Qu'on se le dise, le mot du jour est "pause", il tapisse les dépêches et les articles financiers. Je me devais donc de l'écrire. La banque centrale américaine a relevé hier soir ses taux d'un quart de point comme c'était prévu, tout en assouplissant son discours… comme c'était prévu. Manifestement tout cela était tellement anticipé que les marchés actions ont trouvé ça assez fadasse, mais j'y reviendrai un peu plus loin. Donc pour résumer les enseignements de la veille au soir : hausse de taux des Fed Funds dans la fourchette 5 à 5,25% et pause dans le resserrement monétaire.

Précisément, la Fed a dit (accrochez vous) "pour déterminer dans quelle mesure un raffermissement supplémentaire de la politique monétaire pourrait être approprié pour ramener l'inflation à 2% en temps utile, le Comité prendra en compte le resserrement cumulatif de la politique monétaire, les retards avec lesquels la politique monétaire affecte l'activité économique et l'inflation, ainsi que les développements économiques et financiers". Dans cette phrase abominable, il faut surtout retenir l'expression "en temps utile", que les marchés ont immédiatement traduit en "pause". En réalité, ils sont même allés plus loin. Ils ont traduit cette faconde par : youpi, le cycle de resserrement monétaire qui a démarré l'année dernière est terminé, finito, dead, enterré, plié. Les contrats à terme montrent que le marché est même majoritairement (d'une courte tête, 50,7%) en train d'anticiper une baisse de taux d'un quart de point lors de la réunion prévue les 25 et 26 juillet. Et même trois autres baisses d'ici janvier prochain. Donc le mot "pause" lui-même est peut être déjà obsolète. Pour la faire courte, un pan du marché a l'air de penser tenir son fameux "pivot", c'est à dire le point de bascule entre une politique monétaire restrictive et une politique monétaire accommodante.

Sauf, sauf, sauf, que la fiesta n'a pas eu lieu. Dans une sorte de dysphorie post-coïtale, les marchés actions américains ont perdu du terrain hier après le discours de Jerome Powell. Pas de grosses baisses, mais des replis de 0,6% à 0,8% pour le Nasdaq, le S&P et le Dow Jones. Comme d'habitude, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives et j'écris souvent qu'il faut que la poussière retombe autour de ces événements pour en saisir la substantifique moelle. Ce n'est pas différent cette fois. Le marché obligataire, notoirement plus raisonnable que le marché action comme le souligne régulièrement mon collègue Yves Sanquer, a réagi de façon visiblement plus rationnelle : le rendement de l'obligation US à 10 ans a reculé de quelques points à 3,34%. Il ne croit pas encore à une baisse de taux. Powell a souligné hier que le combat contre l'inflation n'est pas encore gagné et qu'un raffermissement supplémentaire de la politique monétaire pourrait être justifié. Au final, la baisse des actions et la modération des rendements obligataires laisse penser que le marché a eu la bonne réaction. Ce sont les contrats à terme qui sont dissonants pour le moment.

L'autre truc qui chiffonne les investisseurs, c'est l'hémorragie qui continue dans le secteur bancaire américain. Après la cautérisation de la plaie First Republic par les autorités et JPMorgan Chase, la nouvelle blessure s'appelle Pacwest Bancorp, une banque de Los Angeles qui a perdu 80% de sa valeur en trois mois et qui, à l'heure où j'écris, plonge de 50% de plus après avoir annoncé cette nuit examiner ses options de sauvetage. J'ai l'impression qu'il n'y aura bientôt plus une seule banque en Californie. Pacwest reste un petit acteur, mais de plus gros poissons poursuivent leur glissade. Comerica, Zions et Truist, dont je parlais hier, ont continué à reculer sur la séance. C'est d'ailleurs une partie de l'explication du décalage entre les contrats à terme et le reste du marché : certains financiers pensent que la Fed sera forcée d'alléger la pression à court terme pour stabiliser le secteur bancaire.

Toute cette actualité américaine éclipse un peu les autres échéances du jour. Plus tôt, l'indice PMI Caixin manufacturier chinois a confirmé que l'ancien empire du milieu a du mal à redémarrer : il est en zone de contraction en avril. En début d'après-midi, la Banque centrale européenne va, à son tour, se prononcer sur ses taux directeurs. Le pari central est une hausse de taux de 25 points de base là aussi, conforté par une lecture d'inflation d'avril un peu plus élevée que prévu.

Côté sociétés, la journée de jeudi est traditionnellement la plus embouteillée de la semaine durant les saisons de résultats, et ce 4 mai ne déroge pas à la règle. En Europe, Novo Nordisk, Shell, Anheuser-Busch Inbev, Equinor, Volkswagen, BMW, Infineon, AP Moller Maersk, Henkel, Legrand, ArcelorMittal et bien d'autres publient leurs comptes trimestriels. Aux Etats-Unis, c'est la star Apple que les investisseurs attendent, mais ce sera après la clôture. Hier soir, Qualcomm (-6,5% hors séance) a confirmé que les perspectives du secteur des smartphones et plus globalement des semiconducteurs sont moins florissantes actuellement.

En Asie Pacifique, Tokyo est toujours en vacances, pendant que Hong Kong s'offre une hausse de 1%. La Corée et l'Inde évoluent autour de l'équilibre, en baisse à Séoul et en hausse à Bombay. La volatilité retombe en Australie où l'ASX termine en baisse de 0,06%. Les indicateurs avancés européens sont légèrement baissiers, alors que Paris, Francfort ou Londres avaient clôturé en hausse hier dans l'attente de l'annonce de la Fed. Le CAC40 démarre la séance en baisse de 0,4% à 7377 points.

