(Actualisé avec déclarations de Barkin)

par Trevor Hunnicutt

NEW YORK, 25 juin (Reuters) - Plusieurs responsables de la Réserve fédérale américaine se sont employés mardi à modérer à la fois les espoirs des investisseurs et les pressions du président Donald Trump en laissant entendre qu'une baisse de taux d'intérêt d'un demi-point de pourcentage le mois prochain pourrait ne pas se justifier.

Le président de la banque centrale, Jerome Powell, a profité d'une conférence organisée à New York par le Council of Foreign Relations pour défendre l'indépendance de l'institution face à la Maison blanche comme aux marchés financiers, qui semblent attendre une politique offensive de baisse des taux.

"La Fed est isolée des pressions politiques à court terme - ce que l'on appelle souvent notre 'indépendance'", a-t-il déclaré.

Interrogé ensuite sur le risque de décevoir les marchés en ne baissant pas les taux autant qu'attendu, il a répondu: "Notre métier ne consiste vraiment pas à essayer de naviguer au gré des mouvements de court terme de la finance. Nous devons regarder plus loin."

Mais il a reconnu que ses collègues et lui-même s'interrogeaient sur le fait de savoir si les incertitudes liées aux barrières douanières érigées par les Etats-Unis, aux différends entre Washington et plusieurs de ses grands partenaires commerciaux et à la faiblesse de l'inflation justifiaient une baisse des taux.

De son côté, James Bullard, le président de la Fed de St. Louis, a déclaré qu'il ne pensait pas que la situation économique aux Etats-Unis justifie une baisse d'un demi-point de pourcentage lors de la prochaine réunion de politique monétaire, fin juillet, même s'il a plaidé en vain pour une baisse de taux dès la semaine dernière.

BULLARD CONTRE UNE BAISSE D'UN DEMI-POINT EN JUILLET

"Dans l'immédiat, je crois que 50 points de base serait excessif", a-t-il dit à Bloomberg Television. "Je ne pense pas que la situation exige vraiment cela, mais je serais prêt à partir sur 25 (points de base)."

Lors de sa réunion de politique monétaire des 18 et 19 juin, la Fed a laissé ses taux directeurs inchangés tout en ouvrant la voie à de possibles baisses d'ici la fin de l'année.

James Bullard a alors exprimé son désaccord avec le statu quo en arguant du fait que la faiblesse de l'inflation et les incertitudes entourant les perspectives de croissance économique justifiaient une baisse de taux.

"On a subi un double revers", résume Art Hogan, responsable de la stratégie de marché de National Securities à New York. "Powell a lancé une mise en garde contre le risque de céder aux intérêts politiques de court terme et Bullard, qui est une voix dissonante, a dit que 50 points de base, ce serait trop."

"Tout le monde avait l'impression que le ton de la réunion de juin était tellement 'colombe' que la réunion de juillet était jouée d'avance mais ce n'est pas le cas."

Le président de la Fed de Richmond, Thomas Barkin, a déclaré quant à lui qu'il y avait un risque de récession aux Etats-Unis mais, à la question de avoir si une baisse de taux était nécessaire, il a répondu: "Je ne sais pas".

Les marchés anticipent toujours une baisse de taux en juillet mais la probabilité estimée de voir la Fed aller jusqu'à réduire l'objectif de taux des "fed funds" de 50 points de base a été revue à la baisse mardi au vu de l'évolution des contrats à terme.

POWELL DÉFEND L'INDÉPENDANCE DE LA FED

Le comité de politique monétaire de la Fed se réunira les 30 et 31 juillet et d'ici-là, ses membres en sauront plus sur l'évolution des discussions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine mais aussi sur l'impact de ce dossier sur la croissance et l'emploi aux Etats-Unis.

Jerome Powell a déclaré que les droits de douane en eux-mêmes n'avaient pas encore eu de conséquences graves sur l'économie américaine, dont les perspectives de croissance restent solides, mais il a ajouté que les tensions commerciales pourraient pénaliser les marchés et donc saper la confiance.

La Fed craint aussi une dégradation des anticipations d'inflation, la hausse des prix restant durablement éloignée de son objectif, fixé à 2% par an. Un tel scénario freinerait les dépenses des ménages et l'investissement des entreprises, au risque de l'obliger à ramener le taux des "fed funds" à zéro, contre 2,25%-2,50% aujourd'hui.

Jerome Powell doit par ailleurs se défendre congre les attaques répétées de Donald Trump, qui l'a pourtant nommé à la tête de la Fed fin 2017.

Le président, qui a réaffirmé le week-end dernier qu'il avait le pouvoir de limoger Jerome Powell, a jugé lundi sur Twitter que la Fed "ne savait pas ce qu'elle faisait" et qu'elle avait relevé trop vite ses taux.

Selon un haut responsable de son administration, Donald Trump juge que le dollar est trop fort et l'euro trop faible, une situation qui pourrait selon lui être corrigée par une baisse des taux.

Ce responsable a précisé que la Maison blanche n'avait pas l'intention de limoger le président de la Fed.

Le Congrès a fait le choix d'isoler la Fed des pressions politiques "parce qu'il a vu les dommages qui surviennent souvent lorsque la politique se plie aux intérêts politiques à court terme" a dit Jerome Powell dans son discours mardi.

"Nous sommes humains. Nous ferons des erreurs. Pas trop souvent, je l'espère, mais nous ferons des erreurs. Mais nous ferons pas d'erreur d'intégrité ou de caractère."

(Avec Chuck Mikolajczak et Richard Leong à New York et Jeff Mason à Washington; Blandine Hénault et Marc Angrand pour le service français)