Moscou (awp/afp) - Les autorités russes, entre fascination et méfiance face au phénomène des crypto-monnaies, ont effectué un premier pas vers une régulation des devises virtuelles en présentant un projet de loi visant à mieux contrôler leur production et leur utilisation.

Ce texte en cours d'élaboration "prévoit la définition du statut des technologies numériques utilisées dans la sphère financière (...) dont les crypto-monnaies", tout en réaffirmant que "le rouble est la seule et unique monnaie légale en Fédération de Russie", a indiqué le ministère des Finances dans un communiqué.

Le projet, qui doit être validé par le gouvernement puis soumis au Parlement, "permettra de réduire considérablement le risque de fraudes", assure le ministère. Il "contribuera à créer un régime fiscal transparent pour les opérations avec les crypto-monnaies, ce qui conduira à une augmentation des rentrées fiscales pour le budget".

Ce projet russe s'ajoute un nombre croissant d'initiatives dans le monde pour encadrer ce phénomène qui affole la planète financière comme le montre l'envolée du bitcoin en 2017 mais aussi sa violente rechute en début de cette année sous le coup d'indications d'un durcissement des autorités à l'égard des crypto-monnaies, notamment en Corée du Sud et en Chine.

De nombreux Russes, entrepreneurs ou particuliers, se sont convertis et sont devenus des "mineurs" qui produisent cette monnaie, ce qui nécessite de complexes opérations réalisées par de puissants ordinateurs.

Certains profitent des températures glaciales de certaines régions russes pour régler le problème de la chaleur dégagée par ces machines.

Longtemps méfiantes, les autorités russes ont commencé à plancher en octobre pour donner une première base légale aux monnaies virtuelles comme le bitcoin, qui attisent les convoitises en Russie.

Signe de la difficulté à mettre au point un tel cadre, le ministère des Finances fait état de désaccords avec la banque centrale, dont la position est plus restrictive.

Lors d'un forum économique mi-janvier à Moscou, le premier sous-gouverneur de la banque centrale Sergei Chvetsov, avait exprimé des inquiétudes sur "l'effet Viagra" des crypto-monnaies.

- 'EFFET VIAGRA'-

"Le Viagra a été inventé par hasard. Il s'agissait d'un sous-produit lié à la recherche sur un médicament pour les muscles du coeur. Le résultat s'est avéré très différent. Pour les crypto-monnaies, nous soupçonnons qu'une solution conçue comme un moyen de paiement (...) constitue en réalité une excellente plateforme pour une pyramide financière", un montage financier frauduleux, a-t-il déclaré.

Mais pour le ministère des Finances, étant donné la popularité des crypto-monnaies, une approche trop stricte encouragerait leur utilisation par l'économie parallèle et le financement du terrorisme.

Le projet de loi prévoit également un encadrement des levées de fonds en crypto-monnaies, appelées "Initial coin offerings" (ICO), en plein essor et surveillées de près par les régulateurs dans le monde.

Lors de ces opérations, plutôt que d'émettre des actions ou des obligations, un groupe crée sa propre monnaie virtuelle, sur le modèle du bitcoin, et lève des fonds en la vendant à des investisseurs qui payent avec d'autres devises virtuelles, ou depuis plus récemment avec des devises traditionnelles, régies par des banques centrales.

Selon une étude publiée fin 2017 par le cabinet Ernst & Young, la Russie arrive en troisième place après les Etats-Unis et la Chine comme pays ayant vu le plus de levées de fonds en crypto-monnaies entre 2015 et 2017.

Si leurs détracteurs mettent en avant les risques liés aux fluctuations rapides de leur valeur ou à l'absence de régulation, les monnaies virtuelles intéressent de plus en plus entreprises et particuliers en Russie.

Le président de Sberbank, la première banque de Russie, cité par les agences russes, a appelé en janvier à la prudence dans la régulation des crypto-monnaies "car il s'agit d'une grande technologie en développement, que personne n'est encore capable de comprendre".

Au mois de décembre, il avait affirmé dans une interview à la chaîne russe Rossiïa 24 que la Russie avait "le plus grand nombre de projets mis en oeuvre dans le domaine du blockchain, bien que tous encore au stade d'expérimentation. (...) Peut-être qu'en 2018 nous serons en mesure d'introduire des produits à large échelle".

afp/jh