Washington (awp/afp) - La puissante Banque centrale américaine (Fed) ne semble à ce stade pas encline à prendre de mesures d'urgence pour protéger l'économie américaine, et par ricochet l'économie mondiale, des effets du nouveau coronavirus, malgré des pressions croissantes.

"Une baisse des taux supplémentaire est une possibilité si une épidémie mondiale se développe réellement. (...) Mais ce n'est pas le scénario privilégié à ce stade" par la Réserve fédérale, a déclaré vendredi le président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard.

La veille, le président de la Fed de Chicago Charles Evans avait jugé "prématuré, avant que nous n'ayons plus de chiffres et une idée des prévisions (économiques), de penser à une action de politique monétaire".

Si ces deux responsables sont écoutés, ils ne font pas partie actuellement des 12 membres votants du Comité monétaire.

Jerome Powell, le patron de la Fed ne s'est pas exprimé.

L'institution qu'il dirige a entamé en décembre une pause, laissant ses taux entre 1,50 et 1,75% après trois baisses. Et son président Jerome Powell semblait enclin à en rester là pour un moment.

Mais le nouveau coronavirus, qui s'est propagé plus rapidement cette semaine, pourrait changer la donne, alors que la panique a même gagné les places boursières: Wall Street connaît sa pire semaine depuis la crise financière de 2008, et les investisseurs se tournent vers des valeurs sûres, comme la dette américaine qui a atteint des niveaux historiquement bas.

Résultat, tous les marchés parient sur une baisse des taux lors de la prochaine réunion de la Fed les 17 et 18 mars, là où quelques jours auparavant ils n'en voyaient aucune à l'horizon.

"La Fed a une marge de manoeuvre", les taux d'intérêt étant plus élevés aux Etats-Unis qu'en Europe, estime l'ancienne présidente de la Fed Janet Yellen.

"Ça ne va pas tout régler mais cela soutiendra un peu les dépenses des consommateurs, l'économie américaine et les marchés financiers", a-t-elle indiqué mercredi dans le Michigan, n'écartant pas un risque de récession après 11 ans de croissance.

Antidote à la récession

"La Réserve fédérale devrait mener les Banques centrales mondiales à agir immédiatement", affirmait même Kevin Warsh, un ancien gouverneur de la Fed, dans le Wall Street Journal mercredi.

Selon lui, la Fed "devrait annoncer une réduction des taux d'un quart de point de pourcentage et indiquer clairement qu'elle est disposée à une action ultérieure", mais aussi "encourager les autres Banques centrales" à prendre de telles mesures.

Dans l'immédiat, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, a prévenu vendredi que la croissance mondiale et celle du Royaume-Uni devraient ralentir, tandis que la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde a dit qu'elle surveillait "très attentivement" les répercussions de l'épidémie mais ne constatait pour l'heure aucun "choc durable" sur l'activité et l'inflation.

Baisser les taux d'intérêt serait donc un antidote à une éventuelle récession ?

Rendre le crédit moins cher permet d'encourager la consommation pour soutenir ou relancer l'économie, ce qui a été utilisé jusqu'à ses limites par les Banques centrales pendant la crise financière de 2008.

Aux Etats-Unis, la consommation des ménages représente, à elle seule, 70% du PIB.

Donald Trump, en campagne pour sa réélection, réclame depuis des mois une telle baisse, et a relancé les hostilités mercredi: "Nous devrions payer des taux d'intérêts moins élevés".

Il a également admis que l'épidémie empêcherait sans doute la croissance américaine d'atteindre 3% en 2020, comme il l'avait promis. Or, une économie bien plus gaillarde que celle des autres grands pays industrialisés est son grand argument pour rester quatre ans de plus à la Maison Blanche.

"L'inquiétude est que M. Powell panique de nouveau et utilise son outil du dernier ressort, l'abaissement des taux d'intérêt", craint l'économiste Joel Naroff.

Car des taux d'intérêts bas laissent moins de marge de manoeuvre aux Banques centrales pour soutenir la croissance en cas de ralentissement économique.

Demander à la Fed de réagir "est une sorte de pensée magique", assure l'économiste James Grant, interrogé jeudi sur CNBC, déplorant, à chaque nouveau cycle économique, "plus de crédit, plus d'infusion de crédit, plus de fragilité".

afp/rp