L'émirat, l'un des plus petits producteurs de l'Opep mais premier exportateur mondial de gaz liquéfié naturel (GLN), est englué depuis 2017 dans un conflit diplomatique avec l'Arabie saoudite et certains de ses voisins.

Doha a assuré que sa décision n'était pas motivée par des considérations politiques mais son ministre de l'Energie Saad al-Kaabi a visé Ryad en déplorant le fait que le marché pétrolier soit "contrôlé par une organisation gérée par un pays", qu'il n'a pas nommé.

Lors d'une conférence de presse, il a précisé que la décision avait été "communiquée à l'Opep" en début de journée mais que le Qatar, membre de l'organisation depuis 57 ans, participerait à la réunion ministérielle du cartel jeudi et vendredi, en respectant ensuite les engagements pris.

Doha se concentrera sur l'exploitation de ses énormes réserves de gaz car il ne lui est pas pratique "de consacrer des efforts, des ressources et du temps à une organisation dans laquelle nous ne sommes qu'un petit acteur où je n'ai pas voix au chapitre", a-t-il ajouté.

Des délégués de l'Opep, qui compte 15 membres en comptant le Qatar, se sont efforcés de minimiser l'impact de ce départ qui n'en fait pas moins mauvais effet au moment où le cartel veut afficher un front uni pour redresser des cours du brut en baisse de près de 30% depuis leur pic du début octobre.

"Ce n'est pas un gros producteur mais il a joué un rôle important dans l'histoire", a dit une source de l'Opep au sujet du Qatar.

Le marché pétrolier mondial est de plus en plus dominé par l'Arabie saoudite, la Russie et les Etats-Unis, qui à eux trois se partagent environ le tiers de la production mondiale.

Ryad et Moscou coordonnent de plus en plus leur politique pétrolière, sous la pression du président américain Donald Trump qui veut voir l'Opep baisser les prix. Le Brent de mer du Nord, référence du marché mondial, se traite actuellement sous les 62 dollars le baril, à près de 25 dollars de son plus haut de quatre ans de 86,74 dollars en date du 3 octobre.

"Cela marque peut-être un tournant historique de l'organisation vers la Russie, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis", a déclaré Chakib Khelil, président de l'Opep et ancien ministre algérien de l'Energie, au sujet du retrait du Qatar.

"DÉCISIONS UNILATÉRALES"

La décision de Doha aura un "impact psychologique" à cause du différend avec Ryad et pourrait inspirer d'autres Etats membres de l'Opep "au vu de décisions unilatérales prises par l'Arabie saoudite dans un passé récent", a-t-il ajouté.

Le Qatar produit seulement 600.000 barils par jour (bpj) de pétrole, à comparer à un total de 11 millions de bpj pour le voisin saoudien.

Doha est en revanche un acteur influent du marché du GNL avec une production annuelle de 77 millions de tonnes, qui doit être portée à 110 millions à l'horizon de 2024.

L'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, membres de l'Opep, ainsi que Bahrein et l'Egypte ont imposé en juin 2017 un embargo politique et économique au Qatar, qu'ils accusent de soutien au terrorisme. Doha dément ces charges et accuse en retour ses voisins d'attenter à sa souveraineté.

Saad al-Kaabi, qui conduira jeudi la délégation qatarie à la réunion de Vienne, a assuré que la décision n'était pas politique mais stratégique, l'émirat voulant consacrer toutes ses ressources à son industrie gazière.

"Beaucoup de gens vont vouloir la politiser", a dit le ministre à la presse. "Je vous assure que c'était une décision fondée uniquement sur les intérêts du Qatar à long terme. C'est une décision de stratégie."

Selon Amrita Sen, analyste au cabinet de conseil Energy Aspects, le retrait de l'émirat "n'altère pas la capacité d'influence de l'Opep dans la mesure où le Qatar était un acteur très petit."

(Véronique Tison pour le service français, édité par Pierre Serisier)

par Eric Knecht