par Andrew Torchia

LE CAIRE, 15 juillet (Reuters) - Le gouvernement intérimaire qui s'apprête à prendre ses fonctions en Egypte n'est pas pour déplaire au monde des affaires, qui aura désormais à faire à des hommes d'expérience dont la cohésion risque toutefois d'être rapidement mise à l'épreuve.

Ces derniers jours, plusieurs experts et autres économistes qualifiés ont fait leur entrée dans l'équipe chargée de remplacer l'administration du président Mohamed Morsi, déposé le 3 juillet par l'armée, dont l'intervention a exacerbé la polarisation de la société égyptienne.

Ce gouvernement semble mieux armé sur le plan économique que tous ceux qui ont été formés depuis la "révolution du Nil" et dont les membres ont plus souvent été choisis pour des raisons politiques que pour leurs compétences.

A elle seule, sa composition devrait permettre de restaurer la confiance des investisseurs et les convaincre que l'Egypte saura enrayer la dérive des finances publiques, le creusement du déficit commercial et l'inflation.

"Je pense qu'ils sont suffisamment intelligents pour faire face à la nouvelle situation sur le terrain", juge Mohamed Kotoub, directeur de la gestion d'actifs chez Naeem Financial Investments, au Caire.

Outre le rétablissement de la sécurité, poursuit-il, ils auront à coeur de promouvoir le tourisme et l'investissement étranger, deux chantiers jugés essentiels par un secteur privé insatisfait de l'action du précédent gouvernement dans ces domaines.

L'équipe sortante ne brillait pas par ses compétences en la matière. Deux des ministres des Finances de Mohamed Morsi étaient des universitaires spécialisés dans la finance islamique, domaine sans grand rapport avec l'économie réelle.

LA LANGUE DES INVESTISSEURS

Le dernier, Fayyad Abdel Moneïm, a ainsi consacré ses recherches aux "fonctionnaires des finances de l'Etat islamique à l'époque du Prophète et des califes vertueux".

Les gouvernements post-révolutionnaires, d'abord placés sous l'égide d'un conseil militaire impopulaire puis dominé ensuite par les Frères musulmans, ont par ailleurs eu du mal à s'attacher les services d'experts compétents, qui craignaient d'en être marqués durablement.

La nouvelle équipe semble avoir surmonté cette difficulté. Certains de ses membres sont ainsi capables de parler la même langue que les investisseurs locaux ou étrangers et d'autres ont l'expérience des arcanes bureaucratiques nécessaire pour mener à bien leur réformes.

Le Premier ministre par intérim Hazem el Beblaoui, qui est appelé à gouverner jusqu'à de nouvelles élections législatives prévues dans six mois, a dirigé pendant 12 ans l'Export Development Bank. Il a en outre été membre d'instances économiques régionales.

Ahmed Galal, nommé dimanche au ministère des Finances, est directeur général du Forum de recherches économiques du Caire et a travaillé 18 ans à la Banque mondiale.

Le vice-Premier ministre Ziad Bahaa el Din, membre du Parti social-démocrate (gauche), est titulaire d'un doctorat de droit des finances obtenu à la London School of Economics. Il a en outre dirigé l'agence égyptienne chargée des investissements publics entre 2004 et 2007.

Idéologie et marchandages n'ont toutefois pas été absents des tractations sur le composition d'un gouvernement intérimaire qui se devait d'être aussi ouvert que possible.

La diversité des sensibilités représentées au sein du gouvernement intérimaire vise à apaiser le mécontentement suscité par l'éviction de Mohamed Morsi, mais elle pourrait aussi donner lieu à des divergences sur les moyens à mettre en oeuvre pour sortir de la crise économique.

Achraf al Arabi, économiste formé aux Etats-Unis qui était ministre de la Planification dans le gouvernement Morsi, a ainsi été reconduit dans ses fonctions, malgré l'échec des négociations avec le Fonds monétaire international dont il était chargé.

Immédiatement après sa nomination, il a laissé planer l'hypothèse d'un désaccord au sein de l'exécutif en se prononçant contre une reprise rapide de ces discussions en raison des promesses d'aide des monarchies du Golfe. On ignore s'il s'agit d'une position officielle ou s'il parlait en son nom propre. (Avec Patrick Werr au Caire et Nadia Saleem à Dubaï, Jean-Philippe Lefief pour le service français)