par Tuvan Gumrukcu et Polina Ivanova

ANKARA/MOSCOU, 15 février (Reuters) - La Turquie a nié samedi avoir bafoué l'accord de désescalade des violences concernant la province d'Idlib, située dans le nord-ouest de la Syrie, tel que le déclare la Russie, et a menacé de mener des représailles dans la région si les efforts diplomatiques sur le sujet avec Moscou échouaient.

La Turquie et la Russie, qui soutiennent des camps opposés dans la guerre en Syrie, ont signé en 2018, avec l'Iran, un accord servant à faire cesser les violences dans la région.

Mais leur fragile coopération a été mise à mal par des frappes gouvernementales syriennes qui ont entraîné la mort de treize soldats turcs au cours des deux dernières semaines.

La Turquie a précisé qu'elle userait de la force militaire pour faire reculer les forces syriennes à moins que ces dernières ne se retirent d'ici la fin du mois de février. Elle a ajouté qu'elle mènerait des représailles n'importe où en Syrie si un autre soldat turc était blessé.

Le président Turc Recep Tayyip Erdogan a discuté de la situation par téléphone avec son homologue russe Vladimir Poutine mercredi et avec le président américain Donald Trump samedi, mais rien ne laissait présager d'avancées sur le sujet.

La Russie, qui soutient le président syrien Bachar al Assad, a déclaré que la Turquie - qui contrôle 12 postes d'observation dans la région d'Idlib et soutient la rébellion - a aggravé la situation en envoyant ces derniers jours des renforts en troupes et en armes.

La Turquie rejette plutôt la faute sur la Syrie.

"Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce qui se passe chez notre voisin", a déclaré le vice-président turc Fuat Oktay sur la chaîne NTV. "La Turquie a pris ses responsabilités à Idlib".

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré samedi lors d'une conférence sur la sécurité à Munich que la Turquie souhaitait trouver une solution avec la Russie diplomatiquement. Mais, "si cela ne fonctionne pas, nous prendrons les mesures nécessaires", a-t-il ajouté.

La Turquie ne digère pas la prise par les forces syriennes de certains postes d'observation qui lui avaient été attribués dans l'accord de désescalade de 2018.

DES DISCUSSIONS EN COURS

"C'est impossible pour nous de rester silencieux sur cette action. Nous ferons ce qu'il faut contre eux", a déclaré Recep Tayyip Erdogan, cité par NTV, en revenant du Pakistan.

Le président Turc a également estimé que les déclarations américaines selon lesquelles les Etats-Unis soutenaient la Turquie n'inspiraient pas confiance.

Parlant à Istanbul un peu plus tard dans la journée de samedi, Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la Turquie repousserait les forces syriennes à moins que ces dernières ne se retirent derrière les frontières dessinées par Ankara et Moscou dans l'accord de 2018.

"Il faut que le régime syrien arrête les hostilités et se retire derrière les frontières de l'accord. Sinon nous nous en occuperons avant la fin du mois de février", a-t-il dit.

"Nous aimerions le faire avec le soutien de nos amis. Mais si nous devons le faire de façon plus musclée, nous le ferons", a-t-il ajouté, à l'adresse de ses alliés occidentaux.

"Tant que nous n'aurons pas libéré la Syrie des organisations terroristes et de la cruauté du régime syrien, nous ne serons pas en paix".

Malgré cette hausse de ton, les russes et les turcs maintiennent les discussions. Des délégations des deux pays se sont rencontrées à Ankara samedi et devaient encore se revoir à Moscou lundi.

Mevlut Cavusoglu a déclaré dans un tweet avoir eu "une réunion encourageante" avec son homologue russe, Sergei Lavrov, à Munich samedi.

Sergei Lavrov a, lui-aussi, dit que la Russie maintenait des liens forts avec la Turquie mais que les deux parties n'étaient pas toujours d'accord.

Cité par une agence de presse russe, Mevlut Cavusoglu a assuré que les différences d'opinion des deux pays sur la Syrie n'affecteraient pas le contrat d'acquisition par la Turquie de missiles russes de défense anti-aérien S-400, une opération qui a tendu les relations américano-turques.

L'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui rend compte du conflit en Syrie, a rapporté vendredi que la Turquie avait déployé environ 6.500 militaires et 1.900 véhicules de combat depuis début février pour renforcer ses unités déjà stationnées dans le nord-ouest de la Syrie. (avec Tom Perry et Umit Bektas, version française Caroline Pailliez)