n°125 - 2021 Analyses et synthèses

Le financement des professionnels de l'immobilier par les banques françaises en 2020

Synthèse générale

Ce numéro d'« Analyses et Synthèses » s'appuie sur l'exploitation des données remises par cinq grands groupes bancaires français1 à fin juin et fin décembre 2020 représentant 86,5 % du marché2.

Après un premier semestre 2020 relativement dynamique, les effets de la crise ont été perceptibles sur l'activité de la seconde partie de l'année. Ainsi, la production de l'exercice 2020 s'est repliée de 14 % par rapport à 2019 tandis que les expositions ont progressé de 3,2 %, soit la croissance la plus faible depuis 2015.

Suivant la tendance observée plus largement sur les entreprises non financières, la qualité globale des portefeuilles reste bonne, le taux d'expositions douteuses et dépréciées brutes continuant par exemple de diminuer de 13 points de base (bps) par rapport à fin 2019 pour s'établir à son plus bas niveau depuis mi-2015 à 2,55 % fin 2020. Une légère hausse du risque de crédit est toutefois perceptible sur les expositions situées dans le reste de l'Europe (+19 bps à 5,30 %) ou le reste du monde (+25 bps à 1,49 %), tandis que la sinistralité continue de refluer sur la France (-19 bps à 1,70 %). Les autres indicateurs de risque (ratio prêt sur valeur du bien (loan to value - LTV), ratios de fonds propre, ratio de couverture des intérêts (interest coverage ratio - ICR) restent également bien orientés dans l'ensemble.

Ce diagnostic globalement favorable ne doit pas occulter les difficultés auxquelles les professionnels de l'immobilier pourraient être exposés à moyen terme compte tenu des mutations profondes mises en œuvre ou amplifiées par la crise sanitaire

(digitalisation, développement du télétravail…).

Étude réalisée par Pierre HARGUINDEGUY et Emmanuel POINT

Mots-clés : professionnels de l'immobilier

Codes JEL : G21

1 BNP Paribas, Société générale, Groupe Crédit agricole, Groupe BPCE et Groupe Crédit mutuel.

2 Part des cinq grands groupes dans les crédits à

l'immobilier commercial déclarés par l'ensemble des établissements de crédit français.

Chiffres-clés3

Base de comparaison :

[1] 31/12/2019

[2] 2019

3 Données de production sur l'ensemble de l'année 2020 et données d'expositions au 31 décembre 2020. Cf. Glossaire en fin de note pour la définition des différents indicateurs de risque.

Le financement des professionnels de l'immobilier par les banques françaises en 20204

La crise Covid-19 a eu un impact fortement négatif sur l'activité des marchés de l'immobilier commercial en 2020.

  • l'échelle mondiale, en dépit d'un rebond observé au dernier trimestre de 2020, le montant des transactions sur l' immobilier d'entreprise a marqué un net infléchissement depuis son pic du 4ème trimestre de 2019, passant de 1 104 milliards de dollars sur 12 mois fin 2019 à 782 milliards au 1er trimestre de 2021 (-29,2 % ; Graphique 1).

Le marché françaisa suivi la même tendance avec un volume d'investissement annuel en repli de 36 % entre 2019 et 2020 à 29 milliards d'euros malgré un regain d'activité au dernier trimestre de 2020 (Graphique 2). Le ralentissement a toutefois été nettement plus marqué sur le secteur des services (-72,5 %), tandis que les commerces et la logistique subissent au 1er trimestre 2021 un fléchissement important des investissements par rapport au 1er trimestre de 2020 (-75,3 % et -44,9 % respectivement ; Graphique 3).

De façon similaire, la demande placée de bureaux a diminué de 41,2 % en 2020 (Graphique 4) ; en conséquence, l'offre immédiate de bureaux a, dans le même temps, progressé de 35 %, revenant sur son point haut de fin 2014-début 2015 (Graphique 5). La baisse du taux de vacance, engagée depuis fin 2014, s'est interrompue (+1,6 point de pourcentage (pt) à 6,5 %) avec une hausse particulièrement marquée à la Défense (+3,9 pts à 10,5 % ; Graphique 6). Enfin, si les prix des bureaux continuent de progresser (Graphique 7) tandis que les loyers faciaux restent relativement stables (Graphique 8), les mesures d'accompagnement5 ont vivement progressé au 1er trimestre de 2021 et atteignent leur plus haut niveau depuis fin 2012 (Graphique 9).

