Les problèmes de liquidités proviennent du fait "que nous avons réalisé un grand nombre de fusions", alors même que l'environnement extérieur devenait plus difficile et que l'économie chinoise "passait d'une expansion rapide à une croissance modérée", a dit Chen Feng à Reuters.

"Les hausses de taux de la Réserve fédérale et le désendettement en Chine ont provoqué une pénurie de liquidités à la fin de l'année pour de nombreuses entreprises chinoises", a-t-il poursuivi. "Nous sommes convaincus que nous allons surmonter ces difficultés et maintenir un développement durable, sain et stable."

Il est rare qu'un dirigeant de HNA reconnaisse publiquement les problèmes de financement du conglomérat.

HNA, dont les investissements vont du secteur aérien aux banques en passant par l'immobilier, est confronté à des échéances de remboursement qui alimentent les inquiétudes sur son endettement après 50 milliards de dollars (42,6 milliards d'euros) d'acquisitions ces deux dernières années.

Ces dernières semaines, des banques locales ont publiquement exprimé leurs inquiétudes après un défaut de HNA sur certains engagements financiers, notamment le versement de loyers d'avions, et alors que l'endettement croissant du groupe a porté à de nouveaux sommets ses coûts de financement à court terme.

Des décisions importantes sont attendues. Hainan Airlines Holding, Bohai Capital Holding, la maison mère de la société de leasing d'avions Avolon, et Tianjin Tianhai Investment, qui contrôle la société californienne Ingram Micro Electronics, ont tous suspendu leur cotation en Bourse dans l'attente d'annonces majeures.

Ingram Micro a été acheté pour environ six milliards de dollars. Le conglomérat chinois détient également une participation de 10% dans le français Pierre & Vacances. Il est aussi actionnaire du groupe hôtelier Hilton Hotels Worldwide Holdings et de la banque allemande Deutsche Bank.

Le directeur général de HNA, Adam Tan, a déclaré en novembre que la société cédait des biens immobiliers et d'autres actifs dans le but de renforcer ses liquidités et de respecter les normes chinoises.

S'exprimant dans son bureau à Haikou, dans le sud de la Chine, siège de HNA, Chen Feng a dit n'être pas impliqué dans les décisions concernant la moindre transaction et a refusé de commenter les projets de levée de fonds.

OBJECTIF INCHANGÉ

Après des années de "développement extraordinaire", Chen Feng a déclaré que HNA se concentrait désormais davantage sur l'intégration de ses opérations, la création de synergies entre les ressources locales et étrangères, ainsi que l'amélioration de la gestion du groupe.

"Notre entreprise est devenue si grande que nous devons améliorer l'efficacité", a-t-il constaté.

"L'objectif à long terme reste inchangé, à savoir devenir une entreprise de classe mondiale", a-t-il ajouté. "2018 est notre année de l'efficacité."

L'endettement de HNA inquiète certains analystes et sa "politique de financement agressive" a amené en novembre S&P abaissé sa note de crédit.

Le niveau d'emprunt du groupe, y compris les emprunts bancaires et les obligations, a bondi de plus d'un tiers au cours des 11 premiers mois de l'année dernière à 637,5 milliards de yuans (81,18 milliards d'euros), selon un document financier.

Les actifs du groupe ont atteint 1.200 milliards de yuans à la fin du mois de juin, selon un autre avis.

En décembre, HNA a dit avoir reçu pour 2018 des promesses de soutien de la part de huit grandes banques, dont la China Development Bank, la Banque chinoise d'exportation et d'importation et la Banque industrielle et commerciale de Chine.

Le conglomérat a également indiqué disposer encore de 310 milliards de yuans de facilités de crédit inutilisées auprès d'organismes financiers.

Selon Chen Feng, les institutions financières continuent de soutenir HNA en raison de la qualité de ses actifs et de ses projets. "Nous créons des emplois localement, payons des taxes et participons au développement", a-t-il fait valoir.

ENQUÊTES RÉGLEMENTAIRES

Les problèmes de financement de HNA ont été exacerbés par des enquêtes réglementaires menées dans plusieurs pays après que le groupe eut annoncé des changements dans sa structure d'actionnariat en juillet. Si le conglomérat a obtenu des autorisations auprès des autorités allemandes, irlandaises et britanniques, il a en revanche essuyé des revers en Suisse et en Nouvelle-Zélande.

L'Australia and New Zealand Banking Group a renoncé ce mois-ci au projet de cession de sa filiale de financement UDC à HNA, le régulateur néo-zélandais ayant bloqué la demande de HNA en invoquant une incertitude sur la propriété et les intérêts de contrôle du conglomérat.

"La Chine va à l'étranger, les modifications sur sa politique de change et les doutes des gouvernements étrangers à son encontre constituent des défis", a dit Chen Feng. "Cela rend certaines personnes mal à l'aise."

Les inquiétudes concernant la propriété ont également été aggravées par des rumeurs "sans fondement et diffamatoires" selon lesquelles le conglomérat aurait des liens avec la famille d'un haut responsable du Parti communiste, ce qui aurait "une certaine influence sur notre image et notre réputation", a-t-il ajouté. "Progressivement, ces problèmes sont en train d'être résolus."

Chen Feng a également jugé que HNA faisait face à un manque d'expérience, dans un environnement mondial complexe. "Notre jeune équipe de direction, y compris moi-même, n'avons pas géré d'entreprise mondiale", a-t-il déclaré.

(Claude Chendjou pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Matthew Miller