WASHINGTON (Reuters) - La Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé mercredi qu'elle tablait désormais sur une première hausse des taux d'intérêt dès 2023 et qu'elle avait amorcé le débat sur la réduction à venir de ses achats d'obligations sur les marchés.

Prenant acte de l'amélioration de la situation sanitaire et des progrès de la vaccination contre le COVID-19, la banque centrale des Etats-Unis a retiré de son communiqué de politique monétaire la référence au frein que représente la pandémie pour la croissance.

Son président, Jerome Powell, a déclaré lors d'une conférence de presse en ligne que les dirigeants de la Fed avaient commencé à "parler de parler" de la réduction progressive du montant des achats de titres, qui reste pour l'instant fixé à 120 milliards de dollars (99 milliards d'euros) par mois.

Le lancement de ce processus dit de "tapering", qui constitue l'une des principales préoccupations des marchés financiers en raison de son impact potentiel sur les taux et la valorisation des actions, reste conditionné à "des progrès supplémentaires substantiels" vers les objectifs de la Fed en matière d'inflation et de plein emploi, a-t-il souligné.

"Au cours de prochaines réunions, le comité continuera d'évaluer les progrès de l'économie vers nos objectifs", a dit Jerome Powell, qui s'est refusé à donner des indications supplémentaires sur le calendrier des futures évolutions de la politique monétaire.

Il a assuré à plusieurs reprises que la banque centrale signalerait suffisamment à l'avance qu'elle se prépare à modifier le rythme de ses achats.

PRÉVISIONS DE CROISSANCE ET D'INFLATION REVUES EN HAUSSE

Les nouvelles projections des responsables de la Fed en matière de taux d'intérêt, les "dot plots", montrent que 11 d'entre eux sur 18 prévoient désormais au moins deux hausses de taux d'un quart de point de pourcentage en 2023, même s'ils s'engagent à maintenir pour l'instant les mesures de soutien afin d'encourager la reprise du marché du travail.

Les dirigeants de la Fed prévoyaient auparavant le début de la hausse des taux pour 2024.

Les nouvelles projections de taux, conjuguées aux prévisions économiques qui incluent trois ans d'inflation supérieure à l'objectif de 2% que s'est fixé la Fed, suggèrent que les craintes d'une surchauffe de l'économie ont nettement augmenté chez les responsables de la politique monétaire.

"Les progrès de la vaccination ont réduit la propagation du COVID-19 aux Etats-Unis", constate le communiqué du Federal Open Market Committee (FOMC), une phrase qui marque un tournant puisque la banque centrale conditionnait depuis 14 mois toute évolution de sa politique monétaire à la fin de l'épidémie.

Pour l'instant, l'objectif de taux des fonds fédéraux ("fed funds") reste fixé entre zéro et 0,25%, son plus bas niveau historique.

Mais les nouvelles prévisions suggèrent que la Fed s'attend à une reprise plus rapide qu'anticipé jusqu'alors: elle a notamment relevé sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis cette année à 7,0% contre 6,5% prévu en mars.

Les prévisions d'inflation ont elles aussi été revues à la hausse même si le FOMC continue de parler de phénomène "transitoire".

"Il faudrait avoir la tête solidement enfouie dans le sable pour ne pas remarquer que l'inflation s'accélère dans une bonne partie de l'économie américaine", commente Peter Tuz, président de Chase Investment Counsel.

"La Fed en a donc pris acte. Et la réaction des marchés au fait que la Fed prenne acte de la montée de l'inflation n'est pas non plus une surprise car désormais, on se demande si et quand elle va passer à l'action."

Sur les marchés, le communiqué de la Fed a eu pour principal effet une nette augmentation des rendements obligataires: celui des obligations du Trésor à dix ans est monté brièvement à plus de 1,59%, au plus haut depuis le 4 juin, avant de revenir à 1,5703% vers 19h45 GMT, contre moins de 1,49% avant l'annonce des décisions du FOMC.

Wall Street s'acheminait alors vers une clôture en baisse même si les indices réduisaient leurs pertes, l'indice Standard & Poor's 500 ne cédant plus que 0,37% après avoir abandonné jusqu'à plus de 1%.

Sur le marché des changes, le dollar, qui était stable avant le communiqué, gagnait 0,68% face aux autres grandes devises, faisant retomber l'euro à 1,2010, au plus bas depuis le 6 mai.

(Version française Marc Angrand, édité par Jean-Stéphane Brosse)

par Howard Schneider et Ann Saphir