Depuis des années, les opérateurs exhortent la Commission européenne à tenir compte de tous les paramètres lorsqu'elle doit examiner des projets de fusions qu'ils jugent nécessaires pour doper leurs revenus et donc leurs investissements, notamment dans la perspective du déploiement à venir de la nouvelle génération de téléphonie mobile 5G.

Comme le rapportait Reuters dès lundi, l'exécutif européen a approuvé mardi sans condition l'opération de Deutsche Telekom aux Pays-Bas en estimant qu'elle n'aurait pas d'impact significatif sur les prix et la qualité de service pour les consommateurs néerlandais.

Cette décision est perçue comme un signal positif, comme en témoigne la hausse depuis lundi de l'indice sectoriel européen des télécoms, mais le marché néerlandais présente des caractéristiques particulières, ce qui rend difficile une interprétation générale pour l'ensemble du secteur en Europe.

Ce dernier est confronté à un cadre contraignant depuis que Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, a bloqué en 2015 la fusion des activités de Telia et Telenor au Danemark et, un an plus tard, l'OPA de 10,3 milliards de livres (11,65 milliards d'euros) de CK Hutchison Holdings sur O2 en Grande-Bretagne.

La Commission jugeait alors qu'une réduction de quatre à trois du nombre d'opérateurs dans un pays entraînerait des hausses de prix, freinerait le développement des infrastructures de réseau et nuirait à l'innovation. Pour obtenir le feu vert à une fusion, les opérateurs ont donc souvent été contraints de renforcer un concurrent plus petit ou de favoriser l'émergence d'un nouvel acteur.

TELE2 MENAÇAIT DE FERMER SES ACTIVITÉS AUX PAYS-BAS

Une approche plus souple des autorités européennes serait certainement une bonne nouvelle pour le secteur, dit Ameet Patel, de Northern Trust Capital Markets.

"Si (et pour le moment, c'est toujours un si) il y a un changement en ce qui concerne la position de l'UE sur la consolidation des opérateurs télécoms, cela ne pourrait pas arriver à un meilleur moment, au regard des dépenses pour les fréquences sur la 5G et son déploiement", juge-t-il.

"Laisser cette consolidation se faire est une manière évidente d'inciter les opérateurs télécoms à investir suffisamment pour être en phase avec le basculement du monde vers la 5G", ajoute-t-il.

"Le marché cible qui vient immédiatement à l'esprit, c'est la France. Parmi les autres, on pourrait citer le Royaume-Uni, la Suisse et l'Espagne."

Dans une note, Barclays écrit pour sa part que l'Europe pourrait connaître une vague de fusions et acquisitions après l'accord entre Deutsche Telekom et Tele2.

"Cela pourrait amener certains acteurs plus petits sur plusieurs marchés où il existe quatre opérateurs de téléphonie mobile à envisager de nouveau une consolidation (Royaume-Uni, Espagne et Italie). La France est également un marché sur lequel une consolidation pourrait avoir lieu", pense la banque.

HSBC estime pour sa part qu'il convient de rester prudent car l'opération en cours aux Pays-Bas présente des caractéristiques qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs.

Société Générale invite également à la prudence en relevant que les arguments avancés par Tele2 concernant ses activités aux Pays-Bas pourraient ne pas être valables dans d'autres pays.

"La menace (de Tele2) de mettre un terme à ses activités pourrait avoir assoupli la position de l'UE puisque le nombre d'opérateurs serait inévitablement tombé à trois", écrit la banque française dans une note.

"Si cette décision (de l'UE) est liée sans la moindre équivoque à la non-viabilité des activités néerlandaises de Tele2, nous doutons que cela puisse avoir un impact sur le long terme sur les fondamentaux du secteur", poursuit la banque.

(Avec Julien Ponthus à Londres et Danilo Masoni à Milan; Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Foo Yun Chee