* Le chef des armées tué chez lui à Addis-Abeba

* La fusillade a duré au moins quatre heures à Bahir Dar

* Quatre hauts responsables ont péri dans le coup de force

* La majeure partie des comploteurs arrêtés, d'autres en fuite

* Le général Asamnew Tsige désigné comme responsable du putsch (Actualisé avec déclaration d'Abiy, 8e paragraphe, et situation à Addis-Abeba, 9e paragraphe)

ADDIS-ABEBA, 23 juin (Reuters) - Le chef d'état-major de l'armée éthiopienne et le président de l'Etat d'Amhara, situé au nord de la capitale Addis-Abeba, ont été tués dans deux attaques distinctes, samedi lors d'une tentative de coup de force menée par un général, ont annoncé dimanche les autorités.

Le président de l'Etat d'Amhara, Ambachew Mekonnen, et un proche conseiller ont été tués par balles et le procureur général de cet Etat a été blessé samedi soir dans la capitale de l'Amhara, Bahir Dar, à 500 km au nord-ouest d'Addis-Abeba, selon les services du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.

Le même soir, au cours d'une attaque à Addis-Abeba liée aux événements dans l'Etat d'Amhara, le chef d'état-major des forces armées, le général Seare Mekonnen, et un général en retraite ont été abattus au domicile de Seare. L'auteur de ces assassinats est un garde du corps du général Seare.

Les services d'Abiy Ahmed ont désigné le général Asamnew Tsige, chef de l'appareil de sécurité de l'Etat d'Amhara, comme l'instigateur de ce coup de force avorté, sans dire où il se trouvait désormais. Asamnew avait été libéré de prison l'an dernier dans le cadre d'une amnistie, alors qu'il purgeait une peine pour un coup de force du même genre, selon la presse.

La fusillade à Bahir Dar s'est produite alors que des responsables de l'Etat fédéral rencontraient le président de l'Amhara, un allié d'Abiy, afin de discuter des moyens d'empêcher la constitution de milices ethniques à l'appel du général Asamnew, a dit un responsable gouvernemental à Reuters.

Une semaine plus tôt, Asamnew avait ouvertement conseillé au peuple Amhara, l'un des plus grands groupes ethniques du pays, de prendre les armes, dans une vidéo diffusée sur Facebook.

La fusillade de samedi soir a duré au moins quatre heures et certaines artères de Bahir Dar étaient fermées à la circulation, ont rapporté des habitants. Tôt dimanche, le général Tefera Mamo, chef des forces spéciales dans l'Etat d'Amhara, est intervenu à la télévision nationale pour annoncer que "la majeure partie des personnes impliquées dans le coup de force ont été arrêtées, même si quelques-uns sont toujours en fuite".

"La situation dans la région de l'Amhara est actuellement totalement sous le contrôle du gouvernement fédéral, en coordination avec le gouvernement régional", a déclaré dimanche le Premier ministre éthiopien.

La capitale, Addis-Abeba, était plus calme que d'ordinaire dimanche, avec relativement peu de voitures et peu de piétons dans les rues.

Abiy Ahmed avait enfilé samedi soir un uniforme militaire pour annoncer à la télévision nationale qu'une tentative de coup d'Etat avait eu lieu plus tôt dans la journée à Bahir Dar, et que le général Seare Mekonnen figurait parmi les victimes.

SÉRIE DE RÉFORMES

L'Ethiopie était privé d'internet dimanche. Par le passé déjà , les autorités ont coupé internet à plusieurs reprises pour diverses raisons, notamment pour raisons de sécurité.

Des élections législatives nationales sont programmées l'an prochain, que les partis d'opposition appellent à maintenir en dépit des troubles. La commission électorale a averti cependant cette semaine que les préparatifs subissaient des retards et que l'instabilité actuelle risquait d'être un problème.

Au pouvoir depuis un an, le gouvernement d'Abiy Ahmed doit faire face à la pression grandissante des hommes forts dans les régions, notamment dans l'Etat d'Amhara, l'un des neuf Etats autonomes de l'Ethiopie et l'un des théâtres des violences ethniques qui secouent le pays.

L'Ethiopie, qui compte 100 millions d'habitants, est confrontée à des violences ethniques qui ont déjà fait environ 2,4 millions de déplacés, selon les Nations unies.

Depuis son arrivée au pouvoir l'an dernier, après trois années de violences politiques ayant conduit à la démission de son prédécesseur Hailemariam Desalegn, Abiy Ahmed a engagé une série de réformes.

"Il semble qu'il est en train de démanteler le FDRPE (Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien, coalition au pouvoir) et il entretient l'idée de modifier la structure du fédéralisme, mais il n'a pas dit clairement vers quoi il s'orientait", explique Matt Bryden, directeur du "think tank" régional Sahan Research. "Cette incertitude engendre beaucoup de rivalités et suscite bien des frictions et des violences".

Abiy Ahmed a libéré des prisonniers politiques, levé les restrictions sur les activités des partis, rétabli des relations diplomatiques avec l'Erythrée et lancé des poursuites contre les personnes soupçonnées de graves violations des droits de l'homme, mais son gouvernement doit faire face à une violence croissante.

Des affrontements entre ethnies, longtemps canalisées par un Etat répressif, éclatent dans de nombreuses régions, dont l'Etat d'Amhara. (Dawit Endeshaw et Katharine Houreld; Jean Terzian, Jean-Stéphane Brosse et Eric Faye pour le service français)