BREST, Finistère (Reuters) - Les militaires suédois quitteront cette année la force Takuba qui regroupe des forces spéciales européennes au Sahel à l'initiative de la France, a annoncé vendredi la ministre suédoise des Affaires étrangères, son homologue français rappelant que ce départ avait été prévu lorsque Stockholm s'était engagé il y a deux ans.

"Nous avons d'ores et déjà décidé que nous quitterons cette année la force Takuba", a déclaré Ann Linde à la presse en marge de la réunion à Brest (Finistère) des ministres européens des Affaires étrangères.

"La question qui se pose est celle de savoir ce que nous allons faire avec la Minusma" (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), a-t-elle ajouté.

Le Parlement suédois avait approuvé en 2020 le déploiement de 150 membres des forces spéciales dans le cadre de l'opération Takuba et de 250 soldats supplémentaires au sein de la Minusma.

Takuba, qui rassemble à l'heure actuelle 14 pays, a vocation à prendre le relais de l'opération Barkhane au Sahel, dont le président français Emmanuel Macron a annoncé l'an dernier le désengagement progressif pour laisser la place à une coalition internationale.

Mais le rapprochement entre la junte qui a pris le pouvoir au Mali après deux coups d'Etat en 2020 et 2021, et la Russie, et davantage encore le déploiement de mercenaires russes du groupe Wagner, ont changé la donne.

"PAS UN DÉPART", DIT LE DRIAN

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a cependant assuré que le départ des Suédois de Takuba n'avait rien à voir avec la situation politique actuelle, puisque Stockholm n'avait signé qu'un bail de deux ans qui expire cette année - même s'il aurait pu être reconduit.

"Il n'y a pas de départ, il y a simplement l'application des enggements pris par la Suède à l'égard de la communauté internationale", a dit le chef de la diplomatie française pendant une conférence de presse de clôture de la réunion de Brest.

De source militaire française, on précise que des officiers suédois devraient rester engagés au sein de Takuba après le départ des forces spéciales scandinaves.

On reconnaît néanmoins à Paris que la volonté de la junte malienne de se maintenir quatre ou cinq ans de plus au pouvoir sans organiser d'élections et l'arrivée de Wagner interroge les alliés de la France sur la poursuite de leur engagement opérationnel.

"Nous savons désormais qu'il y a le groupe Wagner... et s'il gagne en influence, nous ne pourrons pas continuer à déployer un nombre important de soldats", a constaté Ann Linde. "Cela aura évidemment des conséquences."

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a annoncé jeudi que l'Union européenne s'apprêtait à imposer des sanctions au Mali pour accentuer la pression exercée sur la junte par la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), dont les pays ont imposé dimanche un embargo à leur voisin et rompu leurs relations diplomatiques.

(Reportage Ardee Napolitano à Brest et John Irish à Paris, version française Nicolas Delame et Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)

par Ardee Napolitano et John Irish