Plusieurs responsables de la banque centrale qui se sont exprimés ces derniers jours - avant la période de silence observée à l'approche de chaque réunion de politique monétaire - ont constaté que l'incertitude sur la politique commerciale américaine pénalisait les entreprises aux Etats-Unis.

Pour autant, à leurs yeux, l'opportunité de baisser les taux dépend avant tout de l'évolution de la consommation.

John Williams, le président de l'influence antenne de New York de la Fed, a déclaré mercredi que les dépenses de consommation étaient "solides" et que cette solidité était l'un des éléments permettant à l'économie de rester dans une situation "favorable".

Mais après le discours dans lequel figuraient ces observations, il a déclaré à des journalistes: "Je ne m'attends pas ce que les dépenses de consommation continuent de croître plus vite à l'avenir comme cela a été le cas."

Les dépenses de consommation des ménages aux Etats-Unis pèsent pour environ 70% de l'activité totale et au deuxième trimestre, elles ont continué d'augmenter alors que l'investissement des entreprises reculait.

La Fed est prête à "agir de manière appropriée" pour aider les Etats-Unis à éviter une crise économique, a aussi dit John Williams, reprenant l'adjectif employé le 23 août par le président de la banque centrale, Jerome Powell, dans son discours au symposium économique de Jackson Hole, qui a nourri les anticipations d'une baisse de taux de 25 points de base en septembre.

KAPLAN NE VEUT PAS ATTENDRE QUE LA CONSOMMATION BAISSE

Mais John Williams a également dit aux journalistes s'attendre à ce que la croissance américaine se situe entre 2,0% et 2,5% en 2019, donc au-dessus de son potentiel.

"Ça ne ressemble pas à quelqu'un qui est prêt à baisser les taux de 50 points de base", a écrit sur Twitter Carl Tannenbaum, économiste de Northern Trust.

Le président de la Fed de Boston, Eric Rosengren, qui s'est opposé à la baisse d'un quart de point décidée fin juillet, a déclaré pour sa part mardi qu'il ne voyait aucune raison de baisser les taux tant que la croissance se maintient autour de 2%.

Une heure après les déclarations de John Williams, le président de la Fed de Dallas, Robert Kaplan, a déclaré lors d'un déplacement à Toronto, au Canada, que la situation économique aux Etats-Unis était "mitigée" et qu'il surveillait l'impact des incertitudes liées au commerce international sur la consommation.

Il a précisé avoir abaissé ses prévisions de croissance pour cette année et n'a pas exclu de les réduire encore.

"Mon point de vue personnel, c'est que je vais évaluer les données qui arriveront jusqu'à la réunion pour me faire mon jugement sur ce que devrait être une action appropriée, si nécessaire, de notre part", a-t-il dit à des journalistes.

Si la Fed attend que les dépenses de consommation se dégradent avant d'agir, "il sera probablement trop tard", a ajouté Robert Kaplan.

Il a également expliqué qu'il prenait en compte le fait que l'objectif de taux des fonds fédéraux, à 2%-2,25%, dépassait les rendements de toutes les échéances des bons du Trésor, une anomalie susceptible de provoquer des distorsions.

LE LIVRE BEIGE DE LA FED DRESSE UN TABLEAU MITIGÉ

Le président de la Fed de St. Louis, James Bullard, avait déclaré mardi que cette déconnexion était l'une des raisons pour lesquelles il était favorable à une baisse de taux de 50 points de base le 18 septembre.

Son homologue de Minneapolis, Neel Kashkari, a estimé pour sa part mercredi que l'inversion de la courbe des rendements était "le signal le plus préoccupant" car il traduisait l'inquiétude des investisseurs face aux risques de récession, une crainte susceptible de devenir auto-réalisatrice si elle conduit les entreprises et les ménages à réduire leurs dépenses.

"Si l'investissement des entreprises continue de faiblir, si les signaux d'alerte à la récession continuent de clignoter, je pense que la Réserve fédérale devra faire ce qu'elle peut pour essayer de faire avancer l'économie", a-t-il dit.

Le Livre beige de la Fed, qui compile les informations recueillies par les 12 antennes régionales de la banque centrale avant chaque réunion de politique monétaire, a souligné mercredi que les tensions commerciales freinaient l'investissement des entreprises et évoque des signes laissant craindre que la consommation ne souffre à son tour.

Dans la région de St. Louis, qui couvre une partie du Midwest et du sud du pays, "les informations provenant des distributeurs généralistes et des concessionnaires automobiles indiquent que l'activité de la consommation a été mitigée depuis notre précédent rapport", explique le document.

Le district de Minneapolis a fait état d'une stabilité de la consommation et celui d'Atlanta d'un ralentissement de la croissance du crédit à la consommation. Celui de San Francisco a toutefois évoqué une hausse notable des ventes au détail et celui de Boston parle de perspectives "largement positives" pour le secteur de la distribution.

(Avec Jason Lange à Washington et Ann Saphir à San Francisco; Marc Angrand pour le service français)

par Jonnelle Marte, Richard Leong et Nichola Saminather