs en décembre et janvier de la vague de froid et de la fermeture partielle ("shutdown") du gouvernement américain, porterait les reventes de logements en février à 5,43 millions, selon l'estimation de Market Securities, un chiffre qui reste en net retrait par rapport au pic de 7,25 millions de septembre 2005.

Les prix immobiliers ont certes repris encore quelque 30% sur les pics de 2007, au plus fort de la bulle immobilière et financière, mais l'activité n'a jamais retrouvé son dynamisme d'avant la crise des "subprimes", qui a durablement écarté la classe moyenne de l'accession à la propriété.

La part de la population américaine propriétaire de son logement est tombée à un point bas de 62,9% en 2017, alors qu'elle avait atteint un pic de 69,5% avant la crise.

"En sortant de la crise de 2008, on savait que l'achat de logements allait souffrir pendant longtemps. Il y a eu une remontée des prix mais avec une baisse régulière du nombre de propriétaires jusqu'en 2017. Depuis, les choses vont un tout petit peu mieux. On est remonté à près de 65% en début d'année", souligne l'économiste Véronique Riches-Flores de VRF Research.

Cette tendance a été accentuée par une hausse des prix des logements au moins deux fois plus rapide que les salaires depuis 2015, leur rythme n'ayant commencé à ralentir que récemment, après un pic de 6,7% en rythme annuel atteint en mars 2018.

La hausse des prix selon l'indice Case-Shiller est retombée à 4,2% en février à la faveur d'une reprise de l'offre et d'un assouplissement en mai 2018 de la réglementation bancaire.

EFFET DE CISEAUX EN 2018

Dans ce marché désormais dominé par les investisseurs institutionnels et particuliers, des acteurs particulièrement sensibles aux conditions de crédit, l'envolée des taux d'intérêt dans un contexte de normalisation de la politique monétaire a donné un sérieux coup de frein à la demande de logements.

"On a eu un peu un effet de ciseaux entre d'un côté le ralentissement de l'économie et de l'autre (...) la hausse des taux d'intérêt à la fin de 2018", résume Christophe Barraud.

Mais à l'inverse, la détente observée sur les taux du crédit immobilier, retombés à 4,22% depuis que la Fed a commencé à annoncer une pause dans son cycle de relèvement des taux d'intérêt - contre un pic de 4,80% mi-novembre - a rapidement relancé la demande de crédit immobilier et stabilisé le marché.

Optimiste, l'économiste de Market Securities table sur une modeste reprise du marché immobilier sur l'ensemble de l'année.

"En 2018, il a fallu absorber l'impact négatif de la réforme fiscale, l'immobilier ayant été le secteur sacrifié de la réforme. Mais le marché immobilier dans sa totalité devrait être meilleur en 2019 qu'en 2018", dit-il, tout en précisant que la contribution du secteur à la croissance économique sera limitée.

Il prévoit une croissance du PIB américain de 2,2% cette année, contre 2,9% l'an dernier, tout en rappelant que l'investissement résidentiel ne représente plus qu'environ 5% du PIB aujourd'hui, contre 70% pour la consommation.

Au-delà des taux, il note que les nouvelles sur le front de l'emploi aux Etats-Unis sont plutôt un élément de soutien du marché, avec certes un ralentissement du rythme de créations d'emplois mais une accélération de la hausse des salaires.

Cette reprise de confiance dans l'immobilier se reflète aussi bien dans l'indice des promoteurs de logements (NAHB) qui est passé de 56 en décembre à 62 en février, que dans la performance de l'ETF ishare US home construction (ITBUS) qui a pris 15% depuis le début de l'année.

RESPIRATION DANS UNE TENDANCE BAISSIÈRE

Véronique Riches-Florès pense aussi que le marché devrait afficher un léger mieux, mais il sera modeste et sans lendemain.

"On pourrait avoir une respiration dans une tendance qui ne peut rester que baissière, avec un deuxième trimestre qui donnera l'impression d'être entré dans une phase de reprise qui permettra à nouveau à l'administration Trump de claironner sur la bonne santé de l'économie américaine", dit-elle.

Avec des prix et des loyers à des niveaux "exorbitants", non seulement les ménages ne peuvent plus acheter mais la capacité des investisseurs à conserver des rendements suffisants est faible, et seuls les taux bas entretiennent l'activité.

"Le marché est complètement à bout de souffle. Mais pour autant il n'est pas menacé d'un effondrement tant que les taux ne bougent pas", dit-elle, ajoutant que dans ce contexte, l'immobilier est devenu une variable à peu près neutre pour la croissance et la hausse des prix.

L'économiste de VRF Research rejoint sur ce point Lawrence Yun, chef économiste de l'association des promoteurs immobiliers (NAR), qui a récemment souligné qu'après une dizaine d'années de hausse de prix du logement nettement plus forte que les salaires, les logements sont inabordables pour les ménages, ce qui limite toute nouvelle augmentation dans les années à venir.

(édité par Blandine Hénault)

par Juliette Rouillon