ZURICH, 7 mars (Reuters) - Les électeurs suisses ont approuvé dimanche par référendum l'interdiction de se dissimuler le visage, une proposition de l'extrême droite qui vise notamment, sans le dire explicitement, à prohiber le port du voile intégral dans l'espace public.

L'amendement de la constitution suisse a été adopté de justesse, dans une fourchette de 48,8 à 51,2% des voix, selon les résultats officiels provisoires.

La mesure ne mentionne pas directement l'islam et vise également à empêcher les manifestants de rue violents de porter des masques, mais les responsables politiques, les médias et les militants l'ont qualifiée d'interdiction de la burqa.

"En Suisse, notre tradition, c'est de montrer son visage. C'est l'expression de nos libertés fondamentales", a déclaré Walter Wobmann, président du comité référendaire et député de l'Union démocratique du centre, située à l'extrême droite de l'échiquier politique suisse, avant de voter.

La dissimulation du visage, a-t-il dit, est "un symbole de cet islam politique, extrême, qui prend une place de plus en plus importante en Europe et qui n'a pas la sienne en Suisse".

Le Conseil central des musulmans de Suisse a qualifié le vote de jour sombre pour la communauté.

"La décision d'aujourd'hui ouvre de vieilles blessures, élargit encore le principe de l'inégalité juridique et envoie un signal clair d'exclusion à la minorité musulmane", a-t-il déclaré en promettant de contester la mesure en justice et de mettre en place des collectes de fonds pour aider les femmes condamnées à des amendes.

La France a interdit le port du voile intégral en public en 2011 et le Danemark, l'Autriche, les Pays-Bas et la Bulgarie ont interdit totalement ou partiellement le port d'un masque facial en public.

Pratiquement personne en Suisse ne porte de burqa et seulement une trentaine de femmes portent le niqab, selon l'Université de Lucerne. Les musulmans représentent 5% de la population suisse de 8,6 millions de personnes, la plupart ayant des origines en Turquie, en Bosnie et au Kosovo.

Le gouvernement avait exhorté les gens à voter contre une interdiction.

"Après l'interdiction des minarets, une majorité d'électeurs suisses a de nouveau soutenu une initiative qui discrimine une seule communauté religieuse et suscite inutilement des craintes et des divisions", a déclaré Amnesty International.

"L'interdiction du voile n'est pas une mesure de libération des femmes, mais une politique symbolique dangereuse qui viole la liberté d'expression et de religion." (Michael Shields et John Revill; version française Nicolas Delame et Benjamin Mallet)