TUNIS (Reuters) - La police tunisienne a dispersé vendredi à coups de matraques et de canons à eau plusieurs centaines de personnes qui tentaient de gagner le centre de Tunis pour manifester contre le président Kaïs Saïed malgré l'interdiction des rassemblements ordonnée par les autorités, officiellement pour limiter la propagation rapide du coronavirus responsable du COVID-19.

Une forte présence policière a empêché la plupart des protestataires de se regrouper sur l'avenue Habib-Bourguiba, point de rassemblement habituel des manifestations à Tunis.

La police s'est ensuite employée à disperser en les repoussant parfois à coups de pieds plusieurs groupes distincts de manifestants, dont l'un comprenant plusieurs centaines de personnes, ont rapporté des témoins.

Environ 1.200 ont manifesté, selon le ministère tunisien de l'Intérieur, qui a assuré que les forces de l'ordre avaient fait preuve de retenue.

La manifestation était organisée à l'appel du parti islamiste Ennahda et de plusieurs autres formations d'opposition pour protester contre la concentration des pouvoirs aux mains du président Kaïs Saïed, qui a suspendu en juillet dernier les travaux du Parlement de Tunis.

La décision des autorités, annoncée mercredi, de rétablir un couvre-feu nocturne et d'interdire les rassemblements pour une durée de deux semaines afin de lutter contre l'épidémie de COVID-19 est considérée par les opposants comme un prétexte pour museler la contestation.

Ce vendredi coïncidait avec l'anniversaire de la fuite à l'étranger, le 14 janvier 2011, du défunt président Zine el Abidine Ben Ali à l'issue des manifestations de la "révolution du jasmin".

Le président Saïed a ordonné par décret l'an dernier que les événements ayant conduit à la chute du régime dictatorial seraient désormais commémorés le 17 décembre, jour de l'immolation par le feu du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, à l'origine de la contestation qui balaiera Ben Ali.

Elu en 2019, Kaïs Saïed a semblé bénéficier d'une large adhésion de la population lorsqu'il a congédié le gouvernement et suspendu le Parlement il y a six mois, en disant vouloir mettre fin à des années de paralysie politique et de stagnation économique. Mais l'opposition au chef de l'Etat s'est élargie au fil des mois, y compris dans les rangs des formations politiques et d'autres acteurs majeurs de la société qui avaient approuvé dans un premier temps ses initiatives.

(Reportage Tarek Amara et Mohamed Argoubi, version française Jean-Stéphane Brosse)