Les temps forts économiques du jour

Les versions affinées des indicateurs PMI des services d'avril dans les grandes économies sont attendus tout au long de la journée. Aux Etats-Unis, l'étude Challenger sur les licenciements (14h15) sera suivie des inscriptions hebdomadaires au chômage (14h30). Tout l'agenda ici. Cette nuit, la banque centrale brésilienne a laissé son principal taux directeur inchangé à 13,75%.

L'euro remonte à 1,1026 USD. L'once d'or rebondit à 2017 USD. Le pétrole connaît un nouveau trou d'air, avec un Brent de Mer du Nord à 75,33 USD le baril et un brut léger américain WTI à 71,58 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans chute de 14 points à 3,41%. Le bitcoin s'échange autour de 28 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Beiersdorf : Bernstein passe de surperformance à performance de marché.
  • BNP Paribas : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 89 à 86 EUR.
  • Clasquin : Portzamparc reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 82 à 85 EUR.
  • Coca-Cola Hellenic : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 2800 à 3000 GBp.
  • Deutsche Bank : Citigroup passe de neutre à acheter en visant 13,50 EUR.
  • Flutter : Wells Fargo passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 16 600 GBp.
  • Iberdrola : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 12 EUR.
  • L'Oréal : Bernstein passe de surperformance à performance de marché.
  • Metso : Inderes passe d'alléger à accumuler en visant 11,50 EUR.
  • Straumann Credit Suisse reste à surperformance avec un objectif de cours relevé de 140 à 150 CHF.
  • Teleperformance : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 240 EUR.
  • Trigano, Equasens et Lacroix rejoignent la liste "High Five" de Portzamparc pour mai, à la place de Seb, LDC et Hydrogen Refueling Solutions. Akwel et Spie restent en place.
  • Unicredit : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 25 à 27,50 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Airbus : les objectifs 2023 sont confirmés, après une net recul du bénéfice net au T1.
  • ArcelorMittal : réitère ses objectifs 2023 après des signes d'amélioration au 1er trimestre.
  • Capgemini : pour 2023, la croissance du chiffre d'affaires devrait se situer entre 4% et 7% à taux de change constant.
  • Casino : hausse de 1% du chiffres d'affaires au T1.
  • Legrand : confirme ses objectifs à l'issue du 1er trimestre.
  • Technip Energies : confirme ses objectifs 2023 après un 1er trimestre pénalisé par la Russie.
  • Veolia : confirme ses objectifs 2023 après un forte croissance au premier trimestre.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Adecco : chiffre d'affaires supérieur aux attentes au T1 avec l'activité reconversion.
  • Anheuser-Busch Inbev : dépasse les attentes en matière de bénéfices grâce à l'impact de la hausse des prix.
  • AP Moller Maersk : maintient ses prévisions pour l'ensemble de l'année malgré la baisse des volumes de conteneurs.
  • Equinor : hausse du bénéfice net attribuable au premier trimestre, mais baisse du son chiffre d'affaires. Une programme de rachat d'actions est en vue.
  • Henkel : en 2023, la croissance organique des ventes est toujours attendue entre +1% et +3%, avec une évolution du BPA ajusté comprise entre -10% et +10% à taux de change constants.
  • Hugo Boss : relève ses prévisions de bénéfice d'exploitation après le T1.
  • Infineon : les prévisions sont relevées.
  • Leonardo : bénéfice trimestriel en berne, mais bond des commandes.
  • Novo Nordisk : dépasse les prévisions au premier trimestre.
  • Qualcomm : le titre perd 6,5% hors séance après la publication des trimestriels.
  • Shell : dépasse les attentes avec un bénéfice à 9,65 Mds$ au T1.
  • Solvay : relève ses objectifs pour 2023 après un Ebitda supérieur aux attentes au T1.
  • Swisscom : baisse du bénéfice net au premier trimestre et chiffre d'affaires inchangé.
  • Volkswagen : confirme ses projections 2023 après une hausse de 22% de ses revenus au T1.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Vodafone et CK Hutchinson serait proche d'un accord dans le mobile au Royaume-Uni sur la base d'une valeur de 15 Mds£, selon le Financial Times.
  • Kenvue la filiale que Johnson & Johnson veut introduire en bourse, le serait sur la base d'un prix de 22 USD par action.
  • Aux dernières rumeurs, la banque régionale Pacwest a été approché par des investisseurs potentiels. Le titre a continué à sombrer hier en bourse.
  • Option Care va racheter Amedisys pour 3,6 Mds$.
  • Les actionnaires d'Unilever rejettent le rapport de rémunération lors de l'assemblée générale annuelle.
  • Apollo et d'autres sociétés de capital-investissement seraient proches d'un rachat d'Arconic à 30 USD par action, selon le Wall Street Journal.
  • Estée Lauder à la dérive hier en bourse après des prévisions 2023 réduites.
  • Vonovia vend cinq biens immobiliers pour 560 M€.
  • Nel va construire une nouvelle usine d'électrolyseurs dans le Michigan, aux Etats-Unis.
  • Le vaccin contre le VRS de GSK pour les personnes âgées décroche le feu vert de la FDA américaine.
  • EQT envisage l'introduction en bourse de la société italienne de matériel médical LimaCorporate.
  • BMW lance un programme de rachat d'actions de 2 Mds€.
  • Les principales publications du jour : Apple, Novo Nordisk, Shell, Anheuser-Busch Inbev, ConocoPhillips, Booking, Equinor, Volkswagen, Zoetis, BMW, Shopify, Moderna, Infineon, AP Moller Maersk, Henkel, Legrand, ArcelorMittal, ArgenXTout l'agenda ici.

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