Londres (awp/afp) - La livre repartait à la baisse lundi alors que la Banque d'Angleterre a indiqué qu'elle n'agirait pas avant sa prochaine réunion prévue en novembre face aux turbulences traversées par la devise britannique, tombée à son plus bas historique.

L'institution monétaire a promis lundi de "suivre de près" l'évolution de la livre sterling, tombée plus tôt dans la journée à son plus bas historique face au dollar, mais s'est contentée de promettre d'agir "à sa prochaine réunion", le 3 novembre.

La livre a aussitôt repiqué du nez et cédait 1,8% à 1,0664 dollar vers 16H00 GMT, s'approchant de son plus bas historique à 1,0350 dollar atteint tôt lundi.

Le taux des obligations à dix ans est monté à 4,25% en cours de séance, une première depuis février 2010. Début septembre, le rendement était de seulement 2,8%, et avait fini 2021 à moins de 1%.

Les opérateurs se détournent de la devise britannique en réaction à un plan de dépenses massif du gouvernement qui fait craindre un dérapage des finances publiques.

Plus tôt, elle avait repris des couleurs sur des rumeurs de réunion d'urgence de la BoE.

"Sans intervention (de la Banque d'Angleterre) cette semaine, la livre pourrait bien tomber sous la parité au dollar bientôt", prévient Lee Hardman, analyste chez MUFG.

Face à la situation critique de l'économie britannique, le marché attendait avec impatience la communication de la Banque d'Angleterre, qui avait relevé son taux de 0,50 point de pourcentage à 2,25% jeudi.

Alors que l'inflation atteint 9,9% sur un an au Royaume-Uni, la plus élevée du G7, l'institution monétaire a aussi estimé que le Royaume-Uni était entré en récession pendant le troisième trimestre.

Les marchés s'inquiètent de ce plan d'aides aux factures à l'énergie et de baisses d'impôts évalué par les économistes à un montant se situant entre 100 et 200 milliards de livres, dont le financement reste flou et dont l'impact sur l'économie du Royaume-Uni n'est pas étudié.

Le Trésor britannique s'est voulu rassurant dans un communiqué en assurant que l'organisme public de prévisions budgétaires allait publier une évaluation "cette année".

Le Trésor annonce également de nouvelles déclarations budgétaires le 23 novembre visant le moyen terme et qui "assureront que la part de la dette par rapport au PIB recule".

Le nouveau ministre des Finances Kwasi Kwarteng a notamment annoncé vendredi des baisses d'impôt sur le revenu pour la tranche supérieure d'imposition, en plus de celles qui avaient été distillées dans les médias auparavant, assorties d'aides massives aux factures énergétiques en pleine crise du coût de la vie.

Depuis les annonces gouvernementales, la livre plonge de près de 5%. Elle a perdu 20% de sa valeur depuis le début de l'année.

La pression monte

"La tension entre la Banque d'Angleterre et le Trésor est désormais palpable, avec des membres de la Banque centrale qui veulent limiter l'inflation en affaiblissant la demande et des dirigeants politiques qui veulent la doper", résume Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown.

"En termes politiques, c'est un pari énorme que ces mesures radicales puissent amener une croissance rapide. De nombreux parlementaires conservateurs vont s'inquiéter de l'effet sur les sondages, surtout étant donné le type de baisse d'impôts proposé", explique Tony Travers, professeur à la London School of Economics (LSE), à l'AFP.

"Je m'attends à ce que la pression monte sur la Première ministre (Liz Truss) et le chancelier dans la semaine qui vient", ajoute-t-il.

Lors du congrès du parti travailliste lundi, la responsable des questions financières Rachel Reeves a parlé d'une "urgence nationale" et qualifié le Chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng et la première ministre de "deux parieurs désespérés qui courent après leurs pertes au casino".

Elle note que la chute de la livre signifie "un coût d'emprunt plus élevé pour le gouvernement" et des remboursements de prêts immobiliers plus coûteux pour les particuliers, entre autres.

Lors du précédent plus bas historique de la livre, en 1985, plusieurs grands pays, dont les Etats-Unis, avaient signé les accords du Plaza, qui visaient à volontairement déprécier le billet vert.

"Est-ce qu'on s'approche d'un +moment Plaza+? Le dollar est aussi fort qu'il l'était à l'époque, mais l'esprit de coopération entre les grandes économies mondiales ne semble pas encore là", juge John Velis, analyste chez BNY Mellon.

afp/rp