"C’est lunaire", soupire un analyste, l’air hagard. L’expression revient en boucle ces derniers jours, comme un mantra désabusé. Et pour cause : Donald Trump a enchaîné les déclarations sur ses nouveaux tarifs douaniers, dessinant une politique commerciale qui semble guidée davantage par l’intuition que par la stratégie. Il frappe tous azimuts, sans logique apparente, et sème au passage une bonne dose de perplexité. Mais s’il y a bien une chose à laquelle on peut toujours s’attendre avec Trump, c’est le goût du spectacle.
Le théâtre du pouvoir, version plastifiée
L'image qui restera de ce Libération Day, c’est celle du président américain, grave comme un prêtre un jour d’enterrement, brandissant un tableau au format A0. Face caméra, posture grave, le président brandit son tableau à trois colonnes et commente, pays par pays, les droits de douane qu’il impose. "Regardez le Cambodge à 97%. On va le ramener à 49%. Ils se font quand même une fortune avec les Etats-Unis”, glisse-t-il en plein direct.
L’air de rien, comme s’il parlait d’un rabais sur des canapés en solde.
La scène dure cinq minutes, pas une de plus, mais elle est déjà entrée au panthéon des séquences cultes de l’ère Trump. Très vite, la presse économique découvre la méthode derrière les pourcentages : un simple calcul en croix. Résultat ? Des données discutables, et des surprises inattendues comme... les îles Heard et McDonald. Deux îlots australiens, inhabités, mais présents dans les registres de la Banque mondiale en raison de leur usage comme relais d’échange. Oui, eux aussi ont droit à leur taxe.
Un remède amer et un swing parfait
Pour Trump, cette salve de sanctions marque un tournant. Une guerre commerciale ouverte qui rend l’idée même de mondialisation plus fragile que jamais. En bourse, les indices s’agitent, à commencer par le S&P 500 qui a perdu 12% en trois séances. Une réaction de marché qui, en d’autres temps, aurait inquiété Donald Trump. Mais cette fois, le ton est différent. “Je ne veux pas que quoi que ce soit plonge. Mais parfois vous devez prendre des médicaments pour corriger quelque chose”, a-t-il lancé.
Pendant que Wall Street digère l’uppercut, le président, lui, chausse ses crampons de golf. Non pas en catimini, mais en pleine lumière. La presse américaine se délecte de l’image : après avoir secoué l’économie mondiale, Trump s’offre un week-end sur les greens. Comme si de rien n’était.
Mais l'histoire n'est pas finie : malgré tout, la réalité a rattrapé l'administration Trump. Face à la chute des actions et au risque de catastrophe sur le marché obligataire, la Maison Blanche a été forcée de faire machine arrière. Un moratoire de 90 jours a été décidé sur les "droits de douane réciproques"… sauf envers la Chine, qui écope d'une pilule supplémentaire et qui fait désormais face à 125% de punition. Les marchés ont apprécié cette reculade. Le jour de la libération était peut-être bien le 9 avril, finalement.
Dessin : Amandine Victor