Dans ce contexte, la production annuelle de concours aux professionnels de l'immobilier décroît pour la première fois depuis 2012.

Après un premier semestre 2020 relativement dynamique, où les nouveaux concours avaient progressé de 10,1 % par rapport au premier semestre de 2019, les effets de la crise se sont

  1. On se réfèrera au glossaire en fin d'étude pour la définition des différents concepts et termes techniques.
  2. Mesures de soutien aux locataires accordées par les bailleurs (cf. annexe pour plus de détails).

manifestés nettement au second semestre, avec une production de 34 milliards d'euros, en repli de 32 % par rapport à la production du second semestre de 2019 et de 19,8 % par rapport au premier semestre de 2020. Sur l'ensemble de l'année, la production totale s'inscrit ainsi en repli de 14 % à 76,5 milliards d'euros (Graphique 10). Le ralentissement de la production est moins marqué en France (-12 %) que dans le reste de l'Europe (-15,3 %) ou le reste du monde6 (-21,5 % ;) ; de ce fait, la part de marché de la France dans la production progresse de 1,4 pt par rapport à l'exercice 2019 à 64,1 %, revenant sur son niveau de 2017, tandis que celle du reste du monde atteint un minimum depuis 2014 à 11,4 % (Graphique 11).

Par rapport à 2019, les crédits restent majoritaires dans la production même si leur part se réduit (-1,4 pt à 65,3 %) au profit des engagements de financement (+0,7 pt à 15,5 %) et des engagements de garantie (+0,7 pt à 18,1 % ; Graphique 12).

Pour le deuxième exercice consécutif, la part des promoteurs et marchands de biens se renforce (+8,7 pts à 51,5 %) au détriment de celle des investisseurs (-9,3 pts à 44,9 % ; Graphique 14). Au sein de cette dernière catégorie, les grandes foncières cotées se démarquent toutefois avec une part de marché en progression de 1,7 pt à 7,6 % (Graphique 15), tandis que le reste du monde se caractérise par une augmentation de la production au bénéfice des autres sociétés foncières et sociétés d'investissement non ad hoc et les financements spécialisés et autres sociétés ad hoc d'investissement (Graphique 16).

Enfin, la production s'est concentrée de façon accrue sur l'immobilier résidentiel (+1,8 pt par rapport à 2019 à 39,8 %) tandis que les bureaux ont vu leur part diminuer fortement (-5,9 pts à 18,3 %), au bénéfice des actifs diversifiés (+2,9 pts à 14,7 %) et des autres actifs (+2,1 pts à 12,3 % ; Graphique 17). La progression de l'immobilier résidentiel reflète exclusivement la hausse observée dans le reste de l'Europe davantage qu'elle ne diminue en France et dans le reste du monde. tandis que celle des actifs diversifiés provient de la France et du reste de

6 Cette baisse reflète toutefois en partie un ajustement des modalités de reporting d'une banque de l'échantillon.

l'Europe (Graphique 19) ; la baisse de la part de l'immobilier de bureau concerne quant à elles toutes les zones géographiques, avec un repli toutefois plus marqué à l'étranger qu'en France.

Les expositions continuent de croître mais à rythme moindre par rapport au premier semestre de 2020.

Après une progression de 2,8 % au premier semestre, les expositions brutes totales s'inscrivent en hausse de 0,4 % au second semestre de 2020 à 229,1 milliards d'euros, soit une croissance annuelle de 3,2 %, la plus faible depuis décembre 2014 (Graphique 20). Par ailleurs, par rapport à fin 2019, les expositions diminuent en proportion des fonds propres totaux (-1,2 pt à 52 %) comme du total de bilan (-26 bps à 3,03 % ; Graphique 21).

