Pékin (awp/afp) - Xiaomi, géant chinois des smartphones en pleine expansion internationale, va être coté à Hong Kong, ce qui pourrait être la plus grosse introduction boursière au monde depuis quatre ans -- une victoire pour la place de l'ex-colonie britannique face à Wall Street.

Basé à Pékin, le groupe a dévoilé jeudi sa demande pour s'introduire à la Bourse de Hong Kong.

Les documents publics ne précisent pas son objectif, mais selon l'agence Bloomberg, qui cite des sources proches, l'opération pourrait permettre à Xiaomi de lever 10 milliards de dollars américains. Un tel montant valoriserait l'entreprise autour de 100 milliards de dollars.

Il s'agirait de la plus grosse introduction boursière depuis celle du mastodonte chinois du commerce électronique Alibaba à New York en 2014, pour 25 milliards de dollars.

Xiaomi était au dernier trimestre 2017 le quatrième fabricant mondial de smartphones (7% du marché), derrière le duo Apple-Samsung et son compatriote Huawei, selon le cabinet IDC.

Fondé en 2010, Xiaomi ("Petit-riz" ou "Millet" en mandarin) a connu un essor fulgurant grâce à sa recette initiale de proposer des appareils haut de gamme mais abordables, en sabrant les coûts de production et en les vendant directement en ligne, fédérant une communauté de fans inconditionnels.

Un succès alimenté par son charismatique fondateur Lei Jun, volontiers qualifié de "Steve Jobs chinois".

- 'Ecosystème ouvert' -

Même s'il écoule l'écrasante partie de sa production en Chine, le groupe réalise d'ambitieuses percées sur quelques marchés émergents, notamment en Inde, où il a engrangé un milliard de dollars de revenus en 2016.

Les fonds levés à Hong Kong apporteraient une manne bienvenue à l'heure où Xiaomi se diversifie dans les objets connectés (enceintes interactives) et investit massivement dans l'intelligence artificielle.

Il avait aussi rejoint l'an dernier le club fermé des géants télécoms capables de produire leurs propres processeurs.

"Nous construisons un écosystème ouvert mondial, pas un jardin enclos de murs", a assuré Lei Jun jeudi dans une lettre ouverte, assurant vouloir faire de Xiaomi un groupe plus diversifié qu'un simple fabricant de téléphones.

L'entreprise "fera partie de la vie de milliards de personnes", s'est-il enflammé, évoquant des séries de services interconnectés.

"Les investisseurs vont aimer cela (...) Une plus grosse base d'usagers de smartphones se traduira par une rentabilité plus robuste de ses services et de l'écosystème", commentait James Yan, analyste du cabinet Counterpoint, cité par Bloomberg.

L'opération hongkongaise intervient également au moment où Xiaomi relève la tête après une période douloureuse.

Dépassé par ses rivaux chinois Oppo et Vivo, qui ont décollé spectaculairement en multipliant les boutiques dans les banlieues des villes chinoises, Xiaomi avait réagi en musclant tardivement son réseau de magasins.

Selon des résultats financiers dévoilés jeudi pour la première fois, le groupe a certes essuyé en 2017 une perte nette de 43,9 milliards de yuans (5,7 milliards d'euros), contre un maigre bénéfice l'année précédente.

Mais son chiffre d'affaires a bondi de 67,5% en 2017, à 114,5 milliards de yuans (15 milliards d'euros), après une croissance d'à peine 2,4% en 2016.

Enfin, Xiaomi a annoncé jeudi s'allier au conglomérat CK Hutchison du milliardaire hongkongais Li Ka-shing.

Les 17.000 magasins de ce dernier proposeront les téléphones du groupe chinois, notamment en Europe: soutien précieux pour faire encore grandir "Petit-riz" à l'international.

- Goût de revanche -

Cette cotation a par ailleurs un goût de revanche pour le Hong Kong Stock Exchange, qui avait vu lui échapper nombre d'entreprises technologiques chinoises ayant préférer aller s'introduire à New York.

Le choix d'Alibaba avait été un coup de semonce pour l'ex-colonie britannique, inquiète de voir s'effriter son aura de grande place financière en Asie.

Afin de gagner en attractivité, les autorités hongkongaises avaient finalement accepté en avril d'autoriser, comme à Wall Street, la cotation d'entreprises possédant un système d'actions préférentielles.

Celui-ci, qui permet aux fondateurs d'un groupe d'en garder le contrôle via des actions aux droits de vote différenciés, est prisé des géants technologiques, comme Facebook.

Mais Xiaomi a peut-être aussi tiré les leçons des déboires cuisants de nombreuses sociétés chinoises cotées à Wall Street, mais dont les activités se cantonnent au marché chinois.

"Il y a peu de firmes internet chinoises dont les investisseurs américains peuvent vraiment comprendre le modèle économique et les tenants", faute de familiarité avec le pays, indiquait déjà en janvier Tong Shihao, investisseur-clef de Xiaomi, au média financier Yicai.

afp/rp