Londres (awp/afp) - Les investisseurs professionnels ont délaissé les lingots au deuxième trimestre, plombant la demande d'or malgré un appétit soutenu des particuliers en Inde, rapporte le Conseil mondial de l'or (CMO) jeudi. Les hausses des taux directeurs des banques centrales conjuguées à un dollar américain fort ont pesé sur l'attractivité du métal jaune, malgré son statut de valeur refuge qui lui avait permis de briller au début de l'année.

La demande d'or pour la période s'est établie à 948 tonnes, en baisse de 8% en glissement annuel, d'après le rapport trimestriel du CMO. Pour le premier semestre de 2022, la demande d'or reste toutefois en hausse de 12% par rapport à 2021, atteignant 2189 tonnes.

"Au cours du premier semestre 2022, le marché mondial de l'or a été soutenu par des facteurs macroéconomiques tels que l'inflation galopante et l'incertitude géopolitique", affirme Louise Street, analyste au sein de l'organisation. "Mais il a également été pris dans des vents contraires dus à la hausse des taux d'intérêt, associée à une flambée presque sans précédent du dollar américain", poursuit-elle.

Le dollar, concurrent direct de l'or

Depuis mi-mars, la banque centrale américaine (Fed) relève ses taux directeurs avec vigueur, et a opté en mai pour une hausse de trois quarts de point, soit la plus forte depuis 1994. "Contrairement aux obligations (ou autres actifs), l'or ne paie pas d'intérêts ou de dividendes", explique à l'AFP Krishan Gopaul, analyste au sein du Conseil.

Ce manque de rendement peut ainsi décourager certains investisseurs, qui préfèrent se tourner vers d'autres actifs "porteurs d'intérêts ou de revenus", estime Krishan Gopaul. Le désintérêt des investisseurs professionnels s'est traduit par des ventes d'ETF, ces titres financiers cotés, indexés sur le cours du métal jaune, reproduisant ainsi fidèlement le prix de l'or physique et permettant de parier sur son cours.

Les ETF ont enregistré des sorties de capitaux équivalentes à 39 tonnes d'or au deuxième trimestre. "Un nouveau resserrement monétaire et la force continue du dollar" pourrait encore peser sur la demande, fait valoir Louise Street.

L'investissement physique en pièces et lingots est quant à lui resté stable au deuxième trimestre, totalisant 245 tonnes. Il reste toutefois en baisse de 12% sur la première moitié de l'année 2022, par rapport à la même période en 2021, lesté par la faiblesse de la demande chinoise en raison de la poursuite de mesures sanitaires liées à des rebonds d'épidémie de Covid-19.

L'Inde redore la demande en bijoux

Dans le secteur de la bijouterie, la demande d'or a augmenté au deuxième trimestre de 4% en glissement annuel, à 453 tonnes, portée par la reprise de la demande indienne, "en hausse de 49 % par rapport au deuxième trimestre 2021", précise le CMO. Une "forte performance" qui compense la chute significative (-29%) de la demande en Chine.

En Inde, la demande a été soutenue "par une forte saison de mariages et célébrations", qui sont l'occasion pour les familles de mettre une partie de leurs économies à l'abri en les changeant en lingots, colliers, bagues, bracelets et autres objets en or, suprême valeur refuge. La dépréciation de la roupie indienne pourrait cependant miner les perspectives de la demande indienne, nuance le CMO.

Par ailleurs, la demande d'or dans le secteur technologique - le métal jaune se retrouvant dans les composants de nombreux appareils électroniques comme les ordinateurs ou les téléphones mobiles - a diminuée de 2%, pour atteindre 78 tonnes au deuxième trimestre, "la crise du coût de la vie commençant à se faire sentir", diminuant l'appétit des consommateurs pour l'électronique, indique le CMO.

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