La structure des expositions enregistre des évolutions souvent semblables à celle de la production entre 2019 et 2020 :

  • La part de la France continue de se renforcer graduellement pour atteindre 61,4 % (+1,2 pt) ; si le reste du monde progresse également (+1,4 pt à 14,2 %), le reste de l'Europe subit, à l'inverse, un repli prononcé (-2,6 pts à 24,5 % ; Graphique 22) ;
  • La part des crédits dans les expositions reste largement prépondérante et progresse légèrement (69,9 %, +0,7 pt), tandis que les engagements de financement et de garantie
    enregistrent un repli mesuré de respectivement 0,2 pt et 0,5 pt à 14,6 % et 11,6 % (Graphique 23) ;
  • Le poids des investisseurs se réduit de 0,8 pt mais ces derniers continuent de concentrer une large proportion des expositions (62,9 %) ; la part des promoteurs et marchands de biens progresse à l'inverse de 0,4 pt à 34,1 % (Graphique 25) ;
  • Si les principaux types d'actifs voient leur part se réduire par rapport à 2019 (immobilier résidentiel -0,6 pt à 29,5 % ; immobilier de bureaux -0,9 pt à 22,2 % ; commerces -0,5 pt à 14,9 %), les actifs diversifiés progressent en revanche de 1,5 pt à 14,4 %, portées par les sociétés de promotion ad hoc (Graphique 28 et Tableau 2) ; au sein des autres actifs, en dépit des difficultés du secteur, les expositions sur l'hôtellerie et la restauration

7 Les expositions douteuses et dépréciées couvrent

l'ensemble des concours (crédits et titres de dette, engagements de hors bilan, crédit-bail et participations)

8 Les expositions restructurées in bonis recouvrent les expositions qui, sans être classés en encours douteux, ont

ont continué de croître en 2020 pour atteindre près de 4 % (Graphique 29).

Le risque de crédit reste contenu mais quelques signes de dégradation apparaissent.

Si, en moyenne, la sinistralité a continué de diminuer à la faveur de l'amélioration de l'activité économique dans la seconde partie de l'année (le taux d'expositions douteuses et dépréciées brutes a baissé de 13 bps entre 2019 et 2020 à 2,55 % ; Graphique 31), quelques signes de dégradation sont perceptibles :

- Le taux d'expositions douteuses et dépréciées brutes7 progresse de nouveau dans le reste de l'Europe (+19 bps à 5,30 %) et se maintient sensiblement au-dessus de la moyenne ; la situation se dégrade également dans le reste du monde (+25 bps à 1,49 %), qui continue néanmoins d'afficher une sinistralité très faible et en baisse sur le second semestre de 2020 (-29 bps) ; enfin, si la situation s'est améliorée en France entre 2019 et 2020 (-19 bps), le taux d'expositions douteuses et dépréciées brutes a augmenté de 2 bps au second semestre de 2020 à 1,70 % ;

  • Le taux de crédits et titres de dette douteux bruts enregistre une baisse de 13 bps par rapport à fin 2019 mais progresse de 3 bps au second semestre de 2020 (Graphique 33) ;
  • Si le taux d'expositions douteuses et dépréciées brutes des promoteurs (-101 bps à 3,94 %), des sociétés de promotion ad hoc (-62 bps à 3,40 %) et des financements spécialisés et autres société ad hoc d'investissement (-23 bps à 2,10 %) est toujours orienté à la baisse, il progresse en revanche pour les grandes foncières cotées (+0,57 bps à 0,58 %) et les autres sociétés foncières et sociétés d'investissement non ad hoc (+54 bps à 2,48 % ; Graphique 34) ;
  • Le taux d'expositions restructurées in bonis8 progresse de 29 bps pour atteindre 0,98 %, son niveau le plus élevé depuis fin 2016 (Graphique 36), la hausse étant nettement plus marquée sur le reste de l'Europe
    (+158 bps à 2,55 %) ; par ailleurs, au sein des différentes catégories de bénéficiaires, les
    investisseurs portent l'essentiel de l'augmentation des créances restructurées
    (Graphique 37) ;

donné lieu à un ajustement des termes initiaux du contrat en raison des difficultés auxquelles le débiteur fait face pour respecter ses engagements, ou auxquelles il est susceptible de devoir faire face.

Le financement des professionnels de l'immobilier par les banques françaises en 2020 5

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