Le gouvernement français, qui recherchait plusieurs milliards d'euros pour boucler le budget 2012, a confirmé la semaine dernière l'instauration d'une taxe exceptionnelle de 550 millions d'euros qui va toucher tous les acteurs du secteur pétrolier.

Les raffineurs français connaissent une crise depuis plusieurs années, cumulant des marges peu élevées à une faible demande et à une surcapacité de production d'essence, soulignent les analystes du secteur.

En parallèle, le traditionnel débouché américain s'est tari.

"Ils (les raffineurs) ne sont pas incités à rester", a dit à Reuters un analyste spécialisé dans le secteur pétrolier chez Natixis.

"Quand le gouvernement français taxe les riches c'est parce qu'ils ont un patrimoine. Ici, le patrimoine (des raffineurs) ne vaut plus rien", ajoute-t-il.

Cette taxe, a priori exceptionnelle, intervient au pire moment pour le secteur, selon Roy Jordan, spécialiste du pétrole chez Facts Global Energy à Londres.

"Nous sommes dans un contexte de surcapacité en Europe", a dit Roy Jordan. "Il y avait déjà des fermetures en France précisément pour cette raison, et si la situation perdure, il pourrait y en avoir de nouvelles."

DEUX MILLIARDS DE PERTES

Total, premier raffineur européen, ne possède plus que cinq sites en France à la suite à la fermeture de la raffinerie de Dunkerque en 2010.

Christophe de Margerie, PDG de Total, a estimé samedi que cette taxe pourrait coûter entre 140 et 160 millions d'euros au groupe français.

"Ce qui nous embête quand même, c'est que le secteur du raffinage (...) est un secteur en fort déficit, en perte, et il est toujours embêtant de surtaxer un secteur qui déjà ne va pas bien", a-t-il observé en marge des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.

Dix raffineries sont actuellement en activité en France, deux d'entre elles appartenant à Exxon Mobil, une à Lyondellbasell et une autre encore au groupe Ineos.

"Les raffineries françaises ont perdu deux milliards d'euros au cours des trois dernières années", a déclaré Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip).

"C'est un système mondialisé. Le pétrole peut être raffiné en Afrique puis vendu en Europe ou en Amérique du Nord", a-t-il ajouté.

De son coté, l'avenir du site de Petit-Couronne, près de Rouen, est toujours incertain depuis le placement sous contrôle judiciaire de la société Petroplus.

Pour Yvon Scornet, responsable syndical CGT à Petit-Couronne, cette taxe, qui coûterait à la raffinerie 8 millions d'euros, pourrait devenir permanente. Elle pourrait aussi effrayer d'éventuels investisseurs qui ont jusqu'au 27 juillet pour présenter leur dossier de reprise.

"Nous demandons qu'elle (la taxe) s'applique aux produits importés, comme c'est le cas en Italie", a-t-il dit.

UN SECTEUR TOUJOURS ATTRAYANT

La taxe doit atteindre 4% de la valeur monétaire des stocks moyens de produits pétroliers détenus au cours des trois derniers mois de 2011.

Selon les analystes, le gouvernement avait à l'esprit les 12 milliards d'euros de bénéfices de Total pour l'année 2011 lorsqu'il a réfléchi à cette contribution.

A hauteur de 550 millions d'euros, la taxe capte quasiment la totalité de la marge nette réalisée par le secteur pétrolier en 2011, selon des estimations de l'Ufip.

"Si l'on veut faire rentrer du cash, il faut faciliter l'exploration. Au large de Marseille, (le groupe) Melrose voulait explorer, on lui a retiré (le permis). Ce sont des activités qui pourraient être taxées et lourdement taxées", a souligné l'analyste de Natixis.

Il serait cependant prématuré de prédire la fin des raffineries françaises, surtout si la taxe reste exceptionnelle, disent les analystes.

En juin, une forte chute des prix du pétrole avait donné un peu de répit aux raffineurs, dont les marges avaient grimpé à leur plus haut niveau depuis la fin de l'année 2008, a rappelé Roy Jordan de chez Facts Global Energy.

Les unités situées dans des zones stratégiques comme la Méditerranée ou la Manche pourraient devenir des cibles pour des compagnies pétrolières russes ou asiatiques qui souhaiteraient accéder au marché européen.

Le groupe Petrochina s'est ainsi allié à Ineos à Lavera (Bouches-du-Rhône) tandis que la société russe de trading Gunvor, qui a acheté ses premières raffineries en Europe l'année dernière, se dit également intéressée par d'autres investissements.

"Ils font ça pour des raisons stratégiques parce qu'ils veulent devenir des acteurs internationaux, et ils seraient satisfaits par de faibles niveaux de retours, ce qui ne serait pas le cas d'une compagnie pétrolière intégrée", conclut Roy Jordan.

Avec Marion Douet et Muriel Boselli, édité par Jean-Michel Bélot

par Michel Rose