Le coup de filet audacieux annoncé jeudi donne à l'opérateur des marchés des matières premières et de l'énergie le contrôle de NYSE Liffe, numéro deux sur le marché des futures en Europe, derrière Deutsche Börse, lui donnant une nette avance sur ses concurrents américains CME et Nasdaq OMX.

Tous trois veulent attaquer la position dominante de Deutsche Börse, sachant que la nouvelle régulation bancaire en préparation devrait déboucher sur une demande accrue de compensation des produits dérivés sur ces marchés régulés.

"Cette opération crée un concurrent plus important et plus agressif face à Deutsche Börse", souligne Richard Perrott, analyste chez Berenberg Bank.

Les réformes bancaires, issues de la crise financière, obligent les banques à faire passer leurs transactions sur les produits dérivés par des chambres de compensation et des marchés régulés pour s'assurer que leurs positions à risque seront mieux contrôlées qu'elles ne l'étaient lorsque les traders échangeaient des contrats complexes directement entre eux.

La réforme bancaire sera entièrement mise en place en 2014.

La prise de contrôle par ICE de NYSE Liffe donnera à l'opérateur américain une avance appréciable en Europe sur le CME, opérateur du Chicago Board of Trade, qui gère le plus grand marché de futures dans le monde, comme sur le Nasdaq. Tous deux projettent d'ouvrir leur propre marché à Londres l'an prochain.

JOYAU DE LA COURONNE

Alors que le New York Stock Exchange, symbole du capitalisme américain, est l'activité la plus prestigieuse de NYSE Euronext, le Liffe de Londres est le véritable joyau de la couronne.

Les bénéfices tirés des marchés d'actions ont fondu avec le développement des transactions électroniques et la montée en puissance d'autres marchés plus attractifs, ce qui fait que les bourses comme le NYSE intéressent moins ICE.

De fait, ICE a d'emblée déclaré qu'il chercherait à se séparer d'Euronext, la branche européenne de Nyse Euronext, qui gère les marchés d'actions de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne, en l'introduisant en Bourse une fois l'acquisition achevée au second semestre de l'an prochain.

Cette annonce a lancé des spéculations, démenties par la société, selon lesquelles ICE ne serait pas non plus très intéressé par l'activité de NYSE à Wall Street.

Le PDG d'ICE Jeff Sprecher prendra la direction générale de la nouvelle entité, et le directeur général de NYSE Euronext, la présidence, poste qu'il compte conserver au moins jusqu'en 2014.

Le nouveau groupe ICE-NYSE Euronext deviendra le numéro trois mondial, en valeur boursière, des opérateurs de marchés financiers, dépassant l'allemand Deutsche Börse, avec une capitalisation globale de 15,2 milliards de dollars.

CME Group affiche pour sa part une valeur de marché de 17,5 milliards selon les données Thomson Reuters, contre 19,5 milliards pour Hong Kong Exchanges and Clearing, numéro un du secteur.

Fondé en 2000, ICE était initialement un opérateur de transactions électroniques spécialisé dans les matières premières. Il s'est construit au fil d'acquisitions successives, du marché pétrolier londonien IPE (International Petroleum Exchange) à une plate-forme d'échanges de droits à polluer et une participation dans une chambre de compensation au Brésil.

Juliette Rouillon pour le service français, édité par Catherine Monin

par Luke Jeffs