par Gertrude Chavez-Dreyfuss et Wanfeng Zhou

La reprise des marchés d'actions et la demande soutenue pour les fonds d'Etat américains suggèrent que les investisseurs gardent confiance dans les actifs américains. Les analystes estiment cependant qu'à $1,60 pour un euro, les craintes de désaffection des investisseurs pourraient se justifier.

Ils relèvent qu'une nouvelle baisse marquée du dollar ou un accès de volatilité provoqué par de mauvaises nouvelles pourraient entraîner une crise de confiance qui alimenterait le débat sur la nécessité d'une révision du régime des changes.

Le dollar a perdu environ 15% contre un panier de devises de référence depuis ses derniers plus hauts atteints en mars et il a abandonné plus de 37% depuis le pic touché en 2001. Lundi, la parité euro/dollar a atteint 1,5020, non loin du pic de $1,5060 touché en octobre. A ce niveau, l'euro n'est qu'à 6% environ du record historique atteint en juillet 2008 à $1,6040.

Les cambistes vendent du dollar depuis quelques mois car ils estiment que les taux d'intérêt resteront bas encore un certain temps aux Etats-Unis.

Lundi, ce mouvement a été alimenté car les ministres des Finances du G20 réunis vendredi et samedi en Ecosse ne se sont pas montrés particulièrement préoccupés par la baisse de la devise américaine.

"Si la barre de $1,60 est franchie, je pense que ce sera trop fort et trop vite", commente Michael Woolfolk, stratège changes chez BNY Mellon, à New York, qui estime que cela pourrait menacer le statut international du dollar.

La barre de $1,60 est aussi vraisemblablement la limite que les banques centrales tolèreraient. Au-delà, les analystes s'attendent à une forme d'intervention, verbale ou autre, pour soutenir le dollar.

VOLATILITÉ

Certaines banques centrales qui viennent de relever leurs taux d'intérêt, comme celle de l'Australie et de la Norvège, ont noté des signes de vigueur non souhaitée de leurs monnaies.

Les autorités monétaires norvégiennes ont ainsi noté qu'une appréciation rapide de la couronne pourrait ralentir le mouvement de remontée de ses taux.

Pour l'instant, la faiblesse du dollar est considérée comme un élément de soutien aux exportations américaines, même si l'administration Obama, comme la précédente, réaffirme régulièrement sa préférence pour un dollar fort. Mais le recul du billet vert, conjugué à la politique de change chinoise fondée sur l'arrimage du yuan au dollar, irrite d'autres pays, notamment européens.

Certains économistes soulignent qu'une dépréciation continue du dollar pourrait conduire à des sorties massives de capitaux des Etats-Unis, ce qui conduirait à une hausse dommageable des taux d'intérêt américains.

Cette crainte n'est pas nouvelle mais jusqu'à présent, les Etats-Unis ont été partiellement protégés de cette menace par leur taille et le statut de monnaie de réserve du dollar.

Ethan Harris, directeur des études économiques de Bank of America-Merrill Lynch, note que, pendant les années 1980, il avait fallu attendre que le dollar chute de 50% pour observer une pression haussière sur les rendements obligataires qui, dans un contexte de craintes inflationnistes fortes, avait contribué au krach boursier de 1987.

"Sommes-nous aujourd'hui dans le même genre de contexte? Oui, sur certains points", a-t-il dit lors d'une récente téléconférence.

(Pour un graphique sur les crises du dollar, cliquer sur:

http://graphics.thomsonreuters.com/119/US_USD1109.gif)

Au-delà du niveau absolu du dollar, sa volatilité, et la crainte qu'elle inspire, pourraient aussi devenir problématiques.

La volatilité implicite à trois mois de l'euro, l'un des baromètre de l'évolution du sentiment de marché vis-à-vis du risque sur le marché des options, se situait à 12,54% vendredi. Elle avait atteint 14% après les attentats du 11 septembre 2001 et avait culminé à 28% en septembre 2008 au plus fort de la tempête financière.

"Je crois que si la volatilité dépasse 14%, cela pourrait déclencher le signal d'alarme", dit Marc Chandler, responsable de la stratégie devises de Brown Brothers Harriman à New York. "Pas besoin d'attendre une volatilité de 28%".

Version française Dominique Rodriguez et Marc Angrand