WASHINGTON (Reuters) - Le département américain de la Justice et 11 Etats ont déposé plainte mardi contre Google, accusé d'enfreindre la loi en abusant de sa position sur les marchés de la recherche et de la publicité en ligne pour nuire à ses concurrents.

Google a réagi en estimant que la plainte comportait de "graves insuffisances", ajoutant sur Twitter que les internautes "utilisent Google parce qu'ils choisissent de le faire, pas parce qu'ils y sont contraints ou parce qu'il ne trouvent pas d'alternatives".

L'entreprise californienne, filiale du groupe Alphabet, devrait diffuser dans les prochaines heures une déclaration plus détaillée.

Google a réalisé en 2019 un chiffre d'affaires de 162 milliards de dollars (137,1 milliards d'euros), supérieur au produit intérieur brut (PIB) de la Hongrie.

La procédure ouverte mardi s'annonce comme la plus importante dans le domaine de l'antitrust aux Etats-Unis depuis plus de 20 ans et peut être comparée à celle qui a visé Microsoft en 1998, voire à celle de 1974 qui a conduit à l'éclatement forcé de l'opérateur de télécommunications AT&T.

La plainte contre Microsoft est considérée comme l'un des facteurs qui ont favorisé la croissance exponentielle d'internet car elle a empêché le groupe informatique de freiner le développement de ses concurrents.

L'initiative de la justice et des 11 Etats plaignants constitue aussi un rare épisode de consensus entre l'administration Trump et les démocrates du Congrès. La sénatrice Elizabeth Warren, favorable au démantèlement des "Big Tech", les géants des hautes technologies, avait ainsi réclamé le 10 septembre sur Twitter des mesures "rapides et offensives".

A Wall Street, l'action Alphabet gagnait plus de 1% en début de séance, certains investisseurs doutant de la capacité de la justice à faire aboutir sa démarche au vu des tensions entre les deux camps du Congrès.

CONSENSUS BIPARTISAN CONTRE LES "BIG TECH"

"Pour arriver à leur faire vraiment mal, il faut le Congrès, et il est favorable à l'éclatement. Mais il y a tellement d'animosité que même s'ils sont d'accord sur le fait qu'il faut s'occuper des "'Big Tech', il faudra très longtemps pour arriver à des résultats", estime ainsi Robert Pavlik, gérant de portefeuille de StateStone Wealth à New York.

Les ministres de la Justice (attorney general) des 11 Etats qui se sont joints à l'initiative de la justice fédérale sont tous républicains.

Le département de la Justice et la Federal Trade Commission (FTC), principale autorité fédérale en matière de concurrence, avaient ouvert l'an dernier des enquêtes visant Google mais aussi Amazon, Apple et Facebook, soupçonnés de pratiques anticoncurrentielles visant à conforter leur position sur leurs marchés respectifs.

Il y a sept ans, la FTC avait clos par un accord amiable une procédure dans laquelle Google était accusé de biaiser les résultats de son moteur de recherche pour favoriser ses propres produits, entre autres.

De son côté, l'Union européenne a infligé en 2019 au moteur de recherche une amende de 1,7 milliard de dollars pour entrave à la concurrence dans la publicité en ligne. Elle l'avait déjà condamné en 2017 à payer 2,6 milliards de dollars pour avoir favorisé son propre moteur de comparaison de prix puis en 2018 à débourser 4,9 milliards pour avoir fermé son système d'exploitation pour mobiles Android à la concurrence.

(Version française Marc Angrand, édité par Henri-Pierre André)

par Diane Bartz et David Shepardson